28 décembre 2011

Death In Vegas - Trans-Love Energies (2011)

Sept ans que Richard Sanspeur ne nous avait rendu visite. Pour son nouveau forfait, après un LP en forme d'hommage et de citation des maîtres Kraftwerk ("Satan's Circus"), Fearless et son avatar Death In Vegas jouent à nouveau la carte de l'épure. S'il n'est pas entièrement instrumental comme son prédécesseur, Trans-Love Energies a au moins le bon goût de ne plus convoquer chanteurs brit à tout va, ce qui rendait parfois illisible sa démarche à l'image de ce que pouvait donner son vilain pendant de Chemical Brothers, ou à un degré moindre les "groupes" à géométrie variable que sont les Archive ou Massive Attack.

Séparé de son alter ego Tim Holmes, Fearless conduit en solo et pour la première fois de manière ostentatoire ce nouveau disque, assumant lui même l'intégralité des quelques parties chantées.

L'ambiance générale n'est pas sans rappeler l'ambient d'un Aphex Twin circa 93/95 - sa meilleure période, on ne s'en plaindra pas - ainsi va l'inaugurale et sombre "Silver Time Machine", étirée et obsédante. "Black Hole" qui lui succède dans un fade in savant ne déparerait pas au sein des lugubres délices du Closer de Joy Division.

Parmi les autres réussites, les ambiances cafardeuses du répétitif "Lightning Bolt", la transe syncopée de "Coum" sont les pistes les plus réussies de ce Trans-Love Energies, assez caractéristiquement d'ailleurs celles où la voix blanche et monocorde de Fearless est omniprésente. En revanche, les remix ou versions différentes proposées en bonus sur le double vinyle sont assez pesantes voire gonflantes, et c'est finalement dans la concision que monsieur Death In Vegas convainc le mieux, dans ce qui reste son disque le moins sexy (comprendre racoleur), mais sans doute le plus cohérent à ce jour.

En bref : sans peur et sans binôme, Richard Fearless revient à un son plus dark, avec un disque qui gagne en cohérence dans les climats et la conception, débarrassé qu'il est du casting par trop envahissant de ses prédécesseurs.





le site, le Myspace

"Black Hole" :



"Lightning Bolt" :



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27 décembre 2011

Michel Cloup (Duo) - Notre Silence (2011)

Pour la génération avant la mienne, Diablogum reste un groupe mythique au sein du paysage francophone. Honte sur moi, je n’y ai mis les pieds plus que de rigueur. J’avais bien effleuré quelques fois un disque comme #3 mais jusqu’à cette année, jamais je n’étais tombé amoureux de leur univers. C’est aujourd’hui chose faite grâce à ce disque sorti hors circuits, qui doit la seule petite lumière médiatique qu’il a reçu à son patronyme honorifique. Et puisque le retour sur les planches et dans les bacs du plus culte des groupes français se fait attendre, quoi de mieux pour patienter que cet ovni slow-core, produit purement français et pourtant tellement américain.

Comme son nom l’indique, cet album est joué en duo. Guitare/voix/batterie. Michel Cloup (Experience, Binary Audio Misfits) + Patrice Cartier. Pas plus. Ni moins. Un choix pour le moins minimaliste, qui privilégie l’épure aux dépends de la sophistication. Tout comme la pochette noir et blanc aux relents de BYG Actuel. Tout comme le phrasé parlé jamais crié. Et puis il y a ce son grave et chaud de la guitare barytone. Tout contribue à cette lente et courte introspection. Cette mise à nu d’un artiste oublié sur le bord de la route et qui a encore des choses à dire. "Une histoire, mon histoire. Universelle, banale. Mon histoire, notre histoire", tel commence ce disque solennel d’à peine six véritables morceaux.

Michel Cloup y est à vif. Les thèmes sont lourds : l’enfance, le deuil, la dépression, la douleur, la fatalité, le tout avec un regard quadra mélancolique à souhait. Sans jamais verser dans le pathos, avec peu de mots et en imageant comme un poète, Michel Cloup frappe sec et fort sans chichis. "Expliquer l’inexplicable, pour accepter l’inacceptable" lâche-t-il dans "Cette colère", premier coup de force du disque. Un de ces je ne-sais-quoi qui laisse des frissons sur son passage, entre rage et amour.

Sa guitare est son autre grande force. Typiquement américaine mid-90’s côté Slint et Shellac. Des soli juste comme il faut et un son écorché mais précis qui s’étend sur de relativement longs morceaux. Sommet du disque, et meilleure chanson de l’année pour moi, "Notre enfance" reflète en cela tout ça. Il y a tout. La longueur (12 minutes), la présence, les breaks, le sens, la charge émotionnelle, l’histoire. Notre histoire.

En bref : pesant et dépouillé, Notre Silence est un regard unique sur la vie, d’un classicisme et d’une sobriété folle. Un soleil noir.





Le site officiel

"Cette colère" :





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19 décembre 2011

Keren Ann - Espace Julien- Marseille (17/12/11)

Madame Nickx et moi nous sommes fait une spécialité des "dernières" ; c'est donc à l'Espace Julien qu'accompagnés de Nickx Junior, nous avons rendez-vous avec Keren Ann pour l'ultime date de sa tournée 101 ; mais revenons aux préliminaires.

De Daho à Bashung

Combien, à part votre serviteur, auront reconnu l'accompagnatrice de Doriand (avec un "D"), support artist de la jolie franco-néerlandaise ? Car il s'agit bien en effet de l'ex-meneuse des cultes et très délicats Valentins qui officie à la guitare folk, seul oripeau instrumental du mini-set, si ce n'est le tambourin agité frénétiquement en final des morceaux par le chanteur dandy.

Lequel ne se prive pas de rappeler (merci à lui) les exceptionnels états de service d'Edith Fambuena en variété pop française (de Daho à Bashung, en passant par.......à peu près tout le monde) qui, bien qu'abîmée par les années, n'a rien perdu du charisme qui avait fait d'elle l'ex-égérie de la nouvelle vague gay romantique du début des 90's.

Et à la vérité, c'est presque d'elle dont on le plus envie de parler, plus que de Doriand, au demeurant chanteur néo-réaliste aux histoires drôles et tendres, jamais très loin d'un Renan Luce, et sans doute plus attachant que toute la cohorte d'affreux Benabar de la terre !

Louise Brooks, Mireille Mathieu et Carla Bruni

Place à Keren Ann dans une salle qui c'est un comble, ne l'est pas, avec le parti gonflé de lancer le set après avoir balancé le title-track lancinant de 101, juste avant de monter sur scène. En formation resserrée, la belle Keren a donc décidé d'abandonner la très discutable coupe de cheveu à mi-chemin entre Louise Brooks et......Mireille Mathieu qu'elle arborait sur la superbe pochette du dernier album.

A présent, sa silhouette moulée dans le cool d'un fut moulant et de la veste rock'n'roll de rigueur, évoque davantage une Carla Bruni branchée, et c'est tant mieux.

Le groupe de 4 musiciens, particulièrement efficace propose batteur, sosie de Sinclair à la basse, clavier et ô joie rien de moins que Philippe Almosnino, échappé des Wampas, dont le jeu virevoltant insufflera à "Sugar Mama" et certaines vieilles scies telles "It Ain't A Crime", une seconde jeunesse. Keren, d'humeur très accorte, fait de longs commentaires sur les chanteurs peints sur les murs de l'Espace, se félicitant de figurer aux côtés de Dee Dee Bridgewater et s'autorisant une saillie réitérée envers Booba et Diam's, qu'elle se désole (?) de ne pas côtoyer (LOL).

Son maousse, voix diaphanes...

Un sobre éclairage aux tons violets sied particulièrement à la mélancolique et magnifique "Strange Weather" qui lance les hostilités. Le son est maousse, la voix en pâtira d'ailleurs parfois, mais ça n'est pas grave. C'est à un véritable best-of de sa déjà conséquente discographie que convie Keren ; tous les morceaux qui comptent seront joués, avec une part belle faite évidemment à 101. Dont les morceaux de bravoure hormis la chanson-titre, sont tous interprétés. Nos préférés ? Outre la chanson d'ouverture, un très beau "You Were On Fire" délicatement saupoudré de Theremin, et sur lequel Keren évoque feu Trish, la chanteuse des hélas méconnus Broadcast.

Ca n'est d'ailleurs pas le moindre des mérites de la muse néerlandaise que d'évoquer les voix diaphanes les plus prisées des années 90/2000 ; on pense aussi à l'adorable Hope Sandoval sur "All the Beautiful Girls" et la rêveuse "Song From A Tour Bus".

Traitement club...souvenirs feutrés

Si l'on devait retenir une caractéristique de la prestation de Keren Ann ce samedi, c'est l'absence de faute de goût, tant dans le choix de ses accompagnateurs ; qu'il s'agisse de ses propres musiciens ou de la première partie. Ou de façon plus subjective, de celui du répertoire interprété, qui atteint son apogée après le rappel.

Auparavant la tant attendue et tourbillonante "My Name Is Trouble", jouée en 12ème position aura droit à un traitement club : après un début classique, ce ne sont que guitare funky et basse slappée étirées sous de roboratifs stroboscopes, avec faux départs, vrais redémarrages, et Keren qui prend la pose oiseau de nuit sur le dance-floor !

Feu d'artifice final, les deux plus beaux titres du fantastique Not Going Anywhere (2003), le morceau-titre bien évidemment, et aussi le grandiose "Sailor And Widow" (ma préférée entre toutes), où la voix de Keren -qui officie derrière la batterie pour l'occasion- n'a jamais tant évoqué nos souvenirs feutrés de la grande Suzanne Véga.

Vivement le prochain album !

"Strange Weather" en ouverture du concert



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17 décembre 2011

Korallreven - An album by Korallreven (2011)

Que l’on appelle ça chillwave ou que l’on ne l’appelle pas, on ne peut que constater que nous avons ces dernières années été submergés par une vague de disques jouant avec les ambiances aqueuses et aériennes, en entrelaçant boucles électroniques, notes de synthé et voix éthérées. Les premiers disques reçus, inattendus et révélateurs (je pense notamment au seul, unique, et sublime EP des suédois d’Air France), semblaient tomber du ciel, portés par le vent. Objectif manifeste : créer du beau. Et amener l’auditeur à se détacher des lois de la pop et de la pesanteur. Seulement voilà : en lisant la presse, on aurait pu croire que 2011 allait être l’apogée du genre. Or, que j’écoute, simple exemple, Washed Out ou Neon Indian, je ne pense qu’une chose : Pffff. Comme un ballon qui se dégonfle, et qui échoue platement dans l’océan. Où les vagues perdraient de leur fluidité à force de courants contraires. Où dans « flotter » j’entends « flotch, flotch ». C’est pourquoi je suis heureux, en cette fin d’année, d’entendre un disque enfin accomplir ses ambitions élémentaires et oniriques. Cela n’étonnera personne, il vient de Suède. Il s’appelle An album by Korallreven. Et aux commandes, on note la présence du claviériste de The Radio Dept, groupe dont on ne vante plus les qualités.

On a beau reprocher aux journalistes de vouloir créer des genres out of the blue, tout concourt, sur cet album de Korallreven, à définir un canon, en accumulant des éléments devenus caractéristiques comme autant de figures imposées. On a ces références aux contrées exotiques (Korallreven signifie « récif de corail ») et fantasmées. Et surtout, on a ces grandes envolées lyriques et ce savant collage réverbéré de voix humaines, de bruissements naturels, de sons synthétiques et de boucles électroniques, si bien que l’on pense autant à Brian Eno qu’à The Avalanches. Et quand je dis savant, je ne pense pas nécessairement à une maîtrise métronomique manifeste ou à une précision d’artificier. Non, il s’agit ici de réussir à superposer les strates de sons pour leur donner une apparence accidentelle, à imiter les mouvements naturels, à donner l’illusion d’une musique dépendante des courants de l’air et des courants de l’eau. L’impression de flottement…

Et si Korallreven réalisent mieux que d’autres leurs ambitions impressionnistes, c’est parce qu’ils ont envisagé leur album comme un tout, brouillant non seulement les lignes à l’intérieur des morceaux, mais aussi entre les différentes pistes. Si bien que l’on ne sait jamais vraiment où l’on en est : ne cherchons pas, on est transporté. Le disque terminé, reste une impression d’avoir quitté l’espace et le temps, sans parvenir à définir ce que l’on vient d’entendre : la sensation d’avoir rêvé. On se souvient d’une entrée en matière céleste et épique, sur deux morceaux encore à peu près identifiables. On se souvient aussi des voix de Victoria Bergsman (Taken by Trees) et Julianna Barwick. Puis il semblerait que l’on se soit laissé capturer, emporter dans une série de rêves imbriqués les uns dans les autres : « A dream within a dream within a dream within a dream » : cette voix résonne encore... On se souvient d'échos qui semblaient se répondre et se répéter d’un bout à l’autre du disque, comme si la musique créait des espaces qui se dépliaient et se repliaient sur eux-mêmes, à l’infini… Et lors des dix dernières minutes, celles qui précèdent le réveil, on se souvient avoir entendu le tempo ralentir, tandis que les espaces se multipliaient ; il s’agissait pourtant d’une seule et même plage, puisque, dans le trouble et le doute, on aura vérifié… Écoute après écoute, d’autres souvenirs refont surface. Les autres restent enfouis sous des strates encore inexplorées, attendant que l’on replonge pour les chercher.

En bref : un album de chillwave, impressionniste, séduisant, électronique, complexe, aérien, onirique, délicat, inspirant, exotique.





Le Myspace et le Soundcloud

"As young as yesterday":



Et "The truest faith":



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13 décembre 2011

King Krule - King Krule (2011)

Qu’on se le dise, King Krule, de son vrai nom Archy Marshall, a seulement 17 ans et débute son projet solo après avoir officié en tant que Zoo Kid. Issu d’une famille de musiciens, c’est à 8 ans, selon les dires, qu’il compose son premier morceau et découvre ses aptitudes au songwritting. Autant dire que la pop ça le connaît, lui qui a déjà un maxi au compteur (Out Getting Ribs) et signe ici son premier EP éponyme chez True Panther (Morning Benders, Real Estate, Teengirl Fantasy). Ses prestations scéniques, au Midi Festival d'Hyères et à la soirée d’ouverture du Pitchork Festival à Paris notamment, ont eût tôt fait de lui assurer un premier succès d’estime.

Abstraction faite de son jeune âge et de sa maturité vocale précoce, on a ici affaire à un vrai disque de pop hybride aux accents ambient et jazzy. La voix d’Archy Marshall, suave et envoûtante, surplombe une instrumentation éthérée et minimaliste : guitare nimbée de reverb, basse profonde, batterie lo-fi à la frappe légère. Son chant (plutôt du parler-chanter) a un timbre mélancolique particulier qui prend de la consistance lors de ses accès de violence, sans jamais succomber à un excès d'émotions. Loin d’être omniprésent, le chant sait se faire discret sur "Bleak Bake", laissant la place à des textures vaporeuses. Il est même absent sur l’introductif "36N63" et ses lignes de contrebasse.

"The Noose of Jah City", en guise de final est sans conteste le sommet de cet EP. Il semble télescoper toutes les (bonnes) inspirations d’Archy Marshall pour en former un morceau plus abouti. Parmi les échos de guitare et le chant écorché qui ne cesse de dévoiler une certaine anxiété juvénile, on entrevoit la naissance d’un style singulier qui ne demande qu'a se développer. King Krule pourrait bien devenir un de ces songwriters à l’univers inspiré et intimiste comme le sont Bradford Cox et Kurt Vile. L’avenir nous en dira plus.

En bref : nouvelle coqueluche anglaise, adulé par Pitchfork et NME, King Krule semble couver un grand talent du haut de son jeune âge. Profitons-en avant qu’il ne soit happé par la hype.





Site officiel, bandcamp, site du label True Panther

"The Noose of Jah City" :



"Lead Existence" :


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08 décembre 2011

Steve Hauschildt - Tragedy & Geometry (2011)

Habituellement ultra-prolifiques, les Emeralds n’ont rien sorti cette année, du moins en trio, sûrement accaparés par le succès de leur grande œuvre de 2010, Does It Look Like I’m Here ?, et la tournée qui a suivi. Le showman et soliste du groupe, le rouquin Mark McGuire, a quand même trouvé le moyen de sortir deux albums, l’un seul (Get Lost) et l’autre avec le duo Trouble Books, ainsi qu’une double compile. Mais la surprise vient du plus discret des droneux de Cleveland, Steve Hauschildt, dont Tragedy & Geometry est le premier véritable effort solo, après une poignée de cassettes et de Cdr. En charge de la programmation des synthétiseurs, Hauschildt a sans doute énormément contribué à l’évolution des Emeralds vers un son plus électronique et hypnotisant, moins bruitiste que sur leurs livraisons passées. Ses arpèges euphoriques et ses accords flottants fournissaient un cadre parfait pour les divagations guitaristiques de son acolyte.

Il y avait une telle complémentarité entre les deux musiciens (et même les trois, n’oublions pas John Elliott) sur DILLIMH ? que je me suis naturellement demandé, en lançant la galette, si Hauschildt supporterait le poids de la solitude. Et la réponse est : oui et non. Oui parce que des titres comme "Overnight Venusian" et "Batteries May Drain" sont des petites perles psychédéliques ; le premier semblable à un océan ténébreux de nappes, le second, pour moi le meilleur du LP, dans une veine clairement krautrock à la Neu!, avec un beat mid-tempo presque dansant et un riff bien accrocheur. Et non, parce que Steve a beau se démener comme un diable sur ses claviers, ce qui fonctionne sur quelques morceaux tombe un peu à plat sur d’autres.

"Music for a Moire Pattern", la pièce centrale de l’album, présente par exemple une progression un peu trop molle du genou pour maintenir l’attention éveillée durant ses 11 minutes. Quant aux plages ambient courtes qui font office d’interlude ("Arche", "Cupid’s Dart"), elles ne présentent pas un grand intérêt. Tragedy & Geometry souffre surtout d’une trop grande uniformité de textures, et l’on se prend à imaginer à quel point certains titres pourraient être sublimés par la guitare de McGuire. "Already Replaced" apparaît ainsi comme une version squelettique, loin d’être désagréable mais incomplète, du grandiose "Candy Shoppe".

Si l’ensemble manque parfois de relief et de tension, c’est parce que Hauschildt a fait des choix esthétiques forts, en s’orientant vers des sons chauds et accueillants, et en structurant ses morceaux comme de vraies chansons pop. Tout en restant bien sûr très cosmique ("Blue Marlin", "Peroxide"…), Tragedy & Geometry ne vise pas le même type de transe que les Emeralds, reste plus en retenue, moins expansif, ce qui en fait, de loin, le disque le plus accessible de toute la galaxie Emeralds, et une formidable porte d’entrée vers l’œuvre foisonnante du groupe.

En bref : escapade solo plutôt réussie pour le plus discret des Emeralds. Moins viscéral et plus pop que les disques du trio, Tragedy & Geometry est accessible, planant, et contient quelques fulgurances, comme le fabuleux "Batteries May Drain", mais aussi quelques longueurs.




Le site de Kranky

A lire aussi : Emeralds - Does It Look Like I'm Here ? et Mark McGuire - Living With Yourself (2010)




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04 décembre 2011

True Widow - A.H.A.T.H.H.A.F.T.C.T.T.C.O.T.E. (2011)

Je sais, je tiens là le titre le plus long et le plus idiot de l'année 2011, voire au delà ! Décodage immédiat : "As High As The Highest Heavens and From The Center To The Circumferance Of The Earth". On pourra y reconnaître l'ambition tellurico-stratosphérique typique d'une certaine tendance shoegaze, à la recherche d'un son à la fois massif et ample. Mais là encore, il ne suffit pas d'appuyer sur une pédale d'effet pour avoir du talent, et n'est pas Besnard lakes qui veut. Trio originaire de New York, True Widow, se la joue puissant, sombre et minimal, et, sans être follement original, trouve un style et un son, qui ont tout pour plaire.

On ne peut pas dire que la presse spécialisée ait buzzé d'une manière ou d'une autre sur cette formation (aucune recension à ma connaissance) ; c'est donc grâce à un disquaire (et oui ça existe encore, les ptits jeunes) que j'ai découvert ce disque.

Le son accroche tout de suite l'écoute : cette batterie downtempo qui ouvre le premier morceau "Jackyll", mixée très en avant, sonne au plus près de l'oreille, et semble dire merde au Loveless de My Bloody Valentine. Puis un lent tremblement de terre, quelque chose qui vous saisit doucement, vous impacte physiquement, une basse qui semble vouloir célébrer les noces du sludge et du shoegaze. Et enfin, une guitare claire amorce un motif entêtant qui sera repris par la voix.

Tout l'album repose sur ce minimalisme instrumental basse/batterie/guitare, très loin du prog savant des Besnard Lakes. Sur des tempos généralement lents, chaque instrument a droit à son intro, son attaque. Une sorte de stoner rock shoegaze, avec des voix claires, tantôt masculine tantôt féminine, direction le plus haut des cieux, mais qui viennent habilement élargir le spectre sonore, et évitent à l'ensemble de sombrer définitivement dans la crypte.

Du coup, les compos sont d'une grande simplicité, et les paroles aussi. Les motifs mélodiques ne sont jamais très développés, esthétique stoner oblige, et la guitare assure ce qui pourrait parfois ressembler à des ponts. Tout est tellement étiré que les refrains arrivent comme des codas, en délivrant l'oreille des boucles répétitives. Bon, les amateurs de chanson seront peut-être un peu perplexes, mais " Skull eyes" prouve qu'ils savent en écrire, et qu'ils ont la possibilité pour leur prochain album de ne pas se répéter, en se contentant de leurs trouvailles sonores.

En Bref : du stoner rock pour âmes en peine, sombres héros de la crypte, exilés pour veuvage à plein temps, les yeux rivés sur les chaussures. Les voix et les bribes de mélodies apportent ce qu'il faut de délicatesse.




Le site officiel



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01 décembre 2011

Floating Points - Shadows EP (2011)

Nous avions découvert ce producteur avec son énorme Vacuum EP, en 2009. Déçus par son premier live parisien quelques mois plus tard, nous avions mis cette piètre performance sur le compte de sa jeunesse. Ceci dit, le potentiel de Sam Shepherd apparaissait déjà avec évidence, ainsi que son ouverture d’esprit et sa vision élégante du groove. Depuis, le Britannique a mûri et lâché quelques beaux 12'', dans des styles très variés, de ses travaux orientés bass music sur Planet Mu ou house sur son propre label Eglo, à ses aventures plus jazzy et instrumentales sur Ninja Tune, dans un style proche du Cinematic Orchestra. Mais il n’avait pas encore sorti le disque qu’on attendait de lui, celui qui accomplirait la synthèse entre toutes ces orientations. Eh bien le voici, ce fameux disque. Shadows est l’œuvre d’un musicien au top de sa forme, sûr de son style. Très long EP qui a tout d’un album (37 minutes pour 5 titres), il confirme Floating Points comme l’un des artistes les plus intéressants à avoir émergé de Londres ces dernières années.


Il n’est finalement que très peu question de house sur cet EP, bien qu’il s’articule autour d’un véritable chef-d’œuvre du genre, "ARP3", sorte de prolongement mélancolique de "Vacuum Boogie". Même lorsqu’un pied house vient délicatement se poser sur le piano de "Realise", c’est pour mieux être perverti, saccadé, et finir plus près de Burial que de Theo Parrish. Les rythmiques garage et 2-step, la basse synthétique et les nappes surpuissantes rappellent que Floating Points fait partie de la même génération que Julio Bashmore ou Joy Orbison. Mais les ressemblances s’arrêtent là, car le son de Floating Points n’est pas aussi exubérant et direct, taillé pour les clubs. Il est au contraire très intériorisé, concentré sur les détails et l’émotion. Autant au niveau de ses motifs mélodiques que de son ambiance et de sa structure, Shadows peut d’ailleurs être considéré comme un disque de jazz.

"Myrtle Avenue" et "Sais" sont clairement influencés par le son de Weather Report, du Miles Davis de Bitches Brew et par le côté organique des pianos électriques de Bob James et Herbie Hancock. La manière qu’a Shepherd d’imbriquer ses morceaux et de tenir une même couleur musicale sur l’ensemble du disque est également très jazzy (ou cinématographique si vous préférez) - c’est flagrant sur le diptyque "Realise" / "Obfuse". Tout n’est ici que délicatesse et sobriété, c’est pourquoi une écoute superficielle de Shadows peut laisser une fausse impression de platitude. Il faut faire l’effort de tendre l’oreille pour en apprécier toutes les subtilités.

En bref : jazzy, subtil, jouant astucieusement avec les codes de la house et de la bass music, Shadows est à ce jour le disque le plus abouti de Floating Points.





Floating Points sur Soundcloud et Twitter
Le site d’Eglo Records

A lire aussi : Floating Points – Vacuum EP (2009)



Floating Points - Sais from Will Hurt on Vimeo.




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