28 septembre 2024

The Cure - Seventeen Seconds (1980)

The Cure devait opérer un virage à 180 degrés pour son deuxième long format. On avait découvert le trio de Crawley en Buzzcocks balbutiants (The Imaginary Boys - 1979) ; on les redécouvrait un an après en émules de Joy Division. Un clavier monophonique et brumeux (on était loin des chutes du Niagara pompeuses de Distingration quelque 10 ans plus tard) et tenu par l'éphémère Matthieu Hartley y faisait ainsi son apparition ; tandis que l'emblématique Simon Gallup remplaçait poste pour poste Michael Dempsey à la basse.

Finis les brûlots maladroitement expédiés dans toute leur ingénue fraîcheur, place à des mid-tempos cafardeux mais jamais plombants contrairement au funèbre et éprouvant Faith (81) qui devait suivre. Le seul point commun entre les deux disques était encore cette voix juvénile et diaphane caractéristique des premiers albums de The Cure. Dans ce disque fondateur et indéniable première grande réussite, le groupe parvient à véritablement ficher la frousse aux auditeurs, usant de courts instrumentaux à teneur cinématographique très évocateurs : "A reflection", "The final sound" et notamment ce terrifiant "Three" qui n'aurait pas déparé sur la BO du Halloween de Carpenter. Emmené aussi par une batterie minimaliste souvent enregistrée à l'envers et la  guitare en ligne claire (la marque des grands) de Robert Smith occasionnellement nimbée de chorus et de flanger. Aucun effet ne parasite cette six-cordes et lorsqu'il est à entendre une saturation, cela vient uniquement de la Fender de Gallup qui vrombit sur "At night". La délicate "M" est une ode à Mary alors fiancée et future Mme Robert Smith/ Même si le groupe fut taxé d'inviter au suicide sur le morceau-titre, Seventeen Seconds distille son spleen sans esbroufe.  Clippé sommairement, "Play for today" ne sortira pas en single et c'est fort dommage tant sa mélancolie enlevée fait mouche au travers des harmoniques intelligemment posées par Smith. C'est au contraire le mastodonte "A forest" qui connaîtra les joies des charts. Tout le monde connaît cette incontournable des sets du groupe qui paraît ici bien chétive en comparaison avec les versions puissantes données live ; et l'on pense évidemment à la version définitive figurant sur le live Concert de 84. On lui préférera sans doute d'autres morceaux parmi lesquels la chuchotée "Secrets" ou l'irrésistible "In your house" devenue au fil des années l'un de ces autres classiques à la beauté immuable.

Premier disque d'une auto-proclamée trilogie que chérissent de nombreux aficionados curistes, Seventeen Seconds est doublement d'importance : d'abord il lance véritablement la carrière de The Cure et c'est sans doute celui qui supporte le mieux l'épreuve du temps en dépit d'une batterie datée au Carbone 14. Plus mélodique que Faith, bien moins emphatique que Pornography, l'écoute du premier classique du groupe ne nécessite pas dans son cahier des charges d'être habillé comme un croque-mort.
Ce disque, il convient de se le procurer dans sa version britannique d'origine pour en apprécier la superbe pochette texturée.

En bref : l'envol d'une carrière à la longévité sans pareille dès ce deuxième album digne de ses inspirateurs new wave. Un style encore balbutiant mais déjà des chansons aux allures de classiques.
 





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22 septembre 2024

Siouxsie And The Banshees - A Kiss In The Dreamhouse (1982)

5ème album de la grande prêtresse du rock goth, A Kiss In The Dreamhouse clôt la période la plus passionnante du groupe formé par Siouxsie Sioux et le bassiste Steven Severin. Auxquels se sont joints dès 1980 l'extraordinaire batteur Budgie (alors partenaire de la dame à la ville) ainsi que l'un des multiples John guitaristes embauchés par le trio au cours de leur carrière et non du moindre. Puisqu'il s'agit de John McGeoch, le Kid Congo anglais, au CV long comme le bras. Fondateur des mythiques Magazine, il a aussi joué au sein de Visage et s'en ira frayer avec PiL quelques années plus tard.
Son subtil jeu de guitare basé sur de rouées harmoniques couplées à des arpèges mêlant cordes "jouées" et cordes à vide qui influencera plus d'un guitariste britannique irradie sur cet album à haute connotation psychédélique.

Témoin la bigarrée pochette qu'on dirait échappée de Klimt sur laquelle et c'est unique pour être signalé, figurent les visages des quatre Banshees. Très en voix, Siouxsie aligne ici moult classiques qui seront avantageusement repris dans Nocturne le live de 83. Qu'il s'agisse de "Cascade", "Melt!", du trépidant "Painted bird" ou de "Slowdive" les quatre au summum de leur forme déploient des trésors d'instrumentation et d'idées de production.
La batterie de Budgie élégamment mixée martèle ses toms sur "Cascade et il faut voir les incroyables contre-temps sans cesse décalés lors de chaque refrain qui sont infligés à "Green fingers'' rappelant et sublimant  ceux de "Happy house" dans l'excellent Kaleidoscope (80). Tout est onirique dans cette chanson introduite à la flûte et l'on perçoit les influences psychédéliques du rock anglais qui obsédaient alors le groupe.
Toujours à la recherche de sons nouveaux, les Banshees font pour la première fois appel à une violoniste et à une violoncelliste sur le spasmodique "Obsession" ainsi que sur "Slowdive. Jamais avares d'expérimentations, Siouxsie et ses hommes rivalisent d'inventivité offrant au classique"She's a carnival" un curieux outro d'orgue hanté interprété par un Steven Severin très inspiré.
Et McGeoch de parer "Circle" sur lequel Budgie convie un nouvel esprit tribal, de sons synthétiques de chasse à courre. 
L'album sans doute le varié et foisonnant de l'histoire du groupe est ainsi à l'avenant. Le magnifique "Melt!" et ses roucoulades de mandoline reproduit en début de face B la même émotivité et le même lyrisme que "Cascade" ; Siouxsie n'avait jamais aussi bien chanté jusqu'ici. Et s'octroie même une parenthèse jazz dans la ouate sur "Cocoon".

Assez curieusement, A Kiss In The Dreamhouse bien qu'ayant connu un grand succès critique et auprès des fans n'est pas l'album le plus cité de la célèbre trilogie des Banshees. Les aficionados du groupe lui préférant généralement Juju pourtant très monochrome en comparaison. En effet, qu'il s'agisse du chant ou des compositions et particulièrement du genre goth-punk largement transgressé ici n'étaient les effets de chorus et de flanger propres aux guitares, ce dernier album enregistré avec le magicien McGeoch qui hélas sombrera dans la dépression et lui fera quitter le groupe peu après, est de loin ce que Siouxsie And The Banshees ont produit de plus achevé.
Par la suite, Robert Smith reprendra un temps et avec brio le legs de McGeoch et le groupe enregistrera deux bons disques avec John Carruthers Valentine (futur Mabuses) mais rien qui atteigne la perfection de cet espèce d'âge d'or connu entre 1980 et 1982.

En bref : l'inventivité à tout crin d'anciens punks reconvertis goths qui ici transcendent et rivalisent largement avec leurs influences pop psychédéliques les plus enfouies.
 





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15 septembre 2024

Jean-Louis Murat - Parfum D'Acacia Au Jardin (2004)

Assez curieusement et de façon incongrue, le 12ème album de Jean-Louis Murat (hors ep's, live) est souvent considéré comme une livraison à part et n'est pas comptabilisé ni classé comme ses autres disques. Il s'agit pourtant de 13 nouvelles chansons enregistrées en une prise live et en studio et toutes clippées sous la forme d'un DVD lors de sa première parution. Et donc d'un album studio à part entière.
Participent à l'aventure l'accompagnateur de presque toujours, le regretté Christophe Pie (apparu dès Vénus) aux claviers et à la guitare, les désormais indispensables Stéphane Reynaud à la batterie et notamment Fred Jimenez arrivé dans l'équipage lors de l'enregistrement de Le Moujik Et Sa Femme (2002). Enfin la chanteuse Camille vient susurrer et appuyer des choeurs qui font écho aux textes ciselés de l'auteur-compositeur sur quelques titres.

Jean-Louis Murat toujours extrêmement généreux dans ses livraisons de nouvelles chansons (pratiquement un album par an depuis ses débuts) connaît la période la plus féconde de sa carrière lorsque paraît ce nouveau disque au magnifique morceau-titre. Il vient de publier le premier et non des moindres de ses deux triple-albums, Lilith l'année précédente ; et est sorti début 2004 A Bird On The Poire, disque qui a joui d'un beau succès d'estime, coécrit avec Fred Jimenez.
Constitué intégralement de mid-tempos, Parfum....réussit ce bel équilibre d'alterner déflagrations électriques et chansons plus intimistes ; se détachent notamment "Ce qui n'est pas donné est perdu", "Ton pire ennemi, le facétieux "Dix -mille (Jean) Louis d'or", le somptueux et émouvant "Qu'entends-tu de moi que je n'entends pas ?" et des chansons au format plus traditionnel. Si "Fille d'or sur le chemin" évoque la plume d'un Brassens, la surannée "Elle avait le béguin pour moi" est construite peu ou prou sur la même progression d'accords que "Parfum d'acacia au jardin"
Une autre très belle réussite est ce "En souvenir de Jade"où le timbre à la fois mâle mais portant sa part de féminité de l'artiste parvient à délivrer des lyrics qui embarrasseraient chez beaucoup de tâcherons de la variété française  "il est temps / cher enfant / de mettre de côté / toutes tes vanités" s'ils n'étaient conduits avec autant de grâce et une diction parfaite.
Une chanson a également fait parler, c'est le très beau texte de "Plus vu de femmes" que d'aucuns ont pu taxer de phallocrate quand il décrit assez précisément l'homme-qui-aimait-les-femmes qu'était Murat :
"Plus vu de femmes / au monde incertain / faire autant fi des lois de l'hymen / de femmes d'un monde nouveau / ¨Plus vu de femmes / nous laisser autant seuls/............Jamais autant passé de marquis à quidam / Autant vu de nomades à bigoudis / Jamais autant bu le paradis avec dames....
L'album se termine par le cri de "Qu'entends-tu de moi...." et ses spasmodiques cut-ups à la limite de l'anacoluthe tels que les affectionnait Serge Gainsbourg.
Cette formule guitare/basse/batterie sera désormais systématiquement reconduite dans l'oeuvre de l'auvergnat, par choix artistique mais aussi en raison de considérations économiques : Murat pour être culte répétait à l'envi que ses ventes d'album ne lui permettaient pas de supporter des coûts de tournée trop élevés. Ca n'avait de toute façon jamais été son leitmotiv lors des concerts mais on se souvient de disques aux instrumentations riches comme le magnifique Mustango (99) ou bien Lilith. Dorénavant seul le songwriting compterait et le mot d'ordre serait le dépouillement.

La disparition de l'un des derniers grands auteurs-compositeurs de l'Hexagone en 2023 aura d'autant plus été vécue cruellement par tous ses fans du fait de la médiocrité ambiante de la chanson française contemporaine. C'est cette empreinte que laissera Murat, plus que le personnage bougon et faussement aigri qu'il s'était plu à créer et à cultiver pour quelques médias complaisants. La littérarité de son oeuvre, la richesse de ses mélodies et sa manière claire et unique de chanter sont ce qui nous le fait le plus regretter ce "paysan de la chanson'' terme dont il aimait s'affubler.
Pour ses 20 ans, Parfum D'Acacia Au Jardin a enfin été gratifié d'une superbe première édition vinyle sous forme de rutilant coffret.Existe-t-il encore une raison de se priver de l'écoute de ce sommet ?

En bref : l'une des grandes oeuvres du plus fécond et doué auteur-compositeur encore récemment en activité. Un dépouillement de bon aloi qui sert une musique et des textes invariablement aboutis.

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11 septembre 2024

Badfinger - Straight Up (1971)

Ce jour où John Lennon se blesse le doigt et donne involontairement son titre de travail à Sergeant Pepper....
 
Ne pas se fier aux mines réjouies de la pochette. Tom Evans donne l'impression d'arborer une chapka mais là encore il s'agit d'un leurre. En vérité et on ne le sait que trop, Badfinger est à la fois le plus poissard des groupes de rock de l'histoire et aussi le plus injustement méconnu des grands groupes en -B : Beach Boys, Byrds, Beatles, Bee Gees, Band, Buffalo Springfield, Big Star....
Leur parcours est même impressionnant de déveine et de destins hélas sacrifiés.

Pourtant, tout avait idéalement commencé. Adoubés par les Beatles qui en firent leurs protégés et très vite la tête de gondole de Apple  leur label nouvellement créé, tout semble idéalement réussir à Badfinger, anciens The Iveys groupe pop d'ascendance galloise. Déjà les mecs ont du charisme et surtout un talent fou pour trousser des vignettes pop débordantes de maîtrise. Tout comme les Beatles....et l'ensemble des groupes précités, le groupe compte en son sein 3 compositeurs. George le 3ème homme s'amourache d'eux au point que Badfinger figure tout entier au casting du fantastique All Things Must Pass (1971). D'ailleurs il est aux manettes et produit ce troisième album aux côtés du fou notoire Todd Rundgren qui a entre autres à son actif les mythiques premières oeuvres de Sparks ou New York Dolls ; chacun gére séparément ses titres
Pete Ham remarquable leader naturel et guitariste doué aux côtés de l'autre homme fort le bassiste Tom Evans, est un peu moins en verve par rapport aux albums précédents où il signait quasiment tout avec son binôme. Enfin si l'on peut dire car tout de même 5 des 11 titres sont de lui. Et quels titres ! "Take it all", "Baby blue", ''Perfection", "Name of the game", "Day after day" excusez du peu ; et son timbre écorché fait une nouvelle fois merveille. Les deux derniers titres notamment sont impressionnants de solennité et de recueillement.  Evans n'est pas en reste même si plus effacé il ne signe que 3 titres dont "Money" (pas celui-là l'autre !) 
Et c'est surtout l'émergence de Joey Molland qui est remarquable et contribue aussi à faire de Straight Up troisième album du quatuor le sommet créatif du groupe. Qu'on en juge : "I'd die babe" sensationnelle pop song early Fab Four que Lennon et Macca ont oublié d'écrire, le boogie couillu de "Suitcase", la tendre et acoustique "Sweet Tuesday morning", l'une des plus formidables ballades du groupe.
Même si les relations avec Rundgren sont orageuses, il y a de bonnes vibes avec Harrison qui distille sa slide ici et là, ou le grand Leon Russell qui est du casting sur quelque partie de piano ("Day after day") ; l'album rencontre un certain succès et tout paraît propice à un bel avenir.
On connaît la suite : le deal prétendument juteux avec Warner pour échapper au requin Allen Klein, aboutira à la disgrâce du groupe. Ni les excellents Ass en 1973 qui est antérieur à la signature  et contient le mirifique "Timeless" ni  Wish You Were Here de 74 (soit un an avant l' ''autre'' n'enfonceront le clou. Entre temps un agent véreux leur a subtilisé toute l'avance consentie par leur nouveau label. Wish You Were Here est retiré des bacs, un nouveau très bon disque Head First ne paraît pas et posthume, ne sera dévoilé que très ultérieurement.
Lassé de toutes ces avanies, Pete Ham se suicide par pendaison en 1975 ; il est d'ailleurs l'artiste majeur régulièrement omis du club des 27. Et fait unique dans les annales du rock, son ami et complice qui pourtant avait dignement continué l'aventure avec Joey Molland reproduit le même geste fatal de Pete en 1983. 
‘’In a way / The sun has shone on me... ‘’ Tu parles !


On ne compte plus les groupes qui vouent un culte à Badfinger. Tous ceux pour qui les power chords et les refrains ciselés ont un sens doivent leur obole aux quatre de Swansea. Les puristes, ceux qui savent leur ont octroyé depuis longtemps une place de premier choix et qui ignore le Hall Of Fame.

En bref : le destin hors du commun de Badfinger est un cas d'école. Dépositaires d'une discographie dont 3 albums sont des sans-faute, Straight Up est celui qui encapsule le mieux le talent d'un binôme infernal. A redécouvrir et / ou à défendre plus que jamais.


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09 septembre 2024

Hoodoo Gurus - Mars Needs Guitars! (1985)

Au cinéma, il est toujours plus facile d'émouvoir sur un sujet grave et universel qu'il n'est aisé de déclencher des fou-rire de qualité au plus grand nombre. En d'autres mots, on se demande parfois à l'aune du disque qui nous occupe s'il n'est pas plus simple de briller en donnant dans la musique cérébrale, arty et qui se la raconte plutôt que dans le sacro-saint axiome  couplet/refrain/couplet/refrain/pont/refrain évidemment plus convenu.
La pop guitare-basse-batterie serait-elle une recette galvaudée ?
Dave Faulkner, leader en chef des Hoodoo Gurus déclarait tout de même dans Best pour la sortie de l'excellent Magnum Cum Louder (4ème album du groupe) en 89 :
"Mes chansons s'écoutent peut-être bien mais qu'est-ce que j'ai du mal à les pondre !"

Lorsque naît à Sydney Le (sic) Hoodoo Gurus au tout début des années 80, le groupe déjà emmené par son chanteur-leader Dave Faulkner est une sorte de groupe sonnant comme les Cramps  c'est-à-dire sans bassiste,  doté de deux guitares gavées de reverb et d'une batterie derrière laquelle officie James Baker, pas le Secrétaire d'Etat américain mais le musicien qui officiera au sein des Scientists, Dubrovnicks et autres Beasts Of Bourbons, mythiques formations australiennes. Cette formation sauvage n'existera que le temps d'un simple, le garage et très tribal "Leilani". Assez rapidement une ossature va se dessiner une fois les 3 premiers acolytes partis. Parmi eux les fidèles Mark Kingsmill remplaçant de Baker et parti depuis et le guitariste beau gosse Brad Shepherd.
Mars Needs Guitars! est l'album leur deuxième  qui les fait connaître en Europe et dans le reste du monde. Le son s'est affiné sans plus aucune aspérité et le groupe réussit une salve de chansons dont on se demande encore pourquoi et comment elles ne sont pas devenus des tubes. Pas moins de 4 simples  sont extraits, la très charmeuse "Bittersweet" sur laquelle l'on distingue le timbre d'une activiste pop, la regrettée Wendy Wild. Suivent "Poison pen" qui sonne très Dogs, et les endiablées "In the wild" et "Like a wow wipeout". Avec les Hoodoo Gurus, lorsqu'on aime la pop la plus pure, on est servi : à l'image des remerciements déclinés au verso de la pochette qui citent des gens aussi intègres que Flamin Groovies et Fleshtones; les fameux couplets et refrains proposés en enfilade sont étincelants. On navigue ici en pleine ligne claire sans aucune distorsion. A l'image de sa musique simple et accorte Dave Faulkner s'avère la valeur ajoutée de son groupe ; son timbre aigu et avenant l'emporte aussi bien sur le terrain pop que sur les chevauchées plus hillbilly ("Hayride to hell"). Laissant éventuellement le micro au chant tout de testostérone de Shepherd le temps d'un brulôt ("Mars needs guitars!") les Hoodoo Gurus incarnent tous ces rêves de groupes fantasmés lors des sixties : ceinturés de cuir, chemises à jabot, vestes de velours, l'école des garage bands en tout de même beaucoup moins fruste et beaucoup plus racé dans le songwriting.
Le final dans un déluge de chambre d'écho s'intitule "She" et n'est pas le classique de Aznavour revisité par Costello mais bien l'un des multiples sommets de Faulkner.

Malgré le contexte d'une musique passée de mode et qui depuis l'âge d'or des Beatles ,n'a plus jamais fait vendre, malgré les vicissitudes d'une carrière aussi longue, en dépit de la maladie qui a pu affecter Brad Shepherd et du break inhérent à toute formation, les Hoodoo Gurus sont toujours sur la route et continuent à produire des disques sans doute moins essentiels que ceux qui les ont fait quitter leur terre natale. Mais à la manière de leurs frères d'armes baroudeurs susmentionnés auxquels on peut rajouter Redd Kross, ces gens mourront sans doute sur scène car incapables de faire autre chose. Pour notre plus grande joie.

En bref : le parcours sans faute de musiciens aussie devenus prophètes mais pas uniquement, dans leur pays. Ceci est sans doute leur meilleur disque et une très revigorante ode aux power chords.


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08 septembre 2024

Nick Cave & The Bad Seeds - Wild God (2024)

Cet album de l'épiphanie qu'on n'attendait plus. Nick Cave et ses Bad Seeds ont à nouveau enregistré en France, au studio Miraval cette fois. Il fallait remonter loin (Dig, Lazarus dig!!! en 2008) et plus encore (Abattoir Blues / The Life Of Orpheus en 2004) pour retrouver l'australien à ce point fringant et son groupe aussi dynamique.
Bien sûr entre temps l'artiste aura perdu deux de ses fils dont un auquel il a consacré un album déchirant ;  et c'est plus qu'un humain ne saurait endurer.

Les Bad Seeds originels ont peu à peu quitté le navire, laissant Warren Ellis quasiment seul aux manettes comme un substitut à Mick Harvey. Les notes profondes du Korg, magiques mais parfois ennuyeuses. ont peu à peu pris le pas sur les guitares menaçantes de jadis. On vénérait Nick Cave à son plus apaisé (The Boatman's Call, album certifié 100% ballades) mais on renâclait à ce son émasculé dont Warren Ellis le gratifiait depuis des années.
Voici Wild God  ou le coup d'état permanent de l'orchestre, d'une chorale omniprésente qui donne une fièvre incroyable à l'ensemble. Déjà les deux singles distillés au début de l'été et que l'on retrouve ici rappellent forcément aux plus nostalgiques les grandes heures des Bad Seeds d'antan, avec violons princiers, rythmique souple des rescapés Martyn Casey et Thomas Wylder. Tout comme le morceau d'ouverture, le formidable ''Song of the lake" non utilisé en single dont l'esprit est plus que jamais à la parabole, à la rédemption  ; Nick Cave évoque-t-il les berges du Styx auxquelles le sort contraire l'a amené ? Le crooner confirme en tout cas son retour en forme via le superbe morceau-titre qui offre en éruption un break gospel à mi-chemin.  

L'immense "Frogs (single de l'année ?) emboîte le pas à "Wild god" pour clore une entame qui justifie à elle seule la possession de cet album.  Comme le dirait la mascotte de Groland, « c’est la fête ! » Si le rythme ensuite retombe peu à peu ensuite, c'est pour donner libre cours à de tendres odes aux femmes aimées vivantes ou disparues dans une liturgie - pour les distraits, Nick Cave a toujours été obsédé par la foi et cité la Bible - qui n'a plus rien de plombante. Le magnifique "Final rescue attempt" convie l'auditeur à entendre les louanges adressés à  son épouse Susie. Ou bien le très beau "O wow o wow 'how beautiful she is)" qui met les poils puisqu'il cpnvoque le fantôme d'Anita Lane la muse des premières heures et créditée sur le premier Bad Seeds, récemment disparue.
On entend ainsi sa voix samplée. 

Pas même l'inattendu et désagréable autotune sur ce dernier titre ni cette décevante pochette (alors qu'un si beau portrait orne l'intérieur ne parviennent à minimiser l'impact du retour en grâce du prêcheur ; c'est un signe.

En bref : l'album de la résilience pour Nick Cave. Et des Bad Seeds pour ce qu'il en reste qui retrouvent enfin de leur panache. Certaines orchestrations frisent ici le sublime et de nombreux nouveaux classiques s'ajoutent au riche répertoire de l'artiste. Un retour au premier plan inespéré.

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Fat White Family - Forgiveness Is Yours (2024)

L'histoire passe souvent à côté de groupes comme Fat White Family à cause de leurs aspects foutraques. On se souvient que lors de la scène baggy du Madchester des années 90, beaucoup n'avaient retenu de Happy Mondays que l'image d'une bande de drogués ingérables au talent relatif. C'étaient pourtant individuellement d'excellents musiciens et leurs compos même si elles piochaient à droite à gauche, faisaient plus que tenir la route.
Les mêmes remarques auront été formulées sur Fat White Family sauf qu'ici la musicalité saute aux yeux.

Le COVID, ce long hiatus qui a paralysé bien des groupes aura donc été fatal aux frères Saoudi. Ces derniers se sont séparés avec fracas de Saul Adamczewki, l'autre tête pensante de l'aréopage. Ce dernier avait pourtant élaboré des drones et des boucles en vue de ce 4ème album, incontestablement le plus abouti depuis l'ébouriffant Champagne Holocaust qui les vit émerger. Son ombre fait plus que planer sur ce disque sur lequel apparaissent furtivement quelques une de ses compositions. D'autant que celle-ci remet en question l'existence même de Fat White Family devenu plus que jamais l'affaire de Lias Saoudi et de son frère Nathan. Si des esprits chagrins auront vu les natifs de Peckham se saborder ;  dès l'ouverture,  Forgiveness Is Yours place haut la barre du lâcher prise avec deux exercices de spoken words. Les bourdonnants "The archivist" et "John Lennon" - ce dernier inspiré d'une rencontre inopinée avec Yoko Ono - et les textes débités au kilomètre, laissent libre court au flow de Lias qui se pique de poésie et de littérarité. "Visions of pain" parle de la religion en des termes peu amènes, usant de la prosodie du célèbre "Aguas de Marca" de Tom Jobim. Exercice de style audacieux mais réussi. 
"Today you become man" est une narration haletante qui relate la circoncision du frère ainé de Lias. La question de combien de chansons ont ainsi évoqué le sujet du prépuce sera désormais posée. "Religion for one" propose ce très intéressant constat d'une civilisation et d'une époque obsédées par l'image et les écueils narcissiques qui en découlent. Avec ces mots terribles "You're not the picture, not even the frame / Just a dog drinking up my reflection". La Société du Spectacle de Guy Debord revisitée, il fallait y penser ; Lias l'a fait. Avec cet étrange plainte de muezzin en fond, Fat White Family ne craint pas de mélanger les genres ; la mélodie est simple mais superbe. Tout comme celle entêtante de "Feed the horse" dont on ne jurera pas qu'elle est est dénuée d'intentions salaces.
Cela passe ou ça casse. Ainsi de l'electro "Polygamy is only for the chief" l'ode Raëlienne à la ritournelle cabaret inspirée de Dietrich que Lias écoutait au moment de l'enregistrement, Fat White Family comme les bons osent tout et c'est à ça qu'on les reconnaît. N'hésitant pas à se mettre en danger dans le sequencing en plaçant des titres "difficiles en début d'album ni à aborder des styles épars qui ne retirent aucune cohésion à l'ensemble. Cette fois-ci les collaborations ont été nombreuses au sein des membres qui mettent tous la main à la patte au point qu'il est parfois difficile de déceler avec exactitude qui a composé quoi pour suppléer Saul.

Disque intelligent et fourmillant d'idées de productionn Forgiveness Is Yours est la pierre de voûte d'une discographie insaisissable. Une chose est sûre, peu de groupes dans le paysage musical des 2020's se seront montrée aussi authentiques et maîtrisés en dépit ou grâce à tel chaos. Les derniers rockers ?

En bref : le disque inclassable d'un groupe inclassable, l'un des plus passionnants d'une époque relativement en berne. Celle d'un groupe libre qui joue à l'arrac

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