23 juillet 2007

Laurie Anderson - O Superman (1981/2007)

C'est parmi les disques de la mère d'un très bon ami à moi que nous avons découvert Laurie Anderson, alors que nous n'avions que quinze ans. Lors de nos vertes journées d'école buissonière, nous passions son disque en boucle sans bien le comprendre, fascinés par le rythme scandaleusement minimaliste d' O Superman (for Massenet).

En fait, nous aimions à tel point ce morceau de 8m 23s. que les autres titres de l'album passaient quasiment à la trappe. Après plusieurs années, je me suis quand même décidé à écouter les huit morceaux de Big Science et à les trouver magnifiques. Nonesuch a d'ailleurs réédité ce premier album il y a tout juste une semaine, après avoir réédité le dit morceau en maxi. Tout ça en prélude au retour de la grande dame de la musique contemporaine, copine de Philip Glass et David Bowie, avec un nouvel album studio, Homeland, pour 2008.

Si O Superman est pour Jules Massenet, c'est parce qu'il reprend le O Souverain du compositeur d'opéra français. Sorti confidentiellement sur 101 records, un minuscule label indé new-yorkais, ce titre se hisse à la deuxième place des charts UK en 1981, grâce au coup de pouce de John Peel, qui passe la version intégrale en boucle sur BBC Radio 1. N°2 des charts ! Pourtant, le motif ultra-répétitif, modelé par la voix filtrée de Laurie Anderson, ne répond pas aux canons du hit. Et le phrasé haché comme celui d'un robot, où chaque syllabe se détache, non plus. Peut-être le succès du morceau est-il simplement dû à son ampleur mélodique, irréelle, ou à l'utilisation futuriste des machines, violons trafiqués, orgues, vocoder ? A moins qu'il ne soit venu du caractère messianique de ses paroles...

"Here come the planes", fameuse phrase-climax de la symphonie, fit d'ailleurs un drôle d'effet aux new-yorkais venus écouter Laurie Anderson quelques jours seulement après le 11 septembre. Comme si on leur projetait, après coup, un rêve prémonitoire.

Morceau inexplicable par essence, poème majestueusement insolite, O Superman reste une de mes pièces sonores préférées. Musique contemporaine? Concrète ? Expérimentale ? Electronique ?... Peu importe quand l'étrangeté atteint ces sommets, quand la musique résiste à ce point à toute tentative d'éclaircissement, lévitant quelque part entre effroi et félicité.

En bref : ce poème expérimental, synthétique et planant est l'un des morceaux essentiels de la musique contemporaine.








Un site sur l'album Big Science
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22 juillet 2007

Garden Nef Party - Angoulême le 21/07/07

Majestueux cirque de nature dominant la ville d'Angoulême, la ferme des Valettes accueille pour une première édition une programmation digne des plus grands. Sur les 17.000 personnes ici ce soir, tout le monde a déjà vibré ces derniers mois sur les sons d'Arcade fire, de Clap yours hands, de Cocorosie, des Klaxons ou de LCD Soundsystem. Le show s'annonce grandiose.



Arrivé pile poil alors que le soleil estival brûle ses derniers rayons, le concert des Klaxons peut commencer. Le son est gigantesque, la scène est magnifique, toute l'assistance est tirée de sa torpeur douceureuse de fin d'après-midi. Les tubes s'enchaînent et viennent assoir une réputation à ces jeunes anglais qui soulèvent jeunes et vieux, rockeurs et clubeurs. Une sacré jeunesse.



Pas de répis puisque ça enchaîne direct sur les new yorkais de Clap your hands say yeah! Après deux albums impeccables, ce club des cinq enflamme un public apparemment très connaisseur, venu en partie pour cette très rare prestation en France. Alec Ounsworth avec son chant si spécial atteint une prestance de grande star du rock, image iconoclaste d'un contraste avec son physique de Gavroche à casquette. Une voix qui pousse si loin et qui arrangue sacrément les foules sur des mélodies proches de la perfection.



Demi teinte en revanche pour Panda Bear, Geologist et Deakon qui forment le trio expérimental des Animal collective. Expérimental peut-être un peu trop pour une deuxième scène qui aurait mérité les faveurs attribuées à la première. Ces dissonances pop résolument modernes ne touchent qu'en partie un public en attente d'autres groupes peut-être plus abordables un soir de festival.



Cocorosie et son petit cercle de fans se portent bien. Pas franchement surexcitant, le folk de nos soeurs Blanca et Sierra s'apprécie allongé dans l'herbe des Valettes, un brin de paille au coin des lèvres. Tez, le beat boxeur fou du groupe, prend le temps d'un morceau perso pour dérouler son flow qui scotche l'audience en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Mais combien sont-ils dans sa bouche? La curiosité passée, le show se termine en douceur mais la fièvre monte.



Jamais je n'avais vu scène comme ça, une douzaine d'instruments répartis sur trois étages, un orgue suspendu, des projections et des néons, beaucoup de néons. Des néons et une bible géante pour déguiser la tournée française de ce Neon Bible tant attendu. Quatre dates en france seulement, le public d'Angoulême est gâté, il va enfin voir de ses propres yeux le phénomène qui ne cesse de faire parler les hautes sphères de la presse concernée comme le cercle de potes au fond de son canapé. Arcade fire en live, je confirme, quelle claque. Grâce à une mise en scène lumineuse et un mur du son constitué de plus de dix convives, cette nouvelle musique atteind des sommets d'énergie positive. Avec un public sous le charme et 100% lié à la cause qui reprend en choeur le refrain de chaque chanson pendant plusieurs minutes lorsque celles ci se terminent, les Arcade fire en seraient presque déroutés mais en ressortent galvanisés. Régine Chassagne surtout, qui caméra à l'épaule passe à la batterie sur un titre d'une puissance phénoménale, saute à l'accordéon, attrape la guitare pendant que Will Butler pose sa voix si pesante. Là encore les tubes du premier et du deuxième album s'enchaînent et déchaînent un public qui comprend peu à peu ce qui est en train de lui arriver et qui ne veut surtout pas redescendre sur terre. Instants magiques tout simplement pour une musique qui ne semble pas prête de s'arrêter. Merci.



Pour clore la soirée, le James Murphy de LCD soundsystem nous rappelle au passage qu'il est l'un des producteurs les plus talentueux de sa génération. Son électro rock sans répis, il secoue l'assistance qui livre ses derniers soubressauts d'énegie. Terriblement efficace, la musique de Murphy claque et jette, en met plein la tête. C'est l'heure de rentrer.
Vous l'aurez compris, grâce à une prestation musclée des Klaxons, le folk psyché fédérateur des Clap your hands et l'orgiaque messe scénique des Arcade Fire, le festival d'Angoulême atteint pour sa première éditon un sommet de musique indépendante en France. Un endroit où il fallait être ce soir.

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21 juillet 2007

The Bees - Sunshine hit me (2002)

Deuxième couche sur le blog pour les anglais décalés de The Bees. Loin des instrument informatisés et de la frénésie londonienne, c'est toujours sur la très productive île de Wight que Paul Butler et Aaron Flectcher nous ressortent tels des élèves studieux tous leurs talents acquis en terme de jazz, de funk, de reggae et de pop. Ces gars là savent tout faire et ont acquis dans l'anonymat le plus total la capacité à pondre des morceaux qui ne ressemblent à aucun autre, pas même entre eux.

Carte postale sonore d'une île lointaine et inconnue où on fait de la musique, de la vraie, ce sont des sons chauds de cuivre et de bois qui font imploser les normes de la musique nord / sud. Car c'est carrément les tropiques qui ressortent de cet enregistrement fait dans le jardin, de ces arrangements minutieux débités sur un ton décalé à un auditeur qui en redemande dès la première écoute. D'une langueur attachante qui part dans tous les sens, une douce tendance générale à la mélancolie émane de ces harmonies vocales à la beach boys, sur un reggae triste et lent ou sur un rythme carnaval.

Sunshine, titre éponyme mêle le jazz et le rock psyché sur un rythme nonchalant presque insolant. A minha menina, reprise des Os Mutantes emporte très loin dans l'harmonie gospel. Deux blancs qui font du roots, 2 titres reggae à la hauteur de ce qui se fait sur le marché, le tout sur des influences pas si pesantes. Le charme tranquille et posé de Punchbag annonce la couleur. Mon champion: Sweet like a champion, sans doute du à l'extrême mélancolie qui s'en dégage. Un morceau comme j'en rêverais, si je l'osais. Ca a l'air si simple, un hamac, un cocktail, l'océan et les abeilles de Wight qui vous enrobent de leurs nappes musicales ensoleillées. Une rareté brute dans un monde qui ne l'est pas moins.





http://www.myspace.com/thebeesofficial


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09 juillet 2007

Neutral Milk Hotel - In the aeroplane over the sea (1998)

Continuant mon pèlerinage au pays vallonné du rock indépendant américain, j'enfourne dans ma platine un disque à la pochette intrigante. Première écoute enthousiasmante, j'accepte ma mission de faire découvrir ce joyau à la fratrie de Babylone. Quelques recherches plus tard je réalise qu'en fait, In the aeroplane over the sea n'est pas du tout une relique oubliée mais bel et bien un album culte du milieu indépendant ayant inspiré la plupart des artistes du moment, d' Arcade fire à Wilco. Raté, je ne serai pas le Christophe Colomb de ce disque. Parlons en un peu quand même.

Membre de l'excellent collectif américain Elephant 6 dont je n'ai pas fini de vous parler au travers de groupes tels que Olivia tremor control ou le récemment médiatisé Of Montréal, c'est l'auteur compositeur interprète Jeff Mangum qui prend les rennes de ce deuxième et dernier album. Leader énigmatique et réservé, dépressif chronique, Jeff Mangum découvre le journal d'Anne Frank et ressort bouleversé par cette évocation de la deuxième guerre mondiale. De là naîtra l'idée et le concept de ce véritable tour de force musical.

Banjo, cornemuse, accordéon, piano, scie musicale, c'est l'armada complète de la pop biscornue qui est mise au service d'un univers fantasmagorique à l'imagination et au mysticisme délirant. Une orchestration majestueuse donc pour des compositions qui fuient le cadre établi mélodie/refrain et préfèrent s'aventurer au plus profonds de thèmes transcendants. La voix de Mangum, attirante ou repoussante, joue tantôt un punk furieux, tantôt un rock primitif, souvent un fuzz folk très lo fi dans ses grésillements et ses hésitations. Car ici ce sont véritablement les bases du folk indé qui sont posées avec le triptyque guitare acoustique/chanteur/instruments divers. Le résultat est un cirque rock impressionnant d'originalité et de bizarreries sonores en tout genre.

L'exemple le plus flagrant est la présence de deux plages instrumentales du plus bel effet, Fool et Untitled, contribuant à distiller avec classe ces évocations sans concession d'un monde de violence onirique et intime. Les deux première plages introductives du disque ne servent pour moi que de faire valoir au titre éponyme qui constitue un titre parfait et une réelle démonstration pour quiconque souhaitant faire de la pop un tantinet psyché aujourd'hui. J'en oublierai presque Oh Comely, ballade si simple avec tant de présence et Two merveilleuse conclusion en forme d'adieu grâce à qui Radiohead n'aurait jamais existé. C'est en fait chaque titre ici qui réinvente et qui grave le marbre de l'indie music à chaque instant.

En bref : Disparu sans laisser de traces, malgré d'excellentes critiques USA et Canada et un fabuleux accueil populaire, la musique de Jeff Mangum (qui revient en solo à la rentrée) reste et restera une référence et une source d'inspiration pour le milieu indépendant. C'est sans doute cela que l'on appelle un chef d'oeuvre.

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Le site du Collectif Elephant 6
Acheter  In the aeroplane over the sea chez l'International Records
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02 juillet 2007

Molecule - In Dub V1.0

C'est comme dans la pub: ça a le goût de Rythm and Sound, ça ressemble à Rythm and Sound mais c'est une pure production française, et ça fait du bien!
Pour son deuxième projet, après "Part of You" (Aktarus/Pias) en 2006, Molecule donne un énorme coup de fouet à la scène dub française. Déja reconnu par les critiques pour "Part Of You", il récidive avec ses acolytes, DJ Suspect aux platines, Webbafied, un MC de New York ou encore les rootsmen Zig Zag et Nemo qui consolident encore plus les titres grâce à leur voix chaudes.
Sur "In Dub V1.0", les influences, multiples et trans-frontalières, se marient au trip hop, au dub, à l'électro et au hip hop pour donner en 15 titres un aperçu du travail et du talent de Molecule. Concoctés, mixés et remixés dans le laboratoire musical parisien de Molécule "At Home", les titres s'enchaînent à merveille. Ils se déclinent sur un même riddim, dans la plus pure tradition roots, mais les featurings donnent à chacun sa saveur particulière.
Les deux titres qui ouvrent l'album, "Baby Girl" feat. Zig Zag et "I Dedicate" feat. Nemo laissent tout simplemenet rêveur et admiratif! Deux titres planant qui nous envoutent et nous entraînent ensuite vers un version dub minimaliste et efficace. Le coeur du disque, entre les titres 4 et 9 étale toutes les inspirations et les influences croisées par Molecule. Hip hop, trip hop, et électro s'entremêlent pour nourrir les mélodies dub qui reviennent en force à la fin du disque. Un très beau projet qui j'espère en appelera d'autres pour convaincre beaucoup d'amateurs que le dub continue son évolution.

Un titre de la compilation "Dubzone 7", du dub en accès libre sur Dubzone.



Du dub au trip hop, il n'y a qu'un pas...




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01 juillet 2007

Interview - Almost (Supra Records)

Au début du mois, je vous parlais de la deuxième sortie du label Supra, combinant un morceau hip-hop de Bunny Wailer, daté de 1982, et deux remixes discoïsants: une confrontation passé/présent astucieuse de la part d'une petite maison fraîchement fondée et fort sympathique. Derrière ce projet, il y a Luc Cartier aka Almost, qui se désigne lui-même comme un "vinyl junkie".

Ce DJ/producteur d'origine niçoise remplaçait la semaine dernière, au pied levé, la légende du hip-hop Marley Marl en première partie du non moins légendaire KRS-one. Rien de moins. Gardant la tête froide, il reste concentré sur la préparation de ses prochaines offensives discographiques, pour son propre plaisir et pour celui de tous les funky boys and girls.


Peux-tu nous présenter l'équipe Supra, et nous raconter ton parcours personnel ?

Pour ce qui est de l'équipe, ça va être rapide, puisque je suis l'homme à tout faire de SUPRA, qui est mon projet. J’ai quand même aussi la chance de pouvoir compter sur les apports de mes proches, producteurs, collectionneurs et musiciens, pour enrichir et faire monter la sauce.
Comme beaucoup, je suis un provincial venu à Paris pour trouver un environnement musical plus funky: j'ai d'abord fait mes armes à Nice, en soirées (depuis 1993, du Hip-hop/AcidJazz à la Disco/Funk/Deep-House) et en créant un shop de disques (Mix it / Colorz), le tout avec mon homeboy Melik (le boss de Dedicace / D classic).
Arrivé à Paris grosso modo en 2000, j'ai eu la chance de bosser longtemps dans la rolls des disquaires, à savoir 12inch, ce qui m'a permis de faire beaucoup de bonnes rencontres qui feront, j’en suis sûr, de bons disques: le MoJo/Blackjoy, la première sortie du label, en est un bon exemple.

Quelles sont les ambitions de ton label ?

La première ambition du label est, très sincèrement et très égoïstement, de me faire plaisir, par exemple en détournant le logo PRISM pour la pochette générique.
Vu le contexte du milieu, je pense que c'est plutôt sain et lucide. J'espére juste que mon experience de DJ, disquaire et vinyl junkie m'aidera à sortir des disques utiles et intéressants pour un public forcemment de plus en plus exigeant. Il est clair que je vais aussi essayer d'atteindre un rythme plus soutenu (1 maxi tous les 2 mois) et donc de dénicher encore de bons morceaux et rencontrer des bêtes de funky dope producers en herbe... Avis aux amateurs !!!

D'où vient cette idée de combiner raretés funky et versions réactualisées sur les maxis Supra?

Elle correspond complétement à mon état d'esprit : old to the new. Je ne voyais pas vraiment l'intérêt de faire un label de réédition, car il en existe beaucoup de très bons.
Mettre un track "nouveau" permet de mettre en perspective le track old-school et peut lui donner encore plus de saveur. Ca m'oblige aussi à sortir des fantasmes musicaux et évite le "c'était mieux avant-isme".
Je trouve qu'il y a en ce moment de très bons producteurs avec qui je partage une même vibe et avec qui j'aimerais vraiment collaborer.

Comment opérez-vous le choix des morceaux que vous rééditez ?

Il n'y a pas de comité de lecture, ni de modus operandi! Je choisis souvent les morceaux dans ma collection, ou dans celles de mes proches.
Les critères possibles seraient : une bombe funky pas forcément rare mais relativement peu connue, qu'un Dj voudra jouer en soirée, ou qu'un addict mettra dans sa collection.
Au niveau des couleurs musicales , c'est là aussi l'arc-en-ciel: je ne me fixe pas de limites même si je reste influencé, voire complètement déterminé par le hip-hop et la musique black en général.

Que nous prépares-tu pour la troisième sortie ?

Je suis bêtement superstitieux, donc pas de noms, mais j'ai plusieurs sorties en préparation: une réédition d'une bombe punk/funk avec un rework d'un autre bon pote producteur, un maxi d'un artiste américain (muchas gracias MySpace), avec un voire deux remixes sur lesquels je bosse, et bien sûr d'autres rééditions old-school/hip-hop/disco bien savoureuses.

Propos recueillis par Dave




Le MySpace de Supra Records






Celui de Blackjoy, qui figurait sur le premier vinyle du label

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