30 avril 2009

Fink - Sort Of Revolution (2009)

A l’instar d’un Matt Elliott ou d’un Birdengine, Fink est un songwriter folk atypique, car issu de la scène électronique. Alors que sa carrière de DJ et ses albums trip-hop sur Ninja Tune lui valaient déjà toutes les louanges au début de cette décennie, Fin Greenall a eu le courage d’entamer une seconde vie musicale en cédant à la pulsion qui le démangeait déjà depuis un moment : à savoir prendre sa guitare et chanter. C’était en 2006. Depuis, deux beaux albums, toujours chez Ninja Tune, sont venus confirmer la justesse de ce choix. Contrairement à ce que son titre peut laisser entendre, Sort Of Revolution, à paraître le 11 mai, ne marque pas de nouveau revirement dans la carrière de son auteur. Dans sa simplicité et sa sobriété, il se place même dans la continuité de l’oeuvre antérieure, tout en présentant des aspects plus mélancoliques, teintés de blues et de soul.

Sur la plupart des titres, la voix et la guitare de Fink ne sont accompagnés que de la basse de Guy Whittaker et de la batterie de Tom Thronton. Moins tranchante que sur Biscuits for Breakfast (2006) ou Distance and Time (2007), la section rythmique installe un groove en suspension, plein d’ellipses et d’allusions, qui colle bien à la rage contenue des compositions. Les sons flottent, entretiennent le trouble, mais sont habités d’une force sourde, qui émerge parfois dans de grands élans de cordes et de piano, comme sur la sublime “Move On Me”, composée avec John Legend. Entre les lignes se dessinent les influences de la musique africaine (“Pigtails”), du R&B (“Q & A”), mais surtout du dub, musique que Fink affectionne particulièrement et développe au sein de son projet parallèle Sideshow.

Si le minimalisme bluesy de “Six Weeks” ou “Walking In The Sun” (reprise de Jeff Barry) fait son petit effet, les morceaux de bravoure sont ceux qui imbriquent toutes les influences du Britannique en un assemblage unique. S’il fallait n’en retenir qu’un, ce serait sans hésitation le morceau-titre, petit chef-d’oeuvre d’hypnose électro-folk, qui combine un pied techno en sourdine, quelques notes de piano et de guitare, et s’achève par une délicieuse minute de dub. Le tout a été admirablement enregistré, produit et mixé par Fink en personne, comme il en a l’habitude. L’artisan de Brighton apparaît donc fidèle à lui-même sur ce nouvel opus : humble, talentueux et versatile. En fait... Tout ce qu’on aime !

En bref : spleenétique et inspiré, Fink livre un album blues/folk élégant, qui s’ouvre par l’une des plus belles chansons de l’année, la paralysante “Sort of Revolution”.



A lire aussi : Sideshow - If Alone (2009) et Matt Elliott - Howling Songs (2008)

Son Myspace et son site officiel
Le site de Ninja Tune


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29 avril 2009

Revolver - Music For A While (2009)

Dave avait bien senti le coup en interviewant il y a plus d’un an les trois amis parisiens Ambroise, Christophe et Jérémie à l’occasion de la sortie de leur premier Ep. Depuis, le buzz a fait rage dans la capitale comme en province, et tout le monde attend de pied ferme ce premier album qui sortira le 1er juin prochain. Produit par Julien Delfaud (Naast, Ours…) et enregistré au Stutio Pigalle avec de nouveaux moyens, le disque ne se départit pas pour autant de ce qui a fait la patte Revolver, à savoir des compositions dépouillées, des mélodies à tire larigot et une agréable douceur dans les atmosphères.

Côté influences on peut difficilement faire mieux. Music For A While, un titre de l’un des morceaux de Purcell (Jérémie est grand amateur des compositeurs de la renaissance), Revolver, titre d’album de vous savez qui. J’ai entendu le trio évoquer Elliott Smith et les Kinks et reste par contre plus circonspect. L’éducation musicale classique pointe en revanche le bout de son nez à de nombreuses reprises dans le jeu de cordes magistral (guitare et violoncelle) et les harmonies vocales à trois voix utilisées juste ce qu’il faut. Ces trois-là sont perfectionnistes et ça se sent.

Trois voix et deux guitares donc, pour une pop qualifiée de chambre, alors que l’on imagine sans soucis les compositions de ce Music For A While jouées par un orchestra philarmonique. Ca commence même comme du Fredo Viola sur un "Birds In Dm" aux allures d’introduction, avant le désormais classique "Leave me alone" légèrement retravaillé depuis l’Ep. Si l’ambiance reste à l’intimité et à la mélancolie la plupart du temps, les très Beatles "Bululalow" et "Untitled #1" vous prennent par la main et vous emportent.
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Sur "Luke, Mike & John" ce sont les Belle & Sebastian sans fille qui s’invitent à la fête, avant d’accélérer le pas sur un enlevé "A song she wrote" et de rêver sur "You drove me home". La production est quant à elle parfaite de fond en comble et sent très fort le Abbey Road, c’en est presque troublant. Aucun raté sur douze titres, moi je trouve ça louche. Et pourtant je vous assure, je n’ai pas de parts dans cette histoire.

En bref : presque trop "propre", ce Music For A While est cependant bourré de titres magiques comme d’autant de moments de grâce mélodiques. Des futurs grands, irrémédiablement.

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Le Myspace

A lire aussi : Interview - Revolver

Le très Lennon "Luke, Mike & John" et "Untitled #2" au piano :

Revolver "Luke, Mike and john" from Karakoid on Vimeo.

Revolver "Untitled 2" from Karakoid on Vimeo.


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28 avril 2009

A Night In Paris II - le 30/04/09 à l’Elysée-Montmartre, Paris

Après avoir célébré Detroit à trois reprises et organisé une première soirée consacrée à Paris, l’équipe d'A Night In... revient avec un nouvel événement consacré à la capitale française et un line-up particulièrement audacieux. Le flyer n’hésite d’ailleurs pas à proclamer que cette soirée “marquera définitivement le renouveau de la house parisienne”. Prétentieux ? Certes. Mais pas tout à fait faux, tant les artistes invités sont des valeurs montantes de la scène hexagonale. Plus besoin de vous présenter Nôze, puisque les sorties du duo sont souvent mises à l’honneur sur Dodb. Nicolas et Ezechiel présenteront leur live délirant, qui a déjà retourné la moitié des clubs et des festivals de la planète (Sonar, Mutek...). Rappelons qu’ils figurent régulièrement dans les classements des meilleurs live électroniques.

Autre binôme, Masomenos fait l’objet d’un gros buzz ces dernières semaines. Cette association ultra-hype d’une DJ graphiste et d’un réalisateur-producteur s’apprête à sortir son premier album, Third Eye, entre techno funky et deep-house. Leur performance promet d’être colorée puisque Joan Costes et Adrien de Maublanc se sont créés un univers visuel enfantin peuplé de petits personnages cartoonesques, qu’ils déclinent aussi sur des vêtements et objets déco pour des magasins fashion du type Colette - ils viennent d’ailleurs d’ouvrir leur propre shop, dans le 1er arrondissement parisien. Egalement en live, Alexis Bénard, alias Seuil, fondateur du label Eklo, distillera sa techno minimale sombre et groovy, très influencée par Ricardo Villalobos. Les résidents Stephan, Tibo’z, et DJ Deep, complèteront cette très belle programmation.

A Night In Paris II, le jeudi 30 avril (veille de jour férié) de 23h30 à 6h30 à l’Elysée Montmartre, 72 bd de Rochechouart, Paris 18e, métro Anvers. Prévente avec accès prioritaire : 10€ (+frais de loc.). Sur Place : 15€.

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A lire : Nôze - Songs On The Rocks (2008)

Le site et le Myspace de Masomenos
Les pages Myspace de Nôze, Seuil, Tibo’z, DJ Deep et Stephan
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The Dead Kennedys - Frankenchrist (1985)

Coupons court au débat, l’intérêt porté au troisième album des californiens sauvages va bien au-delà de la simple polémique dont il a fait l’objet. Mais ne pouvant évoquer le disque sans décrire le contexte, je me vois contraint de résumer les faits : ici ce ne sont ni la pochette - au demeurant géniale, présentant une parade de l’AAONMS, une organisation franc-maçonne américaine - ni le gatefold qui furent mis en cause, mais bel et bien le poster originellement glissé à l’intérieur qui provoqua le procès fatal à la carrière des Dead’s. Celui-ci représentait une peinture de l’artiste H.R. Giger, intitulé The Penis Landscape, une boutade qui déplut fortement à l’état de Californie qui entama alors un long procès pour pornographie, pour finalement arriver à un non lieu.


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27 avril 2009

Kid Bombardos - I Round The Bend (2009)

La valeur n'attend pas le nombre des années, ai-je envie de dire à l'écoute du premier EP de ce groupe bordelais n'atteignant pas même la vingtaine en termes de moyenne d'âge. En effet, les frères Martinelli, épaulés par David Loridan à la guitare et au chant, livrent ici cinq morceaux d'une classe toute british. On pense aux Libertines ou encore aux Strokes sur l'excellent "Stuck", tandis que la finesse du "I round the bend" introductif séduit d'emblée; le chant, stylé, fait bon ménage avec des guitares elles aussi chatoyantes, la pop énervée du quatuor produisant un effet certain.

Une touche acoustique bien dosée vient ensuite enjoliver un rock déja racé, finement ciselé, sur "I'm gonna try" qui se pose presque en standard folk insoumis. Et si les influences et le "territoire d'appartenance", évidents, sautent aux yeux ou plutôt aux oreilles, ils sont si bien maitrisés qu'on ne peut que s'incliner devant la qualité du disque en présence. D'autant plus qu'en fin de morceau, une accélération géniale achève de faire de ce titre un must.

Passé le "Stuck" évoqué plus haut, "Goodbye baby", saccadé, fait de cette même étoffe british à la fois soignée et négligée, mélodique et pleine d'un allant communicatif, confirme le savoir-faire des Aquitains, qui partent d'une formule simple mais d'une efficacité redoutable dès lors qu'elle est appliquée par leurs soins.

Enfin, la version acoustique de "I round the bend", magnifique et dépouillée, conclut sur une note apaisée et toute aussi attrayante un EP de belle facture, qui laisse présager d'une suite au moins aussi brillante.

Grosse révélation donc, dans l'attente de la suite et de la poursuite par le groupe de la quête d'un son entièrement personnel.

En bref : un gros espoir, plus que prometteur mais pas encore complètement affranchi, ce qui au vu de son potentiel et de sa marge de progression ne tardera aucunement.




Leur Myspace

La vidéo de "I'm gonna try" au BT 59 à Bordeaux:



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OutKast - Speakerboxxx / The Love Below (2003)

Le regretté Nikola Acin avait raison : s'il fallait ne posséder qu'un disque estampillé rap dans sa discothèque....._
Et par extension, s'il fallait n'en avoir que 7 (6 albums + 1 compilation), cela permettrait de couvrir la discographie intégrale du génial duo d'Atlanta. En outre, se rendra-t-on compte au passage, à quel point le terme "rap" paraît réducteur, quand il s'agit d'encapsuler l'oeuvre d'OutKast.

En 2003, lorsque paraît ce recueil, le duo est déjà multi-platiné, reconnu de la critique et de ses pairs depuis une décennie, grâce notamment à son précédent grand oeuvre, Stankonia (2000).
Moins old skool que tout ce qu'il a pu proposer jusqu'alors, même si l'oeuvre est riche de circonvulations allant bien au-delà de la simple musique noire, Speakerboxx et The Love Below proposent deux albums en un, l'un plus foncièrement "hype" hop et bling bling, oeuvre de Big Boi, l'autre plus soul, jazzy et introspectif et davantage hip "pop", dont le démiurge est Andre 3000.
Mais comme on va le voir, il existe entre les deux disques des passerelles qui permettent de mieux appréhender l'influence et la participation plus active que guest des compères dans la création de l'autre ; et ceci est probablement ce qui justifie l'appellation OutKast du projet, plutôt que la juxtaposition de deux albums solo.

Passons sur le monumental "Ghetto Muzik" que Prince , à l'époque où il savait encore défricher de nouveaux sons, aurait pu s'approprier, pour observer plus avant le passionnant fourre-tout de Speakerboxxx. Nombre d'intervenants vocalistes viennent faire entendre leur organe ; ainsi Sleepy Brown sur le très Marvin "The Way You Move". Plus que sur le parti-pris old-skool, finalement peu représentatif du son Outkast que l'on peut observer sur "Tomb Of The Boom", c'est davantage du côté d'un funky de grande classe façon Ohio Players que vont loucher le très sexy "The Rooster" (coq/cock, c'est-à-dire "bite" en slang), ou la trilogie "Bust", "War" et "Church".
Pour souligner l'éclectisme sous-jacent de cet album, une piste telle que "Reset" ravira les aficionados du son son Fender Rhodes : un titre qui avait à n'en pas douter sa place sur The Love Below.

The Love Below, plus long, est un feu d'artifice, en ce sens qu'il offre un panorama global de ce que la musique afro américaine a su proposer au siècle dernier, mais aussi et de manière beaucoup plus vaste, de la musique populaire en général. Du chant crooner swing avec voix de fausset de "Love Hater", l'auditeur ébahi assiste à l'extase d'Andre 3000 face à Dieu qu'il imagine sous les traits d'une fille sublime ("God"), sous un tapis d'arpèges diminués acoustiques, et c'est simplement beau. "Happy Valentine's Day" et ses accords plaqués irrésistibles sont une offrande au déhanchement. Le jazz affleure sous la rythmique trépidante de "Spreads", tandis que "Prototype" est une superbe ballade soul atmosphérique avec nappes de synthé.
Les choeurs féminins, tantôt suaves, tantôt bitch chauffent leur homme sur "She Lives In My Lap" qui n'eût pas déparé sur Speakerboxxx, preuve supplémentaire de la complémentarité des deux disques.
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Passons sur "Hey Ya", autre grand morceau pop tubesque, présent en fond sonore dans 1 documentaire sur 5 (les 4 autres étant des morceaux de Massive Attack, Beck, Portishead et Air) pour nous attarder sur "Pink And Blue", curieux morceau new wave que n'aurait pas renié une Siouxsie et ses Banshees des débuts ; pour un peu, la noirceur corback l'emporte là sur le feeling black.
Ledit feeling revient vite à la faveur de la voix de tête très Curtis d'Andre sur "She's Alive", ou bien encore sur l'entêtant "Dracula's Wedding" sur lequel la parfaite Kelis nous avoue sa peur des vampires. Le temps d'assister à une relecture breakbeat géniale du "My Favorite Things" de Coltrane (s'il fallait une preuve supplémentaire que ces gens-là ont du goût), et d'entendre une nouvelle fois Andre 3000 roucouler avec la belle Norah Jones sur "Take Off Your Cool", et l'odyssée s'achève, après un très inquiétant "Vibrate", et un très hum, humble instru final qui cite les Beatles.
D'ailleurs, ce diptyque a été comparé au Double Blanc, pour cette manière de collaborer en se tournant le dos, cette façon d'interférer dans l'univers de son binôme, tout en lui concédant une fausse liberté, ce parti-pris de composer aussi à la manière de l'autre. On ne saurait trouver plus juste description de ce disque majeur.
Depuis, Outkast n'a plus sorti que l'épatant Idlewild (2006), qui pour son malheur, ne fut qu'excellent.

En bref : il serait vain d'user de la sacro-sainte formule de "disque qui compte parmi les 10 meilleurs de l'histoire de la pop au sens large", vu qu'il s'agit sans doute... de l'un des 5 meilleurs. Mais tout n'est que rhétorique face à ce parfait mastodonte, véritable crossover d'une époque métissée qu'est ce Speakerboxxx/The Love Below. On se contentera de "chef d'oeuvre".


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"Reset" (extrait de Speakerboxxx)

"God" (extrait de The Love Below)



"Dracula's Wedding" (extrait de The Love Below)


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Interview - Jacques Duvall


"Un sacré crooner belge entouré d’un backing band exemplaire pour de succulents textes en français sur fond de musique américaine seventies. Parfait." Voilà comment nous avions décrit en bref le dernier album du belge Jacques Duvall. Visiblement sensible à notre chronique, Jacques a répondu sans détours et avec humour à nos questions sur Le Cowboy et la Callgirl, son deuxième album solo.

Qu’est-ce qui a changé entre le premier et le deuxième album ?

J'ai pris deux ans dans la tronche. Ce qui me procure cette sidérante maturité. Car, sachez-le, cet album-ci est l'album de la maturité.

Le choix du chant en français a-t-il toujours été une évidence ?

Eh bien non, figurez-vous que j'ai débuté en anglais. Ma première chanson publiée c'était pour les Runaways, un band de Los Angeles constitué uniquement de gonzesses. Il y avait là entre autres Joan Jett, qui a fait un carton toute seule un peu plus tard avec "I Love Rock'n'roll". J'ai poursuivi dans la langue de Shakespeare pour Telex, Sparks, Lisa Ekdahl et quelques autres. Mais je suis vite passé à la langue de Johnny Hallyday ensuite, car je l'utilise plus volontiers dans la vie courante. Il faut savoir que ma boulangère ne cause pas un mot d'anglais.

Comment s’est passée la rencontre et la collaboration avec Freaksville ?

Les Phantom sont le meilleur groupe de rock'n'roll du monde, j'ai une chance de malade de pouvoir bosser avec eux. Je n'ai pourtant rien fait pour mériter ça. C'est ennuyeux, je risque de payer cette injustice flagrante plus tard. Je vais sûrement développer un cancer du colon. Pour en revenir à Freaksville Records, Benjamin Schoos c'est Berry Gordy, Link Wray et Tintin en une seule personne. Ce garçon est étonnant!

L’eurovision, ça a encore un sens ?

Heu, parce que ça en avait un ? Vous voulez savoir pourquoi j'ai écrit la chanson qui va représenter la Belgique, c'est ça? L'important ce n'est pas de savoir où j'exerce mon métier mais comment. On m'a laissé faire comme je voulais, c'est la seule garantie que je demande, quel que soit le client.

Vous avez travaillé avec énormément d’artistes, qui est le plus fou ?

J'ai travaillé avec un grand nombre de malades mentaux. Lio remporte la palme haut la main. Je l'aime pour la vie.

De quoi êtes-vous le plus fier ?

Je suis très fier de tout mon parcours. Cette attitude frise la prétention. En même temps je sais quand même aussi que ce ne sont que des chansons. Il est fort probable qu'en dehors de ça ma vie soit un fiasco.

Un regret ?

Aucun vainqueur de la Star Ac n'a jamais fait appel à mes services. Pourtant moi je n'aurais pas pris de pseudo pour écrire pour eux. Ah si, quand même, Elodie Frégé m'a commandé une chanson. Enfin sa maison de disque plutôt. Elle, elle m'a jeté et elle a réécrit un autre texte dessus elle-même. Plutôt bien d'ailleurs, "Je te dis non" ça s'appelait son texte. J'ai bien enregistré (sourire).

La pochette du Cowboy et la Callgirl est magnifique. Etes-vous intéressés par les comics, la Bd ?

J'aime les arts mineurs, ceux qui ne sont pas encore pollués par la respectabilité. Donc oui, les comics j'aime ça. Une amie m'a fait découvrir récemment les illustrateurs de Pulp, Robert Maguire et Glen Orbik par exemple, c'est trop beau.


Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans l’écriture de vos chansons, l’Europe ou les USA ?

Je suis un cowboy européen, comme Lucky Luke ou comme les héros de westerns spaghetti. Chez nous en Belgique il y a un chanteur, Bobbejaan Schoepen, qui se promène dans une limousine avec des cornes de bœuf sur le capot, je considère ça comme le summum de la classe. C'est très bien de singer les Américains! Comme on n'est pas comme eux on finit par créer quelque chose de différent sans même le faire exprès. Vous voyez Giorgio Moroder? Un Allemand qui croyait faire de la soul music avec ses synthétiseurs. Du coup il a inventé la disco!

Suivez-vous de près les nouveaux canaux musicaux (Myspace, blogs…) et qu’en pensez-vous ?

Je dois dire que j'ai fait plein de découvertes sur Myspace. Florence Denou par exemple, qui a écrit la plus belle chanson de l'an dernier : "Les beaux draps". C'est le genre de truc qu'Alan Vega ne parvient plus à pondre, minimaliste mais très intense. Et puis Salomé Califano, qui a la voix la plus sexy de la galaxie et une guitariste d'enfer. J'étais déjà fan de Sunday Doll, le groupe qu'elle avait avec Fred Sko. Il y a aussi Ana Pankratoff, qui a le sens de la mélodie folk, un peu comme David McNeil peut l'avoir. Et j'allais oublier Alka, qui vampirise des chansons de Biolay, elle va détrôner Mylène Farmer dès demain. Quoi? Ce sont toutes des jolies filles? Oui mais vous savez que je suis au-dessus de ça, franchement!

Qu’écoute Jacques Duvall ces derniers temps ?

Outre les sirènes dont on vient de parler j'écoute le dernier album de Tony Truant. Il y a un morceau qui s'appelle "Fantôme", je pense que Tony l'a écrit uniquement pour moi, pour personne d'autre. Vous devriez être plus fiers de Tony Truant, hé les journalistes parisiens!

Quelque-chose à rajouter en particulier ?

J'ai un pote qui se moque de moi quand il lit mes interviews. Il me dit : "Tu as de nouveau donné ton avis? Est-ce que tu te rends compte à quel point c'est pathétique?". Il a raison, merde, c'est pathétique. Je vais aller me jeter du pont de l'Alma.

Le site officiel et le Myspace


A lire aussi : Jacques Duvall - Le Cowboy Et La Callgirl (2009)


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25 avril 2009

The West Coast Pop Art Experimental Band - Volume 2 (1967)

Réputé comme un groupe à visée commerciale totalement vampirisé par son chanteur-manager Bob Markley, fils adoptif d'un magnat du pétrole et acteur raté qui souhaitait façonner un équivalent californien du Velvet Underground, The West Coast Pop Art Experimental Band n'en demeure pas moins une très belle formation de rock psychédélique, largement ignorée, tutoyant sans problème la crème de la catégorie. The Electric Prunes, The Seeds ou The 13th Floor Elevators en tête.


Le groupe n'eut qu'une vie furtive, de 1966 à 1970, et son histoire pourrait au final se résumer au tiraillement perpétuel entre la fratrie Harris – Shaun and Danny, à l'origine du projet – orientée vers la mélodie pop-rock, et le déjanté Bob Markley, adepte des spoken words incantatoires et des envolées psychédéliques. Décrit comme un piètre musicien et un chanteur sans talent par ses camarades, ce dernier a cependant apposé sa marque à la musique du WCPAEB, l'imprimant nettement de ses psychoses et la faisant lorgner du côté de ses voisins les Doors et Love, sans oublier Zappa.


Après un premier album marqué musicalement par les dissensions entre les membres du groupe, et l'arrivée du guitariste Ron Morgan, Volume 2, produit par le label de Frank Sinatra et Dean Martin Reprise records, s'impose comme une oeuvre plus ambitieuse. Indubitablement, le nouveau venu a apporté un plus, alternant riffs stridents et effets avec des phases davantage mélodiques comme sur "Small of incense", une des merveilles du disque, très proche par sa douceur et ses embardées électriques de certaines compo de Forever Changes des sus-cités Love, sorti la même année en la divine 1967.


De son côté Markley, loin du costard dont on l'a affublé, tire son épingle du jeu, se faisant tour à tour crooner, shaman et militant. En la matière, son hymne pacifiste "Suppose they give a war and no one comes ?", inspiré en partie d'un discours de Franklin Delano Roosevelt, témoigne de ses récurrences peace-love qui imprègneront les albums suivants du groupe. Se dessine également à travers ce disque l'obession du chanteur pour les jeunes filles, dont la balade candide et quelque peu perverse "Queen Nymphet" est une parfaite illustration. Les frangins Harris, à la basse et à la guitare, sont en lévitation et sculptent avec précison de longues plages instrumentales planantes et progressives tout aussi bien que de percutantes lignes rock' n' roll.


Plus qu'un simple exercice supplémentaire et accessoire du psychédélisme des sixties, The West Coast Pop Art Experimental Band s'affirme sur Volume 2 comme une formation habitée et hautement talentueuse, alternant tunnels expérimentaux lancinants et pure verve rock, portée par la justesse de Bob Markley et les inspirations géniales des frères Harris. Je n'en jeterai plus pour vous dire tout simplement que ce groupe méconnu mérite le détour.


En bref : Exhumé des plages dorées du psychédélisme, un disque de rock éblouissant, entre expérimentation et mélodies pop imparables. De la stature d'un classique.




NB : Evoquant la musique psychédélique des années 60, je ne saurais trop inciter ceux qui ne l'ont pas déjà fait à écouter la splendide compilation Nuggets : Original artyfacts from the first psychedelic era 1965-1968, éditée par le label anglais Rhino. Comme son nom l'indique, elle recèle de pépites. Avis aux chercheurs d'or.


A lire aussi : The Blues Magoos – Psychedelic Lollipop (1966)


L'album des WCPAEB en streaming :






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24 avril 2009

Lindstrom & Prins Thomas - Tirsdagsjam EP (2009)

Les rois du disco européen Lindstrøm et Prins Thomas, sont décidément très prolifiques en ce printemps 2009. Leur second album, II, sortira le 26 mai, mais en préambule, deux EP paraissent quasi-simultanément : l’un signé par le seul Prins Thomas (Mammut, sur Full Pupp), l’autre commis par les deux Norvégiens, mais dont les titres ne figureront pas sur l’album. Et pour cause ! Alors que II s’éloigne considérablement du disco et verse dans une sorte de prog-rock mâtiné de jazz-funk qui en surprendra plus d’un, Tirsdagsjam se rapproche de leurs travaux antérieurs et devrait faire hurler de plaisir les fans de la première heure.

Des deux versions proposées, ma préférence va nettement à la plus longue (15 minutes), dont le format est bien adapté à l’esprit jam session du track. On a vraiment la sensation d’entendre Thomas et Hans-Peter se taper un délire live dans leur studio d’Oslo, passant d’un instrument à l’autre, testant sons et ambiances en temps réel sur un tempo robotique exécuté par une batterie qui n’a rien de synthétique. Résultat : on trouve un peu de tout dans Tirsdagsjam. Il y a du funk bien sale genre Blaxploitation, des synthés dignes des maîtres de l’italo-disco, des handclaps façon Zapp & Roger, mais aussi des passages plus oniriques où flottent quelques accords de guitare acoustique - on retrouve alors les accointances “baléariques” du binôme.

Le tout fleure bon les années 80, le sexe et les bandes originales de Moroder. Pas besoin d’en faire un roman : il s’agit du meilleur morceau des Scandinaves depuis un bon moment, indispensable à tout amateur de musiques cosmiques et baroques. La version courte se concentre sur les moments les plus funky et dansants du morceau, et sera sans doute privilégiée par les DJ.

En bref : Avant leur très attendu second album, les rois du space-disco livrent un EP euphorique, sorte de jam session géante gorgée de synthés eighties. Fortement recommandé.



Leur Myspace, avec un “Radio Edit” du morceau en écoute.

Le site d’Eskimo Recordings

A lire aussi : Lindstrøm - Where You Go I Go Too (2008)
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23 avril 2009

Television Personalities - And Don’t The Kids Just Love It? (1980)

Alors les kids, vous l’aimez cet album? Ne serait-ce qui si vous connaissez ce groupe, vous êtes trop vieux pour répondre à la question. Four commercial retentissant reconnu à sa juste valeur que bien trop tard, l’album apparaît aujourd’hui dans le Top 100 des disques de rock indé du vendeur Amazon. Premier album du quatuor londonien créé en 1977 par le controversé Dan Treacy, c’est devenu à posteriori un classique. Fuyants au galop la new wave de rigueur, aussi bien influencés par le passé que tournés vers l’avenir, les quatre anglais livrent un opus majestueux, dans une veine que l’on définirait à tort de punk psyché. Dirigé par la basse et écrit à l’âge de 20 ans c’est un délicieux enregistrement 4 pistes oblige, à l’esprit punk et au charme so british, cf la pochette devenue culte exhibant le duo Twiggy et Patrick Macnee.

Si les Clash, les années 60 et le pop art semblent avoir été le support évident de leurs réflexion, les TVP’s devaient également être aidés par les substances. En témoignent le mythique et plus bel hommage au maître "I know where Syd Barrett lives" et ses bruits d’oiseaux ou encore le narcoleptique et si bon "Diary of a young man". Dan Treacy alors à l’abri de ses déboires rock’ n’ roll à venir y signe des textes à l’ironie triste, sur des chansons nues et sans détours évoquant le Velvet façon Loaded et plus proche de nous le new-yorkais Jeffrey Lewis, dans son sens du lo-fi et son esprit punk. D’autres titres sonnent davantage pop avec leur mélodies envolées : "A Family affair", "Silly girl" ou encore "Geoffrey Ingram" par exemple. Une légèreté pop qui n’a pas vieilli d’un poil.

Et puis ce disque est surtout l’occasion de rencontrer Dan Tracy et son accent délicieusement cockney. Celui qui "emmerdait la célébrité" et qui disparût six longues années - l’on apprit depuis qu’il avait été incarcéré - pour purger ses vices (comas, cures…) et revenir en 2006 avec My Dark Places chez Domino. C’est aussi le créateur du label Whaam! qui a entre autres accueilli les merveilleux Pastels dont Nickx nous a fait l’éloge récemment. Je m’arrête là et vous laisse écouter ce classique où rien n’est à jeter.

En bref : tirant vers le haut le niveau du rock indé à un moment tristounet de l’histoire de la musique, ces anglais-là méritent leur culte grâce à ce premier album impeccable et intemporel.
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Le Myspace et l’album en streaming
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L’élégant "A picture of Dorian Gray" et le clip homage qui va bien de "I know where Syd Barrett lives" :



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22 avril 2009

Aceyalone - Aceyalone & The Lonely Ones (2009)

Depuis la sortie de Back To Black d’Amy Winehouse, il y a trois ans, nombreux sont les artistes rap/soul à tenter un retour au son Motown et même au doo-wop des années 1950. Et pas mal d’entre eux s’y sont cassés les dents, les derniers en date étant les Platinum Pied Pipers avec le médiocre Abundance, qui tombe trop souvent dans la mièvrerie et la superficialité. Avec The Lonely Ones, on tient quelque chose de bien plus intéressant. L’album est court (une demi-heure), super-concentré et très maîtrisé. Produit par un jeune beatmaker surdoué du nom de Bionik, qui fait également plusieurs apparitions au chant, il ne contient aucun featuring commercial destiné à appâter le chaland. Les seuls invités sont les vocalistes inconnus Treasure Davies, Storm Daniels et Candis Ferris. Pour le reste, Eddie “Aceyalone” Hayes est seul à bord, endossant les costumes de showman, MC (au sens premier du terme) et crooner avec virtuosité.

Habitué à rapper sur à peu près tous les supports imaginables (l’un de ses premiers albums s’intitulait d’ailleurs Accepted Eclectic), le vétéran de l’underground californien s’offre ici un terrain de jeu idéal, calant son flow sur le R&B candide façon Supremes de “Step Up” comme sur le funk-rock de “Power To The People”, sorte de rencontre entre Sly Stone et Public Enemy. L’album est soumis à un rythme infernal qui voit se succéder plages funky irrésistibles (“Can’t Hold Back”, “On the One”), détours par le delta du Mississippi (la bluesy “2 The Top (Remix)”), ou par la Nouvelle Orléans et ses brass bands (“Push N’ Pull”). Dans cette débauche de cuivres, d’orgue et de choeurs, on s’amuse aussi à retrouver les traces des Four Tops, des Delfonics, des JB’s, etc...

Malgré toutes ces nobles références historiques, c’est avant tout aux 90’s que me ramène The Lonely Ones. Dans sa manière de sortir des clichés hip-hop et de se poser en véritable entertainer, Acey évoque les Native Tongues, ou d’excellents groupes oubliés comme les Dream Warriors. Plus près de nous, seul OutKast était parvenu, avec Idlewild, à accoucher d’un concept-album réussi tout entier dédié à une époque musicale révolue - en l’occurrence, le son des cabarets des années 1930/40. Avec un budget que l’on devine bien inférieur, et cette fougue qui le caractérise depuis ses débuts au sein de Freestyle Fellow Ship, Aceyalone nous pond un disque cohérent et vitaminé. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un classique du niveau de All Balls Don’t Bounce, mais The Lonely Ones reste l’une des belles surprises hip-hop de ces derniers mois.

En bref : le nouvel album d’Aceyalone se distingue nettement de la masse des hybrides hip-hop/swing, qui fleurissent depuis les cartons d’Amy Winehouse et Mark Ronson. Artisanal et inspiré, c’est un beau petit concentré d’énergie, frais et estival.



Aceyalone - Can’t Hold Back (feat. Treasure Davies).mp3

Son Myspace
Le site de son label, Decon Records

A lire aussi : Platinum Pied Pipers - Triple P (2005)
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Concours - Grand Archives & The Wooden Birds au Café de la Danse


On connaissait le talent guitaristique de Matt Brooke pour le compte Band Of Horses mais on n’imaginait pas ses capacités de songwritter. Chassant dans les vertes prairies américaines de Wilco, il distille avec son équipe de Seattle et pour le compte de Sub Pop une country pop de bon augure lors de ce tour européen qui fera escale le 4 mai prochain au Café de la Danse de Paris. Il sera précédé d’ Andrew Kenny et de ses Wooden Birds from Austin, Texas pour de l’indie folk mettant à nu le talent déjà entrevu sur The American Analog Set.

A cette occasion, Dodb souhaite vous faire gagner 3 places pour assister au concert. Pour cela il suffit de répondre à la question suivante :
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Quel est le nom du premier album des Wooden Birds ?
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avant le 3 mai prochain et d’envoyer votre réponse avec l’intitulé "Concours Grand Archives" à l’adresse suivante : contat@desoreillesdansbabylone.com . Bonne chance à tous.

Les Myspace du Café de la Danse, Grand Archives et The Wooden Birds

Réserver sa place

"Miniature birds" par Grand Archives :

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20 avril 2009

Mercury Rev - Boces (1993)

1993 marque le baroud d'honneur d'une formation atypique qui de son vivant ne récolta pas le succès qu'elle méritait. Ce Mercury Rev première formule était probablement constitué de personnalités trop instables, présentait un profil trop erratique pour être dompté
Yerself Is Steam avait précédemment posé les jalons d'une pop expérimentale débraillée et bordélique.
A l'écoute de ces nouvelles chansons qui ne sonnaient comme aucune autre, il n'est pas interdit de penser que des exégètes comme Spiritualized (en fait des contemporains avec lesquels ils partagèrent un fameux split-single), The Olivia Tremor Control ou, plus près de nous, Animal Collective, sont allés puiser matière et inspiration pour leurs grandes oeuvres passées et à venir.

Ils auraient toutefois du mal à approcher la folie, l'esprit iconoclaste de ces cintrés qu'était la bande des Grasshopper et Jonathan Donahue, uniques survivants de la formation initiale de 6 musiciens. L'exode allait commencer avec le départ forcé du chanteur David Baker, chanteur à la psyché timbrée proche de celle d'un Syd Barrett ; puis tous, méthodiquement et un par un, allaient quitter le navire.
Il faut dire qu'on ne pouvait imaginer plus parfait suicide commercial que l'introduction du disque, un morceau de plus de 10 minutes et chassant sur les mêmes plate-bandes que "Chasing A Bee" sur l'album précédent : même flûte enchanteresse de Suzanne Thorpe, même ambiance gentiment bab communautaire. L'objet du délit répondait au titre phonétique, autre marque de fabrique "Meth Of A Rockette's Kick", une ritournelle inoffensive qui devait s'achever dans une sorte de chorale improbable. Le même genre d'expérience serait proposée en ouverture de la face B, avec le très free single "Something For Joey", et ses enluminures de sax bruitistes.
Pour le reste, et dans le chaos ambiant, nous étaient réservées des chansons plus... classiques, avec les très noisy rock "Trickle Down" ou "Bronx Cheeer". Autre morceau de bravoure, la swingante et presque jazzy "Boys Peel Out" , ourlée de vibraphone. Le calme avant la tempête ?

Sans doute, à l'aune de la déjà mentionnée face B, par le biais d'une chanson monumentale, bravache et intrépide entre toutes, ce "Snorry Mouth" fiévreux, inquiétant, agressif sous ses airs pop. Car ce n'est pas la moindre réussite de ce disque que de convier à des atmosphères finalement bien plus abouties que le boxon et la folie ambiante le laissent supposer.
En ce sens, moins décousu et plus cohérent que son prédécesseur mais sans l'effet de nouveauté,, Boces donne à découvrir, à l'exception d'une ou deux récréations, le meilleur de ce groupe mythique, qui peu à peu allait se découvrir une crédibilité mainstream. Adoubée par à peu près tout le monde, et se repaissant désormais d'un psyché-prog convenu, la formation de Buffalo, drivée par un Jonathan Donahue passé au chant, allait à partir de Deserter's Songs (98) et, à la manière de Radiohead, Flaming Lips et d'autres, un peu tromper son monde en livrant moult disques paresseux, mais "légitimés" par la production de Dave Fridmann, son bassiste initial

Une trajectoire Pinkfloydienne, qui ne saurait faire oublier la schizophrénie ainsi que l'effrayante et foutraque inventivité de ce groupe hors-normes que fut Mercury Rev durant 3 petites années. Un disque foisonnant, à l'image de sa pochette plantureuse, mais qui n'offre sans doute pas le même confort  que le douillet appui-tête du petit bonhomme. Mais il est des écoutes qui se méritent.

En bref : pour ceux que le terme "psyché" rebute et est synonyme de facilité fourre-tout, écoutez plutôt ce deuxième et ultime LP de la première mouture de Mercury Rev, la seule qui vaille : du rock inclassable qui louvoie entre noise, refrains pop désarmants et fornications free. Indispensable.





le site, le Myspace

le Myspace de Shady a.k.a David Baker (plus intéressant)

A lire aussi : Mercury Rev - Yerself Is Steam (1991)

"Trickle Down"

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16 avril 2009

Flanger - Inner Space / Outer Space (2001)

Ninja Tune n’est peut-être plus le très grand label que nous avons connu dans les années 1990, mais rien ne nous à oblige à oublier ce que nous lui devons en terme d’exploration sonique et d’explosion des frontières musicales : les collages de Coldcut, le turntablisme obsessionnel d’Amon Tobin et Kid Koala, le hip-hop cinématique de Herbaliser ou DJ Vadim... La liste pourrait s’allonger à l’envi. Parmi les formations les plus créatives de cette grande époque de l’équipe londonienne, Flanger est à la fois l’une des plus aventureuses, et des moins vendeuses - ce qui ne va pas forcément de pair, le très expérimental Supermodified de Tobin restant à ce jour la meilleure vente du label.

Pour comprendre les intentions du duo allemand, mieux vaut réviser ses classiques du jazz des années 60 et 70 : la nonchalance du vibraphone de Milt Jackson et de son Modern Jazz Quartet, les complexes parties de Rhodes de Joe Zawinul (Weather Report), les hybrides jazz/funk d’Herbie Hancock ou des Brecker Brothers... Pour l’essentiel, Flanger se réapproprie ces fusions jazz et en livre une version électro-acoustique très ambitieuse. Alors que leurs deux premiers albums étaient électroniques à 90%, Inner Space/Outer Space a été enregistré avec une troupe de musiciens venus de Cologne, Copenhague, mais aussi de Santiago de Chile, ce qui explique le parfum sud-américain de la majorité de ses huit plages. L’ajout de ce feeling live, ainsi que la présence de grooves plus insistants, font du troisième projet de Flanger le plus accessible de tous, même s’il ne s’agit pas précisément d’un disque facile à appréhender.

Entièrement instrumental, si l’on excepte quelques onomatopées vocodées, Inner Space/Outer Space est construit, comme l'indique son nom inspiré d’un roman de J.G. Ballard, sur un balancement perpétuel entre expansion et contraction, intériorisation et lâchage rythmique, souvent au sein d’un seul et même morceau. La jam session chaotique qui ouvre “The Man Who Fell From Earth” met en scène une chute dans l’éther cosmique, chute qui s’achève dans l’océan, comme le suggère le deuxième acte de ce morceau extrêmement riche, où les synthés figurent le chant des baleines dans un flux de cymbales nacrées. Le tout dure moins de quatre minutes et se clôt sur un assemblage sans queue ni tête de cliquetis et de gratte électrique. L’album est ainsi bourré de surprises, de revirements et d’assemblages bizarroïdes, comme sur “It Ain’t Rocket Science”, où le sax ténor de Thomas Hass se vautre sur un tapis de sons kraftwerkiens.

Mais au fait, à qui doit-on cet ovni ? Pas exactement à des nouveaux venus, on s’en doute. Flanger, c’est l’association de deux génies protéiformes du jazz et de la musique électronique. Le premier, Burnt Friedman, a fait ses classes dès 1978. C’est un pionnier des musiques actuelles en Allemagne, furetant du dub (avec ses Nu Dub Players) à la musique industrielle (Some More Crime, Drome) en passant par la techno minimale (NUF). Le second n’est autre que le picaresque Uwe Schmidt, alias Atom TM - alias Senor Coconut, Erik Satin, Lisa Carbon, et 50 autres pseudos. Vivant aujourd’hui au Chili, c’est un fan de rumba et de techno, de Prince et de Coltrane, qui adore provoquer les mélomanes en mariant, pas toujours avec très bon goût, easy-listening, électro et variété. Flanger reste donc un projet à part dans les carrières de Schmidt et Friedman, auquel ils se consacrent tous les 4 ou 5 ans. Un quatrième album étant sorti en 2005, on ne devrait pas tarder à les voir resurgir.

A noter : la version vinyle ne contient malheureusement pas “Hirnflug”, l’excellent track final.

En bref : une fusion complexe entre jazz-funk, musiques latines et IDM qui constitue l’un des points d’orgue du catalogue Ninja Tune. Un disque sous-estimé, à redécouvrir.



Flanger - Outer Space / Inner Space.mp3
Flanger - The Man Who Fell From Earth.mp3

Les pages Myspace de Flanger et Atom TM
Le site de Burnt Friedman

A lire aussi : Erik Truffaz & Murcof - Mexico (2009)
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The Bewitched Hands On The Top Of Our Heads - Work (2009)

Ce n’est pas parce que l’on a mis en place un concours avec ces gars-là que je me sens obligé de vous en faire la chronique. Je sais rester objectif. Mais là quelle claque ! J’avoue qu’en écoutant les premières secondes, juste après avoir délicatement posé le disque sur la platine, je suis revenu à la pochette pour vérifier si ne je m’étais pas trompé. Ca sonnait magiquement comme un inédit d’ Arcade Fire, bien au-dessus du niveau de celui présent sur la compilation caritative Dark Was The Night dont je me suis retenu de parler jusqu’à présent. Pourtant, j’ai beau me frotter les yeux, ce son-là est originaire de Reims.

Premier effort pressé sur matière, Work n’est même pas un maxi. Un simple 45 tours, déployé sur deux couches, l’une dite "Raw", mixée par leur voisin et ami Yuksek (& The Shoes), l’autre simplement acoustique. On y découvre un groupe, que dire, une bande de sept joyeux hippies à la générosité mélodique déconcertante. Work est certes magnifique, avec ses envolées, ses accalmies, son tambourin et ses chœurs. L’irruption d’une guitare cristalline la transforme en ballade, puis en hymne. Un titre d’un lyrisme évident en somme.

Mais ce n’est presque rien comparé aux autres morceaux présents sur le Myspace. "Birds and drums", "So cool", "No song", "The end of the night" ou encore la cover du "Tonight" de Yuksek, tous attestent d’une grande liberté et d’un lyrisme lumineux. Déjà vainqueurs hivernaux du concours CQFD, la pop arc en ciel des rémois ne devrait pas rester secrète bien longtemps. Un album est prévu pour 2010. J’y serai.

En bref : Un titre jubilatoire made in France entre Polyphonic Spree et Herman Düne annonciateur de bien belles choses.
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A lire aussi : MGMT - Metanoia (2008)

"Tonight", Work n’étant pas encore disponible :


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15 avril 2009

Nightmares on Wax - Smoker's Delight (1995)

Nightmares on Wax n’intéresse plus grand monde. L’évidence, c’est que George Evelyn, DJ et patron du label Mo Wax, ne s’est plus distingué de sa formule trip-hop downtempo qu’il recyclait depuis le succès commercial de Carboot Soul en 1999. Pareilles à des plaquettes de voyagiste sur papier glacé, les répliques qui avaient suivi m’avaient si bien lassé que je ne m’étais jamais donné la peine de me pencher d’avantage au sujet de l’une des plus anciennes signatures de la maison Warp. Pourtant, ce deuxième opus, aux tonalités aussi légères et aérées que lointaines et chaleureuses, n’en demeure pas moins un petit bijou chillout des années 90’.

Smoker's Delight est le produit d’une longue maturation. Pour en retrouver les prémisses, il faut remonter à l’époque où NoW formait encore un duo de house bleepée avec Kevin "Wonder Boy" Harper, rencontré dans un groupe de breakdance appelé les Soul City Rockers en même temps que Unique 3, b-boys eux aussi passés du hip-hop à la rave. Sur A World Of Sience : The Final Chapter, l’unique album né de leur collaboration, Evelyn avait placé en introduction un titre composé à partir des violons du multi-samplé "Summer In The City" de Quincy Jones (The Parcyde, Black Moon…). Initialement prévu pour ce projet encore en gestation, "Nights Interlude" annonçait l’écriture d’un nouveau chapitre qui, après le départ de Harper, ne sera dévoilé que quatre années plus tard.

Il faut dire que le titre de cette première pièce solo laisse clairement supposer les conditions qui ont bénéficié à sa réalisation. Passé le morceau d’ouverture "Nights Introlude", dans une version légèrement plus habillée de la première épreuve, le break syncopé "Dreddoverboard", qui n’est pas sans rappeler les tracks acides des débuts, installe une sorte d’apesanteur sur fond d’instrus hip-hop. "Pipes Honour" avec son gimmick de guitare funk posé sur une rythmique hip-hop enlevée, offre un long développement qui semble se répéter à l’infini. Si une grande partie des morceaux se réduit à deux ou trois motifs musicaux assez simples, ils distillent un groove épuré mais toujours présent comme sur "Stars" et ses quelques notes de claviers ou sur "Groove St." et ses samples de bâillements satisfaits.

C’est dans une sorte d’esthétique de carnet de voyage qu’Evelyn s’inspire des classiques de Motown comme sur "Bless My Soul" constitué à partir du titre "Just My Soul Responding" de Smokey Robinson ou du mythique label hip-hop Sugar Hill Records avec "Cruise (Don't Stop)" qui sample discrètement les vocaux de "We Got The Funk" de Positive Force. A des lieues encore des clichés exotiques de ses futures productions, "Mission Venice" conserve le charme d’une flânerie voluptueuse, tout comme "Rise" celui, d’un lever de soleil sur une plage abandonnée. Mais l’une des plus grande réussite de cet album reste "Gambia Via Vagator Beach" et son jam de percussion survolé d’un harmonica. Et sous les effets de l’herbe du diable, le temps se sera étiré à la manière de la petite fumée.

En bref : l’album le moins commercial du DJ britannique est aussi le plus cohérent. Destiné aux amateurs de trip-hop et de soul, il est à emporter sur une île déserte.




Nights Introlude
Gambia via Vagator Beach
Groove St.

A lire aussi : Ballistic Brothers - Rude System (1997)

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14 avril 2009

Low - The Great Destroyer (2005)

S’il est un groupe culte pour certains, le trio Low de Duluth Minnesota doit sembler bien obscur à la grande majorité. Qualifié depuis le début de l’aventure (1993) comme "le groupe le plus lent de la planète", la formation du couple Mimi Parker & Alan Sparhawk a produit de manière très régulière une petite dizaine de galettes adulées pour leur calme religieux et leur lentes ambiances ouateuses. Secret Name en 1998 en est le plus bel exemple. Une identité musicale forte, unique dit-on, basée sur une guitare (Alan), une basse (Zack Sally, présente ici pour la dernière fois) et une caisse claire (Mimi). Au sommet de l’indépendance, Low devait pourtant en 2005 s’attirer les foudres de ses fans en signant chez Sub Pop (on a vu pire) et surtout, grand malheur (pour beaucoup) s’offrir les services du producteur claviériste Dave Fridmann.

Blasphème ! Traîtrise ! Attentat ! Qu’est-il arrivé à Low ? Méconnaissable, le trio s’engage sur les terrains du compromis, de l’allégeance à Sup Pop et Fridmann, et n’hésite pas à brancher les guitares avec les réverbérations que l’on connait. C’est vrai, et pour autant The Great Destroyer est peut-être le meilleur disque de leur discographie. Je m’explique : la flamme du groupe reste intacte, et les éléments fondamentaux (guitares éthérées, pas de notes aigües, compositions pop) sont toujours là. La production si discutée apporte une profondeur sonore inédite, très loin d’être pesante. C’est davantage le talent entrevu sur Sparklehorse que Dave étale au grand jour, plutôt que les saturations qu’on lui connait. L’album est électrique, harmonique (le mariage de voix mixtes), mené par une ligne de basse, et surtout plus accessible et entraînant que ses prédécesseurs même si l’on ne sort pas les cotillons pour autant.

Si j’admets que quelques titres son ratés ("California" trop gnangnan, "Just stand back" trop FM), d’autres sont de très bon niveau. Les deux ballades "Cue the strings" et "When I go deaf" assurent la transition entre l’ancien et le nouveau Low. Et les hostilités montent d’un ton lorsque "On the edge of" part sur les traces de Neil Young, ou que le puissant "Silver Rider" fasse intervenir des chœurs rappelant étrangement ceux de Bodies Of Water. Reste "Step" dont je ne sais quoi penser. Qualifiée de "dispensable" par de nombreuses personnes, il m’arrive pourtant de m’y laisser embarquer sans honte, juste avant de revenir sur le parfait "Everybody’s song". Quoi qu’il en soit, The Great Destroyer reste l’une des plus belles porte pour rentrer dans l’univers de Low.

En bref : Surprenant et décalé, le huitième album de Low est constitué d’une dream pop très Fridmann, que cela plaise ou non.
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Le Myspace et l’album en streaming

A lire aussi : Bodies Of Water - A certain Feeling (2008)

Le presque hit "Monkey" et le plus sobre "Death of salesman" :



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11 avril 2009

Bullion - Young Heartache EP (2009)

Si le dernier album d'Animal Collective nous avait donné matière à réflexion en ce qui concerne la façon dont on peut aujourd'hui repenser la musique pop, Young heartache du Britannique Bullion, produit par le petit label One Handed Music, nous donnera également du grain à moudre. Du bonhomme, je ne peux guère vous en apprendre tant les informations sont rares pour ne pas dire inexistantes sur la toile. Tout juste puis-je vous signaler qu'il est originaire d'une bourgade du nom d'Acton, a déjà sorti deux maxis, donné une version électronique de l'album des Beach Boys Pet Sounds – détail d'importance – et est coupable d'un remix de bas-étage d'Amadou et Mariam.


Fort heureusement pour nous, cet EP, totalement passé inaperçu, relève plus du génie wilsonien que de la chanson populaire de Bamako. Pour autant, il serait tout à fait inapproprié d'imposer cette seule filiation à ce disque déroutant et pour le moins créatif. Rythmes hip-hop, incursions house, envolées de deep-electronica, lourdes basses dub, samples syncopés de voix soul, breaks rap, il devient rapidement vain de tenter d'accoler des étiquettes aux compositions savantes et luxuriantes du Britannique.


“Young heartache” s'ouvre sur un mystérieux cliquetis d'horloge avant que ne surgisse, dans un emballement de caisse claire, une voix à la fois lumineuse et spectrale, toute droit tirée d'une balade pop en mode 60's. La première écoute est circonspecte mais le temps va peu à peu faire son oeuvre. Le titre s'appuie ensuite sur un motif vocal pitché, serinant son chagrin de jeunesse (young heartache) sur un beat cinglant et des basses catégorie poids lourds. Par son foisonnement et son rythme saccadé, le morceau prend des allures de cut-up, coincé entre pop et dub électronique, avant de s'envoler dans des nimbes cosmiques lors d'un final résolument deep. “Are you the one” lui emboîte le pas dans une veine encore davantage orientée dub, à grands coups de basses-massues synthétiques et toujours porté par des voix de beach boys d'outre-tombe troublées sporadiquement par quelques sentences rappées.


Les deux titres qui complètent le maxi, à savoir “Time for us to love” et “Long Promissed”, reprennent – l'effet de surprise en moins – la structure des morceaux précédents, empruntant respectivement des détours disco et soul. Electroniques, flirtant avec la pop et la micro-house, richement arrangés et toujours teintés de dub. On ressort finalement de ce disque légèrement décontenancé et désorienté; pour se rendre compte, après digestion, de l'audace et du talent de composition éclatant de son géniteur.


En bref : Le Britannique Bullion convoque les spectres des Beach Boys et les accomode à la sauce dub électronique. Une décoction troublante et insidieuse, explorant de nouvelles formes mutantes pour la musique pop du 21e siècle.




Le myspace de Bullion.


Les titres “Are you the one” et “Time for us all to love”.


A lire aussi : Animal Collective – Merriweather post-pavilion (2009)



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10 avril 2009

Flight Of The Conchords - s/t (2008)

Qui n’a pas encore entendu parler du duo néo zélandais le plus déjanté de l’année ? Et si vous n’êtes sans doute pas tombé sur ce disque par hasard, vous avez certainement du entendre parler de la série du même nom dont la deuxième et dernière saison vient de commencer aux Etats-Unis. Entre fiction et réalité, le show de douze épisodes de 26 minutes suit le parcours de Jemaine Clement et Bret McKenzie, deux kiwis musicos tout juste débarqués chez l’Oncle Sam afin d’y faire carrière. La série, produite par HBO, est devenue culte en un rien de temps. Et à juste titre puisqu’on avait pas autant rit sur la culture musicale depuis Spinal Tap. Tout y passe, du génial manager Murray (magnifiquement interprété par Rhys Darby) à la groupie carrément flippante, le tout traité avec un humour intelligent qui évoque pêle-mêle les Monthy Python, les Inconnus ou justement le film de Rob Reiner. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, en plus d’être deux acteurs comiques impeccables, Jemaine et Bret sont d’excellents compositeurs interprètes repérés et signés par Sub Pop en 2007 sur la base d’un Ep intitulé The Distant Future. Un an plus tard sort ce premier Lp constitué de pièces issues de la série, mais bien plus qu’un simple produit dérivé, c’est un vrai disque de digifolk.

Qualifié par les intéressés de "quatrième duo de guitare digi-bango comédie acapella rap funk comique folk le plus populaire de Nouvelle Zélande", le disque remporta l’année dernière le Grammy Award du meilleur album comique ce qui, dit comme ça, pourrait sembler légèrement réducteur ou péjoratif, il n’en est rien. Tous deux membres de formations (The Black Seeds, The Humourbeasts…) Bret (guitare/chant) et Jemaine (Basse/chant) sont les beautiful loosers que l’on aimerait tous avoir comme amis. Des gars comme nous, mis-à-part qu’au lieu de simplement penser, ils couchent sur papier leurs rocambolesques idées et les mettent en musique à n’importe quelle sauce. Pop, rock, électro, hip-hop, folk, soul, funk, tout semble matière à inspiration pour le duo qui use d’un humour décapant sur chacun de ses morceaux : "Too many dicks (on the dancefloor)" parle de la difficulté de draguer en boîte, "Fou du fafa" est une bossa éculant tous les clichés français, "Hiphopotamus Vs Rhymenocerous" est un rap entre animaux. Bien-sûr, "Robots (humans are dead)" est tout simplement géniale, à écouter jusqu’au bout, pour entendre le premier "Binary solo" de l’histoire de la musique, uniquement fait de 1 et de 0.
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Anglophones ou non, je vous engage à faire l’effort d’écouter un temps soit peu les paroles, voire à visionner l’intégralité de la série dans l’ordre, et ainsi découvrir ces quinze titres (et bien d'autres) qui ont chacun quelque chose à offrir. Jouant de tous les instruments possibles, opérant des variations de voix de Prince à Tom Waits, Flight Of The Conchords (au moins trois jeux de mots dans ce titre) pratique l’autodérision à gogo (leur cd live s’appelle Folk The World Tour!) et la satire humoristique (Bowie en prend pour son grade sur le génialissime "Bowie") sur des instrus toutes très différentes, entre Beck et Philippe Katerine. Si la France a La chanson du dimanche, la Nouvelle Zélande possède les Flight Of The Conchords et tient là son plus gros précieux. Je vous assure, bien plus qu’un simple duo comique.

En bref : quinze titres très funky sans queue ni tête interprétés par le duo le plus drôle du moment. Un bijou idiot et jubilatoire à savourer sans prise de tête.


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Le site officiel de la série et le Myspace
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Impossible de choisir entre toutes. Voici quand même "Robots", "Mutha uckers" et "Too many dicks on the dancefloor" pour l’étendue de la palette FOTC :



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Concours - The Bewitched Hands On The Top Of Our Heads


Quelle belle découverte que ce groupe pop rémois qui a tout pour lui : un nom à rallonge dans la longue tradition américaine, des chansons touchées par la grâce, une liberté de composition et une générosité d’interprétation à toute épreuve, il n’en fallait pas plus pour titiller mes sens. Yuksek leur a même confié son "Tonight", écoutez ce qu’ils en ont fait ! En parfaits hippies, ce club des sept fait preuve d’une surprenante originalité qui ne manquera pas d’être chroniquée plus longuement dans ces colonnes.

En attendant, Dodb et le label April 77 Records souhaitent vous faire gagner 5 exemplaires de leur dernier single "Work" qui sortira le 1er mai en édition limitée. Le concept de ce label étant assez original, puisqu’ils produisent également des vêtements, les lots seront répartis comme suit : 2 vinyles (avec single digital inclus) + 2 t-shirts du groupe (avec single digital inclus) + 1 t-shirt du label (avec single digital inclus).

Pour gagner l’un de ces lots, il suffit de répondre à la (très difficile) question suivante :
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Quel animal est représenté sur la pochette du vinyle Work ?

Faites-nous parvenir votre réponse, votre lot préféré ainsi que vos coordonnées complètes à contact@desoreillesdansbabylone.com avant le 15 mai prochain avec "Concours The Bewitched Hands" dans l’intitulé du message. Bonne chance à tous.
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Le Myspace de The Bewitched Hands et le concept Aprill 77 Records
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"Happy with you" lors des Transmusicales de Rennes 2008 :
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09 avril 2009

Leon Thomas - Spirits of the Known and Unknown (1969)

Don suprême accordé par Mère Nature le jour de sa naissance en 1937 dans l’Illinois, la voix de Leon Thomas est l’un des instruments les plus parfaits jamais entendu. Repéré pour son scat dans les années 50, l'homme est un merveilleux bluesman, et un vocaliste soul dont la pureté égale des Marvin Gaye ou Curtis Mayfield. Et puis il y a cette touche Thomas qui fait de lui une légende. Capable d’utiliser son organe comme une percussion, une flûte ou une trompette, il est à sa manière l’ancêtre des beatboxers. Enfin, et surtout, le hasard a voulu que Leon Thomas fasse une trouvaille qui chamboula sa carrière : le yodel. La bouche momentanément paralysée par un accident un jour de concert, le chanteur tenta un scat pour savoir s’il était en mesure d’assurer sa performance. A sa grande surprise, un son étrange mais harmonieux sortit de sa gorge. Ce son allait devenir son gimmick le plus saillant.

Evidemment, dans l’esprit de Thomas, le yodel n’a rien à voir avec les chants tyroliens ou la country. Il rapproche plutôt cette technique, qu’il baptise “Soularfone”, du chant “Umbo Weti” des tribus pygmées, ou des incantations rituelles des Indiens Américains. Il faut dire que depuis 1963 et son immersion dans l’Underground Musicians and Artists Association, cercle jazzistique proche de Sun Ra, l’artiste est converti à l’afrocentrisme et aux spiritualités liées à la terre nourricière et originelle, très répandues dans l’émergent mouvement free. Ses travaux aux côtés de Pharaoh Sanders, qu’il rencontre en 1967, sont également décisifs à cet égard. C’est avec lui qu’il écrit son morceau le plus célèbre, “The Creator Has A Masterplan”, présent ici dans sa version courte - la meilleure version se trouvant sur son live à Berlin. Morceau pacifiste dont les paroles peuvent aujourd’hui paraître un peu gnangnan, c’est une tentative de représentation sonore du paradis. Fluide, organique, et d’une extrême douceur.

De l’ensemble de l’album émane d’ailleurs une sensation de quiétude et de fraîcheur assez rare. Les flûtes (de Pan ou traversière) s’enroulent comme des serpents autour des cymbales de Roy Haynes et de la basse de Richard Davis, tandis que Lonnie Liston Smith obtient de son piano le rendu aquatique qu’il affectionne tant - son solo sur “Let the Rain Fall on Me” est un modèle du genre. Le sax ténor de Pharaoh Sanders, ici crédité sous le nom de Little Rock, et l’alto du trop méconnu James Spaulding (également flûtiste) surgissent çà et là comme des bêtes affamées de mélodies. Bongos, bâtons de pluie et clochettes complètent la gamme de cet orchestre fascinant.Leon Thomas est fantastique sur tous les titres, mais celui où sa virtuosité vocale est la plus évidente reste “One”. Sur des morceaux comme celui-ci, il assure à la fois des couplets de forme classique et de vrais soli, impeccables transpositions des phrases cuivrées de ses confrères, en passant du scat au yodel, du grognement au cri primitif. Il présente encore une autre facette sur la très virulente “Dam Nam (Ain’t Going To Vietnam)”, où il s’exerce à un pur phrasé blues (ponctué de hurlements), comme un souvenir de ses collaborations passées avec Count Basie, Art Blakey ou John Coltrane. Autre texte politique, l’hommage à Malcolm X “Malcolm’s Gone” se fait sur un mode élégiaque et beaucoup plus free que le reste du disque.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des attraits de l’album, Leon exhume l’un des sommets du hard-bop (et du jazz tout court), le “Song For My Father” d’Horace Silver, pour en faire une véritable chanson. Son interprétation est belle à en pleurer, surtout lorsque son yodel se substitue au mythique solo de saxophone de l’original, signé Joe Henderson. Je n’ai jamais réussi à comprendre comment Leon Thomas avait pu passer à la trappe au point qu’il faille attendre 2002 pour que cet album soit réédité, agrémenté de quelques alternate takes plutôt accessoires. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour faire connaissance avec un tel artiste.

En bref : Le premier et le meilleur album studio d’un chanteur hors-catégorie, qui puisait dans ses racines africaines et dans ses capacités vocales presque surhumaines pour insuffler au jazz d’avant-garde une aura spirituelle stimulante. L’un de ces bouts de paradis que nous ont offerts les années 1960.




Leon Thomas - The Creator Has a Master Plan (Peace).mp3
Leon Thomas - Song For My Father.mp3
Leon Thomas - One.mp3

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