26 février 2010

Lightspeed Champion - Life Is Sweet ! Nice To Meet You (2010)

Lorsque nous nous étions enthousiasmés en 2008 pour ce que j’avais qualifié de "grand disque de country brit pop" au sujet de Falling Off The Lavender Bridge, j’avoue que j’avais des doutes quant à la longévité du bonhomme. N’était-il qu’une comète illuminant un bref instant le paysage folk pop anglais ou pouvait-on compter sur un nouveau grand songwritter ? C’est à présent confirmé, Devonte Hynes ancien guitariste des Test Icicles est un héros. Il en aura mis du temps mine de rien pour donner suite à ce parfait premier jet, lui qui disait être fasciné par le format album. Mais l’attente valait à coup sûr le coup quand on se plonge dans ce nouveau disque de pop géante, que je me risque à qualifier dé véritable œuvre d’art.

Devonte a depuis déménagé, de Londres à New-York, mais n’a pas changé d’un chouïa l’optimisme qu’on lui connait. Pour preuve ce titre d’album qui ne connait pas la crise, et surtout cette sobriété dans la grandiloquence qu’on lui connait. Pour ce deuxième album il s’est encore une fois entouré de nombreux amis musiciens, mais s’est appliqué avec génie à écrire chaque partition de chaque instrument tout seul comme un grand. Les cordes ont -on s’en doute- une nouvelle fois la plus haute importance, et les orchestrations en tous genres hissent les titres au rang de bande originale de cinéma, les grands espaces en bandoulière. Quant au personnage, le grand enfant qu’il demeure est toujours aussi attachant et extravagant. Tel un dandy romantique et décalé, il égraine ses mélodies mélancoliques et surréalistes avec une aisance digne des plus grands.


Si l’on enlève les trois interludes qui jouent peu ou prou leur rôle d’interlude, ni plus ni moins, il reste douze titres improbables et stupéfiants accessibles à la première écoute. Commençons avec "The big guns of Highsmith", titre fou qui emprunte autant à Queen qu’à l’univers de Tim Burton avec ses chœurs masculins et son piano en roue libre. Sur "There’s nothing under water" Devonte apporte un peu d’exotisme à l’aide d’un ukulélé, avant de se la jouer glam sur "Romart". Deux autres grands titres : "I don’t want to wake up alone" et "Marlene", deux autres singles en puissance qui reposent autant sur les cordes que sur les breaks, mais surtout sur la voix de Devonte qui par moment rappelle celle de son ami Conor Oberst. Enfin, trois autres morceaux envoient un peu plus le pâté, chacun à leur manière. Je pense à "Sweetheart" (The Coral ?), "Faculty of fears" et "Madame Van Damme" (refrain parfait ?) où les guitares se montrent un poil plus tranchantes et bien moins baladeuses.

En bref : il y en a pour tous les goûts dans cette nouvelle collection de titres pop folk bien anglais, mais surtout, c’est la personnalité ultra attachante de Devonte Hynes qui transpire de sa musique et la hisse vers des sommets insoupçonnés. Adam Green n’a qu’à bien se tenir.





Le Myspace

A lire aussi : Lighstpeed Champion - Falling Off The Lavender Bridge (2008)

"The big guns of Highsmith" en live minimaliste, "Marlene" avec tout le tintouin, et parce que je n’y résiste pas, cette lavomatik session plus qu’improbable:






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25 février 2010

Modest Mouse - Good News For People Who Love Bad News (2004)

Je vous parlais il y a quelques temps du Yankee Foxtrot Hotel de Wilco ; GNFPWBN (ouf !) est de la même sorte. Il contient la même folie dans la composition pop, qui déborde largement du cadre et qui à force de retouches devient un disque plein, une œuvre totale par un trio américain qui atteint là son titre de noblesse. Controversé par les fans et Pitchfork qui voient en lui le pire album de la bande (7.9 tout de même), c’est pourtant celui que je préfère (même au mythique The Moon & Antarctica). Et puis tout est dans le titre, de celui de l’album jusqu’à ceux des morceaux, tous parfaits. A la pelle : "Ocean breathes salty", "Satin in a coffin", "Blame it on the tetons"…

Avant d’être rejoints par Johnny Marr (The Smiths), les Modest Mouse (en référence à un passage issu d’un bouquin de Virginia Woolf traitant de la classe travailleuse) ne sont que trois : Isaac Brock, le grand chef anticonformiste à la voix protéiforme accompagné par Eric Judy et Jeremiah Green (ici remplacé par Benjamin Weikel). Le groupe de Washington écrit donc ce cinquième disque entre doux psychédélisme et énergie communicative (Flaming Lips ?) et flirte comme à son habitude avec le rock électrique presque classique, et le côté orchestral bancal rencontré sur les œuvres précédentes. Et c’est finalement ça qui fait le style Modest Mouse.


On y trouve seize titres pour 48 minutes d’écoute, des morceaux tous très différents et surtout les textes acides d’Isaak, qui change de peau quand il le souhaite et qui insuffle ce vent de folie qui parcourt l’album. Sur "Ocean breathes salty" par exemple son chant est incisif alors que sur "Blame it on the tetons" l’agressivité laisse sa place à la douceur, aux arpèges et au piano. Et quand on parle d’orchestre pour évoquer Modest Mouse, on pense à des morceaux comme "Bukowski" où un étrange et inhabituel accordéon s’invite à la partie, éloignant le son de ses terres traditionnelles. Et puis comment ne pas évoquer les deux petits bijoux pop de l’album : "The world at large" parfaite avec ses habillages de cordes et ses chœurs, et surtout son enchaînement parfait avec le sommet qu’est "Float on", véritable single où l’on retrouve tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un single digne de ce nom : un riff de gratte simplissime et une voix habitée qui en font du coup un hymne emblématique. Alors certes sur seize morceaux tout n’est peut-être pas à prendre au pied de la lettre mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce disque, sa variété et sa grande particularité.

En bref : l’un des sommets de créativité d’un groupe difficile à cerner, un joli voyage pop dans la tête d’un autre démiurge américain.





Le Myspace, le site officiel et l’album en streaming

A lire aussi : Wilco - Yankee Hotel Foxtrot (2002)

"The world at large" et "Float on" en live, soit l’un des plus beaux enchaînements de titres qui soit :




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24 février 2010

Field Music - (Measure) (2010)


A DODB, on privilégie généralement le rock nord-américain ou celui des antipodes, lorsqu'il est anglo-saxon. Mais on sait reconnaître aux rares groupes britanniques sortant du moule leur capacité à créer un son, une palette et un univers qui ne relèvent pas seuls de la NME dépendance !

C'est le cas des très fins frères Brewis, ci devant animateurs principaux de leur projet Field Music, né au début des années 2000. Déjà le 4ème album dont une compile très justement encensée par Emmanuel ainsi que 2 albums dont votre serviteur s'est fait volontiers le rapporteur. Qui d'autre sur la blogosphère et ailleurs peut ainsi se targuer d'avoir la Fied Music attitude ?

C'est sans doute pour cette raison que le hiatus décidé par le groupe en 2007 après l'épatant Tones Of Town nous a fait craindre le pire : les deux (bons) avatars que sont les groupes annexes de David et Peter baptisés respectivement School Of Language et The Week That Was ne menaçaient-ils pas de mettre la carrière méconnue mais exemplaire du groupe entre parenthèses ?

Pour notre plus grande joie,seul le titre de leur troisième album véritable aura subi ce traitement, et 3 ans après leur dernier haut fait d'armes, le groupe est plus vivant que jamais.
La première écoute c'est vrai se révèle ardue : d'une part le groupe ne nous a pas habitués à un format aussi long (60' pour 20 morceaux) et d'autre part, la fratrie Brewis se révèle un électron toujours plus libre, en ce sens que son écriture n'obéit à aucun canon du moment. Les deux composent et jouent une pop de 3' chrono -généralement- faite de références 100% anglaises (Squeeze, Costello, British Beat...), et ne fait toujours aucune concession aux desiderata des charts !

Ainsi l'auditeur lambda se révèlera surpris qu'un "Them That Do Nothing" aux arrangements de Clavinet aussi baroques que son titre ait été choisi comme single ; cette délicate mélodie ayant plus à voir avec les Kinks période princière et baroque façon Face To Face (1966) Something Else By The Kinks (1967).

Tels des Stevie Wonder de poche, les deux frères s'adonnent à tous les plaisirs, usent de tous les instruments, et tels des démiurges insatiables, ne s'interdisent rien : curieux morceau new wave ("In The Mirror"), pop nimbée de cordes EleanorRygbyennes ("Measure"), funk tribal ("Let's Write A Book"), superbe pop saccadée avec ce martèlement de piano caractéristique de l'art Mc Cartnyen, ("The Rest Is Noise"), etc...

Mais aussi des morceaux parfois complaisants où le groupe s'aventure un peu trop dans les mélodies biscornues, et loin de moi l'idée de récuser toute velleité de suicide artistique. Simplement, à force de vouloir innover dans leur quête de la chanson pop parfaite à effluves 70 - on pense aussi à l'art de Steely Dan- et pas dit Danny Dan, hein ! - les Field Music s'écoutent un peu jouer (brillamment) de leurs instruments et éprouvent l'endurance de leur auditeur.

Leur talon d'Achille, c'est peut-être d'en faire trop, d'imprimer trop d'ébauches, de trouvailles harmoniques en même temps, et oublier ce qui fait le sel des meilleures productions, l'homogénéité ! Celle qui n'est pas le fait des concept-albums seuls (souvent indigestes d'ailleurs) mais qui permet l'écoute d'un disque du premier morceau de la face A jusqu'au dernier de la face B, C ou D dans sa continuité. Un disque est un tout, une histoire que l'on évitera d'élaguer, d'écouter en mode aléatoire !

Aussi, à l'issue des 6' de "It's About Time" de l'instru qui clôture (Measure), on est à deux doigts de renvoyer le compliment au groupe, ce qui est un comble ! Beaucoup de choses intéressantes donc, dans ce nouveau disque, mais une excessive longueur qui lui ôte sa marque de fabrique : la fraîcheur! Gasp !  Affaire à suivre....

En bref : la nouvelle oeuvre des très ambitieux et uniques frangins de Field Music. Bourrée d'idées novatrices et de titres marquants même si totalement exempte de tubes, l'entreprise du combo chéri de Sunderland, n'évite cependant pas les écueils de son format étiré, et ne rend pas toujours justice au talent de ce duo hors normes !





Le site, et le Myspace

A lire aussi : Field Music - Write Your Own History (2006) et Field Music - Tones Of Town (2007)

"Them That Do Nothing" en showcase :


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22 février 2010

Turzi + The Fiery Furnaces - Concert à l’Espace Tatry de Bordeaux le 20/02/10


Quelle belle affiche que voilà ! Deux groupes et deux univers complètement différents bien que liés par une certaine intégrité, et surtout un refus du carcan. C’est donc le Versaillais Romain Turzi accompagné par son backing-band Reich IV qui ouvre le bal en interprétant des morceaux de ses deux albums A et B. Pour ceux qui connaissent, la formule n’a pas changé : rythmiques froides, chant atone (quand il y en a), et surtout un climax sombre et hypnotique qui évoque autant le krautrock allemand que le rock progressif des 70’s. Romain le dit lui-même, il n’aime pas voir un chanteur se dandiner devant son groupe, et effectivement, sa posture à lui est assez figée. Si certains peuvent y voir un côté poseur, d’autres ne manquent pas de remarquer une grande singularité qui forcément interpelle par tant de dissonance et de répétition. Soit on rentre dans cet univers mystique et introspectif, soit on reste à côté et on attend que cela passe.

Chez les Fiery Furnaces c’est un peu la même chose. N’allez pas chercher de tube ou de single, il n’y en a pas. Et si jamais il y en avait un, croyez-moi qu’il aurait été démonté et trituré en live de manière à ce qu’on ne le reconnaisse pas. Depuis 2000 les frères et sœurs Matthew et Eleana Friedberger construisent une discographie réservée aux initiés tant l’unité est difficile à trouver dans leur œuvre. En ce sens je pense un peu à Yo La Tengo qui en touchant à tout les genres peine (volontairement) à se trouver une véritable identité. Pour Matthew, principal compositeur et arrangeur du groupe, disque et live ont un statut équivalent. Sur scène, ils sont accompagnés par le très bon batteur Robert D’Amino (en charge des incessants changements rythmiques) et le mythique bassiste de Sebadoh Jason Loewenstein qui lui aussi n’est pas mis au repos niveau interprétation. Eleana quant à elle se charge toute seule du chant, et sans guitare. Les Fours Ardents (une expression biblique utilisée lorsque les juifs étaient captifs de Babylone, tiens-donc) font donc vraiment ce qu’ils veulent, déstructurant leur Going Away de 2009, collant un peu de Widow City (mon préféré) ou se reprenant eux-mêmes d’une manière de toute façon non reconnaissable. La coupure de courant intempestive dans la salle ne les empêche même pas de continuer, en acoustique, puis dans le noir total : expérience unique assurément. The Fiery Furnaces ne ressemble à rien d’autre, c’est sûr, et cette originalité dans le capharnaüm et la réinvention ne peut que rappeler Zappa pour la musique, ou Perrec pour l’écriture. Unique.

Les Myspaces de Turzi, The Fiery Furnaces et l’Espace Tatry

Un morceau live des Fiery Furnaces (avec clavier, ce qui manquait à Tatry) et Turzi sur "Bombay" (qui a dit que ça ressemblait à "I was made for loving you" de Kiss ?):




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21 février 2010

Morrissey - Vauxhall and I (1994)

1994, grand millésime pour les auteurs, ceux avec et sans majuscule. Qu'on en juge : de Luke Haines à Neil Young, en passant par Franck Black ou Daniel Johnston, pour ne citer que les plus connus, l'année fut faste.
 Que retenir donc du cru de Steven Patrick de cette année là ? Déjà qu'il témoigne d'une pochette des plus accortes, ensuite qu'il recèle tout simplement le meilleur de sa discographie solo passée et à venir. Et à la vérité, il y aura définitivement un avant et un après Vauxhall and I, qui tutoie la perfection pop des Smiths de Meat Is Murder (1985) : même son rêche, même ton désabusé mais sans l'apitoiement sur soi-même, "All of the rumours keeping me grounded / I never said that they were completely unfounded", affirme l'artiste sur le très incisif et presque noisy "Speedway".
 
 Sinon, même pop sèche et brutale, même mélancolie teintée de tendresse et d'amertume ; Morrissey à bien des égards, dresse un bilan peu complaisant de son existence, même s'il ne donne pas sa part aux chiens quand il s'agit de distribuer des actes de contrition. ("Used to be a sweet boy /... But something went wrong /... And I know I can't be to blame...") énonce-t-il dans la bien nommée "Used to be a sweet boy", après avoir réglé leur compte à ses principaux détracteurs et amitiés déçues ("The more you ignore me, the closer I get"), avec cette assertion terrible "I bear more grudges than lonely high court judges", ainsi qu'à l'industrie musicale ("Why don't you fiund out for yourself") où le beau ténébreux nous dit avoir tant de fois été poignardé dans le dos qu'il n'en a plus de peau. L'insondable solitude qui s'accommode d'un spleen quasi adolescent est aussi évoquée dans "I am Hated for Loving". Et l'amitié même est sujette à caution dans le magnifique "Hold on to your friends", l'un des plus imparables singles du Moz qui a la bonne idée de recycler l'outro du merveilleux "Pretty girls make graves" d'antan. Bref, tout va mal jusqu'à la figure picturale que dresse le Moz dans "Lifeguard sleeping, girl drowning", où la fatalité rattrape son héroïne - métaphore du destin discographique de l'artiste, immanquablement jeté de toutes ses maisons de disques ? C'est en tout cas ce que murmure le dégingandé dans un souffle John Calien (cf"Antarctica starts here") pour ce qui est l'un des sommets d'un disque, par ailleurs sans aucune faiblesse et remarquable d'intensité de bout à l'autre. D'ailleurs, dès "Now My Heart Is Full", la messe est dite, et on comprend que Morrissey a besoin de déballer, de tourner la page. 
 
Cela a toujours été sa marque de fabrique ; mais là où ce 4ème effort solo se distingue des autres longs formats, c'est par une musicalité nouvellement affirmée. Il aura souvent été reproché à juste titre, aux accompagnateurs et co-compositeurs de Morrissey de manquer de nuance, de bourrinner leurs riffs - à cet égard Your Arsenal (1992), le précédent ne faisait pas dans la dentelle. Cette fois-ci, Morrissey, définitivement orphelin de Johnny Marr et ses compositions marquantes, remet le couvert : "Spring-Heeled Jim", pleine de morgue et bâtie autour d'une séduisante mélodie en boucle répond à la mélancolique "Now My Heart Is Full". "Billy Budd" est un rocker trépidant, à la rythmique efficace, où la guitare a le bon goût de ne pas être trop mixée en avant. Arpèges en demi-teinte sur les primesautiers "I Am Hated for Loving" et "Used To Be A Sweetboy", empreints d'un classicisme de bon aloi, et qui précèdent cet étonnant "Lifeguard Sleeping, Girl Drowning", sur laquelle Morrissey fait montre de ses talents de vocaliste, seul domaine avec les textes dans lequel l'homme aux glaieuls n'aura jamais été pris en défaut. 
 
 
 En bref : de loin le meilleur disque du Moz en solo. Qui tout en durcissant le son, sait retrouver le meilleur des arpèges merveilleux et de la magie pop de son légendaire groupe ! Et malgré la mélancolie et la colère, ça n'est plus Viva Hate mais bien Viva Morrissey. 
 
 
 
 
 
 Spring-Heeled Jim :
 

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13 février 2010

These New Puritains - Hidden (2010)

Avant même de penser à entamer cette chronique, je n’étais pas au courant que toute la blogosphère s’était déjà battue à son sujet. Je souhaitais juste donner une deuxième chance à un groupe que je sentais prometteur mais dont je n’avais pas trop aimé le premier disque (Beat Pyramid en 2008). Et le moins que l’on puisse dire c’est que j’ai été bien vite captivé. Il y a donc deux écoles, Beauvallet et ses Inrocks d’un côté, pour qui le Hidden est "secouant" et "immense", et Magic de l’autre, qui le trouve "ennuyeux" et "prétentieux". Personnellement, et dans un premier temps fort dérouté, je dois dire que je ne suis pas resté insensible à quelques morceaux, mais que oui, c’est boursouflé de partout, parfois lourd et souvent glauque. Mais qu’est-ce que c’est audacieux quand même !

Quand on parle de These New Puritains, il faudrait en fait simplement parler de Jack Barnett. Certains voient déjà en lui un "démiurge", lui qui pourtant "ne veut faire que de la pop". Presque tout seul aux commandes de cette machine mutante, il dit aussi ne pas aimer le rock contemporain. Il compose, puis enregistre séparément cordes, cuivres, groupe (quand même) et passe des heures à assembler le tout, seul. Cela sonne parfois jazz, comme sur "Hologram", parfois très orchestral comme sur le mal choisi premier single "We want war". Martial, ultra-conquérant par ses violons, on croirait entendre le Massive Attack des heures sombres.


Mais ce que préfère Jack, c’est le vieux R’n’b. "Attack music" en ce sens est un petit sommet de son hybride. A la fois hip-hop, indus, électro et rock. La production donnée par Dave Cooley est énorme, et la cavalerie arty est sortie. On se trouve face à un magma bouillonnant, un mastodonte de percussions, pour une musique qui se veut selon Jack "très personnelle". Et "Thee thousand", ce riff entendu 1000 fois (Dj Shadow ?), cette voix exempte de tout sentiment, ce flow hip-hop, quelle efficacité. C’est putassier si vous voulez, mais alors ça marche grave. Bien plus éprouvant pour les nerfs, vous avez "Fire power", presque inécoutable. Certains ont parlé de "bouillie post-moderne". Le reste est encore très déroutant, à base de chœurs d’enfants et de tambours japonais, puis d’un coup, d’un simple piano ("Orion", épique au possible). Cela me fait penser à Luke Steele qui avec son One Was A Spider One Was A Bird transforma un projet très intime en une foire foraine musicale. C’est mon seul reproche, en avoir fait un peu trop.

En bref : concept album épique et malsain de pop expérimentale mais accessible, Hidden est un disque complexe qu’il faut je pense avoir écouté au moins une fois cette année.




Le Myspace


Acheter  Hidden chez l'International Records

A lire aussi : The Young Gods - Only Heaven (1995) (ce que j’ai trouvé de plus proche sur le site)

Mangez "Attack music" et "Thee thousand" dans vos oreilles, les deux bombes noires de ce Hidden :




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11 février 2010

Mount McKinley - Evasion Ep (2010)

Attention, coup de coeur instantané. Il ne m’a pas fallu longtemps pour sombrer dans l’univers de Mount McKinley, duo minimaliste en provenance de Summit, New Jersey. C’était déjà là-bas que l’on avait trouvé les formidables Real Estate, et dans le même élan "chillwave", le chanteur/guitariste Dylan White et le batteur Joe Bland tapent assez fort, c’est le moins que l’on puisse dire. Encore non-signés, à peine repérés par quelques blogueurs undergrounds US, les deux amis qui répètent ensembles depuis trois ans dans la cave désaffectée et froide de Dylan sortent ce premier Ep accompagné de quelques autres titres. Enfin "sortent" c’est un bien grand mot puisque le disque n’existe pas encore en physique, et que tout est encore gratuit, magie du web. Le résultat est incroyable, tout en étant sobre et rapidement addictif.

Un mouvement nouveau est en marche. Certains n’hésitent même plus avant de parler de glo-fi, de dream beat, et comble du comble, de blog rock tant le genre est poussé par cette nouvelle blogosphère indée. Pourtant si on écoute un minimum on se remémore forcément des morceaux comme "Sometimes" de My Bloody Valentine. Le même fuzz ambiant, les distorsions qui n’en finissent plus, la voix cotonneuse au possible. Mais l’esprit lui est nouveau. Une autre génération surtout.

Sur cet Ep, Mount McKinley (aussi sommets jumeaux et Parc National en Alaska) démarre très fort avec 11 min de "Mammores" définitivement perchées. Ont sent que les deux hommes ont travaillé en jam sessions à peine enjolivées de quelques couches d’effets. "Cool waves" on la connait, c’est celle qui figurait sur la compilation Delicious Scopitone dont je vous avais parlé, et c’est un pur morceau de pop droguée, ça balance, ça avance, ça envoie. Et puis ça paradoxe à tout-va. "The beach", quel titre pour ce morceau de winter-music. Et la pochette (officielle ?) qui me rappelle à celle d’un autre groupe de la branche, Wavves. Quand on sait que leurs deux meilleurs morceaux, "Rainsand" et "In the dark" (EN-OR-MES) ne sont mêmes pas présents sur cet Ep, on ne doute pas de l’avenir d’un tel groupe.

En bref : 25min ultra prometteuses, en plein dans l’air du (bon) temps, par un tout petit groupe amené à tutoyer les sommets.



Le Myspace

A lire aussi : Real Estate - S/t (2009)
"Rainsand" , "In the dark" et "The beach" à écouter et déguster :












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House of House - Rushing To Paradise (2009)

Le rythme de publication de Dodb n’étant pas assez élevé pour traiter correctement de la foisonnante actualité électronique, il devient presque absurde de consacrer une chronique entière à un maxi, alors qu’il en paraît des centaines chaque mois. Il s’agit donc de choisir, outre quelques coups de cœur inexplicables, quelques-uns des EPs les plus emblématiques, de procéder à un écrémage géant pour ne conserver que la substantifique moelle. En 2009, l’un de ces disques un peu plus importants que la moyenne fut Rushing to Paradise, première sortie des New Yorkais de House of House.

Pas de tromperie sur la marchandise, c’est bien de pure house qu’il s’agit ici. Le morceau (car seul nous intéresse le morceau-titre, en face A) a même quelque chose de foncièrement caricatural, tant il utilise tous les fondamentaux du genre sans aucune retenue. Comme si Saheer Umar et Olivier "Liv" Spencer avaient voulu produire l’ultime track house, le Graal des clubeurs, en se vautrant dans l’outrance. Et c’est vrai que l’écoeurement n’est pas loin. Mais peu importe, qui aime la musique house leur pardonnera aisément ces excès tant "Rushing to Paradise (Walkin' These Streets)" est enthousiasmant, festif et culotté.

En réalité, une seule chose me gêne dans ce morceau : cette voix masculine excessivement putassière (celle de Saheer Umar) qui vient gâcher le meilleur moment, vers la neuvième minute - l’ensemble en dure treize! Sans cette voix, j’aurais tenu là, haut la main, mon morceau house favori de l’année dernière. Car en dehors de cette faute de goût, facilement corrigible par un edit bien senti, c’est un rêve éveillé que le binôme offre à la fois aux amateurs de disco-garage à l’ancienne, mais aussi de deep-house : au terme de sept minutes de montée profonde, le piano s’emballe et claque un riff old-school imparable, tandis qu'un énorme clap fait son apparition.

Choeurs d'enfants, relents africains, solo de piano lyrique: House of House réveille le côté viscéralement théâtral de la house nord-américaine, celui qui animait les exclus noirs et latinos, majoritairement gays, qui ont bâti cette musique. New York s'est trouvé de nouveaux héros!

A noter : la face B de la première édition est affreuse et a disparu sur le repressage du disque au profit d’un edit de "Rushing…" par DJ Harvey.

En bref : Une brillante épopée house de 13 minutes qui ravive la folie des dancefloors new yorkais des années 1980. Même les atroces parties vocales de la fin du morceau ne peuvent m’empêcher d’adorer.



"Rushing to Paradise" (amputée de 3 minutes pour les besoins du formatage YouTube) :



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10 février 2010

Rene Breitbarth - Soul Bytes (2010)

Le co-fondateur du label de techno minimale Treibstoff a décidé, en septembre 2008, de créer Deep Data pour placer ses productions les plus housey. Uniquement disponibles en version digitale pour le moment, ces petites perles pourraient être compilées sur vinyle dans un avenir proche. Devenu Berlinois, comme tant d’autres, Rene Breitbarth vient de Cologne, et ça se sent. Si son approche reste globalement minimaliste, son mélange très mélodique de techno et de house évoque davantage celui des pensionnaires historiques de Kompakt que celui des résidents du Panorama Bar.

"Bit’n'soul" est la plus posée, la plus laid back du lot. De petites touches de clavier traversent l’espace comme des nuages moutonnants. La rythmique est en sourdine. Une voix grave et filtrée amorce un semblant de monologue. C’est presque du Theo Parrish – j’y décèle en tout cas la même monotonie enchanteresse. Changement de cap avec "Reel," dont le beat plus appuyé s’acoquine avec deux notes de basse tout droit tirées de "Papa was a rolling stone". Sur ce titre comme sur le reste de l’EP, les influences de la musique noire américaine sont évidentes. A l’instar de son compatriote Jackmate (alias Soulphiction), Breitbarth recycle certains éléments marquants de la Blaxploitation avec une attention particulière pour les basses, qu’il préfère chaudes et dodues.

Sur les 4 titres, ma préférence va à "Soul Time", avec le côté french touch, presque niais, de sa mélodie, et le retour de cette étrange voix déjà entendue sur "Bit n’soul". La production reste assez basique, plutôt répétitive, ce qui n'empêche pas cette house sans chichi d'exercer un charme certain. Le groove limpide de "Widescreen" complète un bien bel EP, pas tape-à-l’œil pour un sou, mais suffisamment envoûtant pour être cité sur ces pages.

En bref : l’habituellement très minimal Rene Breitbarth a plus d’une corde à son arc, comme le prouve cet EP house simple mais classieux, digne hommage aux héros de la musique noire américaine d’hier et d’aujourd’hui.




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09 février 2010

Visions Of Trees - Sometimes It Kills Ep (2010)

De l’autre côté de l’Atlantique aussi, certains labels se sortent les doigts pour dénicher des perles rares. Je pense à l’Américain Royal Rhino Flying Records qui a eu écho on ne sait comment de ce duo pourtant Londonien. L’univers de Sara Atalar et Joni Juden ne ressemble à rien d’autre. Enfin si un peu quand même. Les anciens croiront voir renaître la grande Fraser Elizabeth des défunts Cocteau Twins, forcément, alors que les plus jeunes ne pourront comparer qu’avec Bat For Lashes. On pense à des morceaux comme à "Joshua & the bat" ou "Sleep alone" à l’écoute de ces quatre titres (oui ça n’est qu’un maxi) aux étranges textures électroniques. L’écoute au casque (indispensable) apporte ainsi cet effet "massage" de cerveau ou encore ce côté "ça arrive de tous les côtés et je ne sais pas à quoi m’accrocher". Seule la voix permet de garder un pied sur terre, alors que le reste nous fait survoler d’étranges paysages tropicaux synthétiques (qui a dit Pandora ?).

Ouvrant sur l’éponyme "Sometimes it kills", Visons Of Trees surprend dès les premières secondes. Comme si les suédois de The Concretes avaient ralenti le rythme et utilisé pédales et samples. La voix encore une fois peut évoquer d’autres groupes plus modernes, des intéressants School Of Seven Bells, jusqu’aux mauvais Telepathe. Le deuxième morceau, "Cult of cobras" hausse encore plus le niveau. Complètement cheesy, inspiré très rapidement de la synth pop des 80’s, il insuffle un air disco sous des atours laid back. Complètement envoûtant. "Waves they crash", présent sur la superbe compilation autour des vagues de Delicious Scopitone (le mot "wave" dans chaque titre), est une immense invitation flottante au chill. C’est la plus longue aussi. Enfin, "Solid rainbows", plus joyeuse ouvre vers plus d’espoir avec une utilisation judicieuse des percussions, pour le même effet hypnotique que les précédents morceaux.

En bref : en quatre titres seulement Visions Of Trees s’impose comme LE duo à surveiller dans le registre pop électronique opiacé.




Leur Myspace

A lire aussi : School Of Seven Bells - Alipinisms (2008)

"Cult of cobras" :


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08 février 2010

Interview - Tom Caruana, (Wu-Tang Vs Beatles, Enter The Magical Mystery Chambers)


Il est l’une des nouvelles célébrités musicales de ce début d’année grâce à son incroyable disque remixant le Wu-Tang et les Beatles et il a accepté de répondre à nos questions. Tom Caruana, producteur, rappeur et multi-instrumentaliste Anglais s’étonne ainsi du succès de cet étrange medley, et nous parle de ses projets à venir, dans la plus grande simplicité. Entretien.

Bonjour Tom. T’attendais-tu à un tel succès avec Enter The Magical Mystery Chambers ou est-ce que tu l’as juste réalisé pour le fun ?

Au début pour moi c’était juste pour le plaisir, chercher de vieux samples des Beatles, des acapellas du Wu-Tang, et les mettre ensembles. J’adore ces deux groupes donc c’était une chance d’explorer profondément leur musique. Je ne m’attendais vraiment pas à un tel succès, mais j’espérais quand même une plus grande popularité que mes précédents projets. J’avais surtout envie de créer, et au début je comptais simplement remixer du Wu-Tang avant de penser y rajouter du Beatles.

Combien de temps cela t’as pris pour réaliser Enter The Magical Mystery Chambers ?

Au tout pour tout cela m’a pris 2 mois et demi. J’ai passé les deux premiers mois à chercher les samples, les acapellas et à faire le mix, et les deux dernières semaines à terminer le mixage, à placer les titres en séquence et à ajouter le spoken word.

Est-ce que le Wu-Tang et les ayants droits des Bealtes étaient au courant du projet ? N’y a-t-il pas des problèmes légaux à utiliser ce matériel ?

Non ils n’étaient pas au courant. Je n’avais jamais imaginé combien ce projet récolterait de communication, je pensais simplement le faire pour les amis de ma mailing-list habituelle (quelques centaines de personnes). Je ne sais pas s’ils me contacteront pour que je l’enlève de la toile, mais vu que c’est un projet gratuit j’espère que cela ne les dérangera pas.

Est-ce que Enter The Magical Mystery Chambers sortira en support physique un jour ? En vinyle ?

J’aimerais bien. J’adorerais le voir en vinyle ! Mais à priori cela n’arrivera pas puisque ce serait étrange de toucher de l’argent pour des musiques dont je n’ai pas les droits. Ce serait difficile d’obtenir les droits de tous ces samples, même si beaucoup d’entre eux sont des reprises.

Comment as-tu construit les morceaux ? Les Beatles en premier ? Le Wu-Tang en premier ?

Je suis toujours parti des acapellas du Wu-Tang, afin d’avoir le bon tempo, d’ajouter quelques percussions, et ensuite essayer avec différents samples. Ensuite une fois que je trouve le bon sample, les percussions évoluent pour coller avec.

Qu’est-ce que tu préfères, remixer, chanter, jouer d’un instrument ?

J’ai toujours aimé faire plein de choses différentes en musique. Je m’ennuie à faire trop longtemps la même chose. Mais je dois dire que remixer est très plaisant et peut être instantanément satisfaisant, mais que cela finit par être assez limité car il faut toujours que cela colle avec les chants.


Ta nouvelle célébrité a certainement du amener quelques gens à écouter tes anciennes réalisations comme Welcome Aboard. Que peux-tu dire à ce sujet ?

Mes anciennes réalisations solo sont assez différentes de mes projets de remix. Pour être honnête, je ne m’attends pas à ce que tout le monde apprécie. J’aime également construire des chansons entièrement par moi-même, parce que parfois collaborer peut être très difficile. J’ai fait un album avec Grand Agent (ndlr : MC de Philadelphie) récemment, je lui ai envoyé quelques beats, il m’a envoyé quelques paroles chantées, et ensuite j’ai mixé le beat autour de ses paroles. C’était une manière très agréable de travailler vu que je pouvais travailler en restant chez moi, sans avoir quelqu’un du studio pour me dire de changer ceci ou cela.

Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

Je vais réaliser une poignée d’autres remix, j’en ai un de J-Live (ndlr : un MC New-Yorkais) que j’ai commencé avant que Mystery Chambers ne sorte. J’ai aussi d’autres projets qui sont en cours depuis un moment et que j’aimerais finir. Cela inclut notamment Bombadeal, un album concept autour d’une forêt mystique, The Eclectic Maybe Band qui est une de mes productions avec différents chanteurs, et enfin Klondike Kids qui est un projet instrumental avec Dutch Courage (ndlr : un folkeux du Wisconsin).

Question difficile, préfères-tu le hip-hop ou la pop ?

J’écoute beaucoup plus de musique non hip-hop que de hip-hop. Il y a plein de hip-hop que j’apprécie, mais les années 60 et 70 me conviennent mieux.

Sans aucune objectivité, quels sont tes 5 albums préférés de tous les temps ?

C’est toujours une question difficile, j’ai au moins une centaine d’albums préférés, mais essayons :

Songs Of Innocence - David Axelrod
Songs In The Key Of Life - Stevie Wonder
The White Album - The Beatles
There's A Riot Going On - Sly and the Family Stone
Mother Natures Son - Ramsey Lewis


Son Myspace

A lire aussi : Tom Caruana - Wu-Tang Vs The Beatles, Enter The Magical Mystery Chambers (2010)

"Sea of tea" et "Something to remember", deux anciennes réalisations hip-hop de Tom :




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05 février 2010

Yeasayer - All Hour Cymbals (2007) - Odd Blood (2010)


Comme je l’avais fait pour Elvis Perkins et The Dodos, je me fends d’une double chronique pour rattraper notre retard sur une énième formation Brooklynienne. Plus important encore, cet exercice a le mérite de constater l’évolution, de pratiquer la comparaison, voir même de souligner l’amnésie collective dont semblent faire preuve mes collègues. Yeasayer serait le buzz de 2010, soit. Mais on oublie trop vite qu’il l’a déjà été en 2007, et selon moi pour de bien meilleures raisons. Plantons rapidement le décor, Yeasayer ce sont quatre personnalités apparemment adorables, d’une grande simplicité parait-il, qui pratiquent comme on l’a dit un rock expérimental imprévisible et sans frontières. Tous comme les inévitables Animal Collective ou TV On The Radio, Anand Wilder, Chris Keating, Ira Wolftuton et Luke Fasano construisent un univers sonore très riche, entre pulsations électroniques et envolées électriques. Un nombre de couches improbable, des harmonies vocales sur le fil du rasoir, des nappes de claviers synthétiques, c’est un peu tout cela que l’on retrouve chez Yeasayer, l’effet world music à la sauce pop en plus. Brian Eno et autres Talking Heads avaient été les premières influences revendiquées, à présent l’on parle de Depeche Mode ou Of Montreal, ok, mais qu’en est-il réellement de ces deux albums ?

Pour le premier, les nouveaux New-Yorkais avaient fait très fort, avec le recul. Sous une pochette énigmatique, ils livraient un disque court (11 petits titres), plein de nuances, et surtout porteur de cet effet "feu de camp", pysché folk comme on dit. La première face, déroutante au possible, était la plus intéressante. "Sunrise" ou l’introduction parfaite à un univers qui pointe vers l’Afrique, "Wait for the summer" ou le gospel tribal moderne, puis l’un des irrésistibles single de l’année, "2080". Avec un petit effet "Roscoe" de Midlake (dont on attend impatiemment la chronique du dernier album par Fabien), Yeasayer assoit définitivement son style new age. L’interlude Fleet Foxesien "Ah, weir" et "No need to worry" (Merci Freddy Mercury) continuent de marquer l’identité d’un groupe vraiment varié. Même Black Sabbath est rappelé sur le surproduit (ou pas ?) "Wait for the wintertime". Malheureusement les derniers titres sont plus faibles, et donnent une impression désagréable de redescente en bad trip. C’est dommage.

Cette année c’est Odd Blood qui débarque, et nombreux sont ceux à en avoir déjà fait leur disque de l’année. La pochette s’est encore plus enlaidie, et le format (10 titres) ne s’est pas rallongé. Le groupe reprend là où il s’était arrêté, dans la même apesanteur futuriste et sucrée, et parait-il à la recherche de plus de cohérence. L’orchestration est une nouvelle fois très ambitieuse, certes, mais je ne retrouve pas le côté épique ou dansant que certains encensent. Je trouve même ce Odd Blood très lent. "The children" en ouverture par exemple n’est pas ce qui se fait de plus fédérateur, et je ne parle pas de "Love me girl" qui sous ses apparences proprettes ne fait penser qu’à du sous-Prince. Continuons dans le pire, "I remember", sympathique mais sans plus et "Strange reunions", vraiment très fatigant à force. Sans parler de "Mondegreen" qui remet le kitsch de George Mikael au goût du jour. Alors heureusement, il reste "Madder red" gorgé de guitares et de houhouhou, "Rome" et son groove disco funk, ou encore "One", morceau le plus dansant de l’album. Même "Ambling Alp", équivalent singlesque de "2080" ne remplit pour moi qu’à moitié son contrat. Alors quand j’entends que ce deuxième album est fait de chansons d’été, et que le premier était sombre et lourd à digérer, je ne peux que penser exactement le contraire.

En bref : Yeasayer est un nouveau groupe de néo psyché folk très sympathique et talentueux sur lequel il faudra compter, mais personnellement le virage disco kitsch opéré sur Odd Blood m’a bien moins inspiré que la spontanéité de All Hour Cymbals.




Le site officiel et le Myspace (avec Odd Blood en streaming) et All Hour Cymbals en streaming

"2080" du 1er album en live, et "One" issu du 2ème :




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02 février 2010

Arctic Monkeys - Concert à la Médoquine de Bordeaux le 30/01/10


J’ai envie de dire : enfin ! Depuis le temps que j’écume les festivals estivaux et les salles obscurément sonores, j’étais toujours passé au travers des singes arctiques de Sheffield, tout comme les Strokes d’ailleurs (un jour peut-être ?). Toujours est-il que cette fois-ci je n’allais pas rater le coche et que malgré les inévitables soucis à l’entrée ("Non vous n’avez pas de pass photo") qui me font rater les Mystery Jets (tampis) je suis à l’heure pour voir le rideau de la Médoquine s’ouvrir devant salle comble, soit 3000 personnes. Il est bien loin 2002 et le temps où les Monkeys n’étaient qu’un buzz. Depuis trois albums sont sortis, dont au moins deux qualifiés "de la maturité" si l’on en croit les critiques. Une chose est sûre, on est désormais en face d’une grosse machine, les sept ou huit énormes projecteurs sur scène coûtant au moins aussi cher que le PIB de l’Ouganda (au hasard). L’avant veille à Grenoble, la veille à Rennes et le lendemain à Montpellier, le groupe se fait rare en France. Quatre petites dates c’est un peu juste. Bref.

"Dance little liar". Voilà comment débute le set de la bande à Alex Turner. Pas mal. Et là d’un coup la salle se pare d’une jolie couleur bleue rouge et bim!, "Brianstorm" déboule et enflamme la foule. L’album Favorite Worst Nightmare (le deuxième pour les incultes) est d’ailleurs bien mis à l’honneur, bien plus que le récent Humbug (le troisième) dont on ne retient finalement que "Crying lightning" et "My Propeller". Le premier album est également rappelé pour l’occasion, pour ceux qui l’ont préféré à son successeur (n’est-ce pas Nickx ?). Le concert ne va durer qu’une petite heure et quart, avec 17 morceaux plus deux rappels efficaces : "Fluorescent adolescent" et "505". A noter une reprise osée, le "Red right hand" de notre ami Australien Nick Cave. Voilà pour la fiche technique. Mais quel est le bilan ?

Qu’en est-il du virage Américain et de la nouvelle patte Josh Homme ? On ne la sent pas, tout simplement. Le son ? Massif certes, mais je ne sais pas, pas transcendant non plus. Dans le genre (pop rock en anglais), les Franz Ferdinand se sont montrés bien plus entraînants sur scène par exemple. Niveau relation avec le public on a droit au strict minimum, et je ne parle même pas de la prestation scénique d’Alex Turner qui bouge autant qu'un garde de la famille royale anglaise. Si son corps adolescent n’exprime rien, c’est bien dans sa voix par ailleurs impeccable qu’il faut aller chercher du talent. Ses collègues Matt Helders (rythmique dynamique), Nick O’Malley (basse à fond) et Jamie Cook (riffs hachés) font leur boulot mais sont très loin de surpasser leur ainés. Alors, nouveaux rois de la pop anglaise ? Leçon de rock ? Rien de tout ça à vrai dire, tout juste un show huilé sur des chansons que l’on connait tous, mis en lumière de façon assez violente. Vous l’aurez compris le constat est assez mitigé, bien que correct. Sans doute la faute à des attentes trop importantes que j’avais placées dans un groupe qui finalement n’en est qu'un parmi tant d’autres, juste un peu plus doué dans l’écriture sans doute. La route vers le titre de plus grand groupe rock du monde est encore longue.

Un autre avis chez Muzzart

"Crying Lightning" en live :


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Stereolab - Chemical Chords (2008)

Un nouveau Stereolab est toujours un événement, pour de nombreuses personnes dont votre serviteur. Surtout que celui-là n'est pas vraiment nouveau (!) , et que bien qu'annoncé par mes soins dans DODB à l'époque, ce 10ème album studio avait rejoint la cohorte des "oubliés" d'alors.

Succédant au formidable Margerine Eclipse (2004) , auquel j'avais décerné perso le titre honorifique de "disk of the year", cet opus sorti en pleine chaleur estivale de 2008, est un peu passé à l'as alors qu'il mérite une réévaluation certaine.

Oh, certes rien de nouveau sous le soleil de nos laborantins franco-britanniques : Laetitia susurre toujours des textes poético-libertaires ("Nous Vous Demandons Pardon") qui font (sou)rire, le gimmick des titres français chantés en anglais (et son contraire) est toujours là, toujours ces percussions soyeuses, cette basse élastique et Melodynelsonienne, cette palette infiniment attrayante de synthés vintage et leurs sons souples et easy.

Il n'en demeure pas moins que depuis les digressions jazz/samba pénibles des années 97-2000, lorsque le groupe semblait lorgner d'un peu trop près sur les ambiances lounge de son mentor Sean O'Hagan des High Llamas, influence importante si elle en était, mais qui avait fini par phagocyter le son des londoniens, Stereolab avait perdu ce son caractéristique qui était le sien.

Heureusement le groop semble à nouveau privilégier depuis une paire d'albums les sonorités qui ont fait la gloire de son légendaire Emperor Tomato Ketchup (1996) - dont le groupe se targue sur son site qu'il a été élu par Amazon 51ème meilleur album indé de tous les temps, et c'est bien-sûr justifié !

Chemical Chords emprunte au précédent la diversité de l'instrumentation, des tempos et renoue par exemple par le biais du court mais rassérénant instrumental "Pop Molecule" avec ces sons de guitare distordus et évocateurs de l'âge d'or stereolabien. L'ambiance vibra masseur est toujours de mise, avec l'exotique et ravissant "Silver Sands" et ses carillonnantes touches en métal. Même le single "Three Women" lancé assez tôt sur Internet et qui avait laissé votre serviteur de glace (un comble pour un groupe misant sur la chaleur de ses arrangements) fonctionne à nouveau, en distillant un délicieux parfum rétro-kitsch sixties.

Le title-track et ses nappages de cordes caressantes et énamourées constitue aussi l'un des autres grands moments de ce disque très avenant, qu'il convient de classer au rang de bon cru de Stereolab de la décennie achevée.



En bref : le groop annonce via son site qu'il va s'octroyer un break après plus de 20 ans de production ininterrompue d'albums, EP et autres maxis ; il sera donc opportun de se repencher sur sa discographie touffue et passionnante ! Par le biais notamment de ce disque testament, moins anodin qu'il n'y paraîtrait à la première écoute !



le site officiel
et le Myspace

"Silver Sands" en live :



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