31 décembre 2024

Julian Cope - Friar Tuck (2024)

Qui pour intituler l'un de ses titres "Will Sergeant blues" ? Julian Cope bien sûr qui a plus que bien connu le guitariste de Echo and the Bunnymen. Celui-ci faisait partie de la même valeureuse scène liverpuldienne de la fin des années 70 et jusqu'au milieu des années 80.
L'inénarrable druide auto-proclamé fan de krautrock et de musique psyché nous revient avec son 30 ème album (mais il s'agit peut-être de son 35 ème). Tout en évoluant dans un relatif anonymat car en dehors de ses terres galloises et britanniques dans leur ensemble, personne n'a eu l'heur de s'intéresser ni même de consacrer quelques milliers de signes au géant de Deri lors de la sortie de ce disque sur l'inamovible label Head Heritage

Point de krautrock ici mais une nouvelle oeuvre intemporelle sans chichi ; de belles ballades à la guitare parsemées de wah wah et saupoudrées du Mellotron de rigueur,  un chant assuré et serein bien loin des outrances de ses débuts. Julian Cope ne vieillit pas : la plupart de ces 12 titres auraient pu être enregistrées à l'époque bénie de Peggy Suicide, Jehowahkill ou Interpreter ; le grain reste le même. Combien de disques de cette qualité a-t-on pu écouter même en cette année fertile année 2024. Mais à l'image des tournées désormais dévolues à des festivals de bikers outre-Manche (pour faire vite) de ce personnage fantasque, fécond et ultra-créatif,  la  musique de Julian Cope se mérite.
De l'avis de tous les aventureux qui ont risqué une oreille à ce très dépouillé nouvel album, Friar Tuck qui désigne le Frère et dévoué serviteur de Robin des Bois - le précédent album de 2023 s'intitulait Robin Hood - compte déjà parmi les meilleures oeuvres de l'artiste de ces 20 dernières années.
On retrouve l'appétence pour les mots et jeux d'esprits du Druid dans la simple et belle"Too Freud to rock'n'roll too Jung to die" parée de 4 accords et citation de Brain Donor, l'un des actes musicaux des années 2000 de Julian. La vacharde et speedée "You gotta keep your halfwits about you" lui emboîte le pas. Puis  arrive"Four Jehovahs in a Volvo state",  comme du Stereolab accéléré qui ferait des turlutes à Eno. Introduite par une basse accorte car c'est après tout l'instrument premier de Julian "The dogshow must go on" a des faux airs de "Queen-Mother" de l'excellent 20 Mothers (95), et après ! Le toujours féru d'occultisme, d'histoire et de magie fait une pige du côté de Guillaume le Conquérant sur la magnifique ballade "1066 & all that" - il en a usiné comme ça des dizaines - pas moins. Dans cet album d'une petite quarantaine de minutes et au format idoine quand on sait combien l'artiste a parfois pu se montrer prolixe, seule "Me and the Jews" (la judéité, une marotte de l'artiste) atteint et dépasse même les 7 minutes.
Objet de fascination et de répulsion tendant parfois à l'ambiguïté, la religion est une nouvelle fois au centre d'un disque de Julian Cope. Empreint de paganisme; le disque fait la part belle aux obsessions païennes de notre homme. "Done myself a mischief" est une charmante chanson d'auto-apitoiement non dénuée de dérision qui (presque) clôt un disque revigorant et débarrassé de toute exégèse superflue. Les divagations religieuses de Cope ne sont en effet pas toujours à prendre au sérieux.

Julian Cope, plus que jamais to cope with, signe un nouvel album en apparence badin mais qu'on aurait tort de dédaigner maintenant qu'il a été découvert. Une vraie réussite.

En bref ; le retour en forme du Druide qui dans la plus grande discrétion ajoute néanmoins une nouvelle pierre angulaire à une oeuvre déjà plantureuse. On attend maintenant les concerts.

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29 décembre 2024

Les Mercuriales - Les Choses M'Echappent (2024)

La France a toujours prisé un rapprochement entre pop et littéralité. Les exemples les plus évidents et qui viennent à l'esprit sont ceux de Dashiell Hedayat et plus près de nous le brillant exercice de style signé Michel Houellebecq, celui d'avant l'association avec Jean-Louis Aubert s'entend.

Jean-Pierre Montal est un auteur qui a déjà publié plusieurs romans dont le petit dernier La Face Nord fait aussi écho à ce premier album des Mercuriales.
Les Choses M'Echappent démarrent comme du Léo Ferré millésimé 1970, annonçant le talk-over à venir, reminiscent de la gouaille contestataire d'un Diabologum (fameux groupe toulousain indé des 90's) qui aimait dans un mode noisy déverser aphorismes et digressions vachardes mais hilarantes sur la condition humaine. Avec cette fois ci non pas un Dali mais un Lacan habité qui introduit et débite sur la mort lors d'une conférence. La mort est d'ailleurs présente à tous les étages
 ("Qu'il paraît long ce mois de décembre / Depuis que j'ai lu ton nom dans le journal :15 heures, stricte intimité, Cathédrale Saint-Charles"), mais cette fois-ci avec un background musical qui évoquerait davantage les riches heures d'un Kat Onoma, plus jazz feutré menaçant que noisy métaphysique donc.
Jean-Pierre Montal écrit bien, sans chichis et accompagné d'un aréopage de rock critics (le bassiste Thomas E. Florin, le batteur Sam Ramon), d'un saxophone (Stanislas de Miscault), du multi-instrumentiste Fred Collay (guitare, flûte, orgue) va à l'essentiel. Avec comme but avoué de sonner davantage comme Lou Reed et J.J. Cale que comme Robert Plant ou Freddie Mercury (dixit Montal). Qui ne se départit jamais d'un certain humour ("Je pratique le tir", meilleur morceau du disque) :
 "Je pratique le tir dans un monde usé / Je pressens le pire mais sais m'amuser / Je pratique le tir dans un monde usé / En ligne, je tiens en respect".
Dans un disque où les influences cinématographiques abondent, du Feu Follet et Maurice Ronet dans "Les choses m'échappent"   à l'imper mastic et au feutre Melvilliens de "Je pratique le tir" et du superbe texte de "Trilogie" ("En trois actes, bien souvent tout est dit (...) C'est ainsi que ce maudit rythme ternaire palpite derrière chaque vie"). 

Jamais sentencieux , le style à la fois sardonique et détaché de Jean-Pierre Montal rappelle aussi grandement ceux de Philippe Pigeard et de feu son groupe Tanger pour ce qui est de savoir happer et créer une atmosphère dans de fausses apparentes jams, tout au long de morceaux longs et qui allient beauté textuelle et musicalité roborative : on écoute Les Mercuriales autant qu'on s'envape de sa musique. 
S'il fallait une dernière preuve du bon goût de ce groupe "à la française", ce serait cette relecture dépouillée du remarquable "Dying on the vine " de John Cale jadis enregistré par son auteur dans d'affreux gimmicks de production années 80, et présent ici en bonus track dans son plus simple appareil.

Le disque-essai de l'année,  racé et sans prise de tête. Indéniablement.

En bref : nouvelle tentative (réussie) hexagonale d'un crossover littérature / pop music. Textes marquants et une patte sonore qui rappelle bien de nos artistes chéris d'ici

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22 décembre 2024

Georges Delerue - L'important C'est d'Aimer (1975)

Ce disque (un CD) n'existe que par son inclusion dans un très beau coffret US réalisé par Mondo Vision en 2009 regroupant également le DVD de l'oeuvre magistrale de Zulawski. Jusqu'alors, seule une poignée de thèmes du film dont la fameuse "Ballade dérisoire" était sortie sur un album Barclay compilant des oeuvres de Georges Delerue. Voici enfin réunie la vingtaine de minutes précieuses de musique habillant L'Important C'est d'Aimer

 Georges Delerue ? Sans doute l'un des plus discrets représentants de la riche scène de compositeurs de musiques de films à la française. Une carrière exceptionnelle riche de trois cents oeuvres dont les soundtracks mais pas la plus médiatique ni la plus citée. Une propension sans doute à verser davantage dans la composition classique et orchestrée avec moins d'incursions pop que ses congénères - il y en a dont le mythique "The brain" aux côtés de The American Breed pour Le Cerveau (1969 ) - ce qui explique cette moindre médiatisation. S'il fallait associer Delerue à un autre grand nom, l'on songerait volontiers à Philippe Sarde et notamment à son Barocco sortie à la même époque pour la majesté des arrangements de cordes et de dissonances parfois bienvenues à la Bartok.
Ses climats  inquiétants font la part belle à la tension des films de Delerue: qu'il s'agisse par exemple de la fabuleuse fresque Les Deux Anglaises et Le Continent (1971) de Truffaut ou du  méconnu Comme Un Boomerang (1976) avec Alain Delon contenant en sus des breaks jazz, tout Delerue exsude la sentimentalité. Mais pas au sens mièvre où on pourrait l'entendre : il s'agit au contraire d'une sentimentalité à fleur de peau comme sur le dérangé L'important C'est Daimer. Ou l'histoire d'un beau ténébreux journaliste (Fabio Testi) qui s'éprend d'une actrice de cinéma X (fabuleuse Romy Schneider) et qui au gré des tournages, s'immisce dans sa vie privée qu'elle partage avec un oisif désaxé (convaincant et tourmenté Dutronc) ; et essaie au milieu d'une galerie de personnages frappadingues (Claude Dauphin; Gay Mairesse, le terrifiant Klaus Kinski), de la sauver de sa condition et d'un milieu gangrené par le mal ainsi que la mafia qui la fait souffrir. Et ce faisant, la pousse à son corps défendant dans la fange et l'amoralité de personnages tous plus détraqués les uns que les autres.

Dans ce chaos brillamment exécuté, émerge un thème magnifique de cordes avec de beaux violoncelles majestueux et graves, rapidement interrompu par un marimba et un glissando de timbales qui leur font écho. C'est toute la psyché malade des personnages qui fait corps avec la musique de Georges Delerue. Qu'il s'agisse de la mythique scène de rencontre entre le journaliste et l'acteur psychotique (Kinski) et son amant metteur en scène (grimaçant et méconnu,  Guy Mairesse fabuleux) intitulé par chez nous "Ballade dérisoire" qui a dû plus qu'inspirer le générique de Maigret version Crémer écrit par le très estimable Laurent Petitgirard (les deux thèmes sont très proches), des répétitions théâtrales torturées de Richard III avec timbales, orgue et vibraphone inquiets, de la partouze gargantuesque et ses cordes haletantes saccadées et agressives ("Payback"), tout est à l'avenant. Retenons aussi l'intense "Zimmer's fight" où Zimmer "homosexuel de bonne famille" (sic) personnage de Kinski crée la discorde et fait le coup de poing après une désastreuse représentation théâtrale à grand renfort de vibrations de timbales et d'accords de piano frénétiques.

En 1976, l'Académie des Césars sans doute sous le coup de l'émotion avait décerné pour sa première édition le prix de la meilleure musique au Vieux Fusil de François de Roubaix qui bien sûr avait ses qualités émotionnelles. Nul doute que cette année-là, le sésame aurait du revenir à Georges Delerue au même titre que Romy Schneider légitimement lauréate dans sa catégorie. Pour cette partition sublime et déployant des climats équivoques, faisant intensément corps avec l'intrigue et les personnages du film.


En bref : sans doute le grand oeuvre de l'un de nos plus essentiels musiciens et compositeurs de films. Une oeuvre étouffante mais belle et troublante servant d'écrin au chef d'oeuvre d'Andrzej Zulawski.-

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Top Dodb 2024


C'est l'heure du traditionnel top albums Dodb 2024, ou plutôt DES tops albums puisqu'il n'y a quasiment plus rien en commun entre les 4 chroniqueurs (dont 1 actif). Au final 33 artistes à découvrir ou redécouvrir. Qu'on ne nous dise pas qu'il pas qu'il n'y a plus de musique qui sorte. Et bonne année !


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13 décembre 2024

The The - Ensoulment (2024)

C'est l'un des retours inattendus de 2024. Cela faisait tout de même un quart de siècle qu'on n'avait plus trop de nouvelles de Matt Johnson; même si on savait que l'homme à tout faire de The The n'avait jamais cessé de composer ni de produire de la musique, essentiellement de l'illustration et des musiques de films, souvent sous format numérique et sous le manteau. Or, pour ce qui est de la pertinence du comeback, l'on n'avait pas entendu pareille réussite que celui de My Bloody Valentine dans les années 2010.

Chacun a son The The, celui électronique et post punk des débuts de  Soul Mining (1983) et Infected (1986), celui plus torturé du culte Mind Bomb (1992) ou de l'acclamé Dusk (1993), ces deux derniers qui bénéficiaient en sus de la guitare princière de Johnny Marr, excusez du peu. Nul doute que Ensoulment  soit amené à occuper une place de choix pour les aficionados de ce "groupe" à nul autre pareil.
Résumons l'affaire : c'est un Matt Johnson qui achève à fleur de peau la tournée de Mimd Bomb quand il apprend la mort de son jeune frère Eugène, qui le chavire. Le groupe n'explose pas encore et Matt lui rend d'ailleurs un fort bel hommage avec "Love is stronger than death" sur le très roots et solaire Dusk, ultime moment de grâce médiatique.
Puis les déveines s'enchaînent, la mort rode ; la maman de Matt Johnson ne survit pas au drame familial et s'ensuit un premier hiatus jusqu'à NakedSelf -entre temps sera sorti le remarquable album hommage à Hank Williams Hanky Panky en 1995. NakedSelf construit et écrit en partie avec des épées comme Eric Schermerhorn (guitare) qui a joué avec Bowie et Iggy, engendre une certaine confusion. Quelque peu boudé par la critique l'album pourtant excellent ne résiste pas à la cohabitation tapageuse entre le guitariste et le bassiste Spencer Campbell qui erratique tape sur tout ce qui bouge dès qu'il est contrarié. Epuisé et vidé, en proie aux affres de la paternité, Matt se retire de son  célèbre avatar sur la scène musicale, voyage, écrit et diffuse de la musique essentiellement instrumentale, le parolier roué qu'il est se sentant vidé de toute substance.
La mort, celle du frère aîné responsable de toutes les pochettes du groupe sème les graines d'un retour créatif, celui d'allier à nouveau texte et musique en 2016 ; cela donne "We can't stop what's coming'", nouvelle merveille de single. Des dates sont prévues mais s'ensuit ....la pandémie. Ainsi qu'une intervention sur les cordes vocales du chanteur en toute urgence.

Matt Johnson a donc toujours su tirer de ses blessures matière à chansons formidables. Il remet ainsi le couvert sur ce qui n'est que son 7ème album sous l'entité The The mais qui est un déferlement de refrains, de transitions, de mélodies et de textes tous plus magnifiques les uns que les autres. Certains estampilleront l'oeuvre comme du classic-rock;  à la papa, pas tout à fait folk et même plutôt pop à l'ancienne. C'est un disque très organique et qui grâce soit rendue aux ingénieurs du son, sonne incroyablement ; il est rare que l'on souligne cet aspect mais c'est un fait : Ensoulment (l'âme en anglais, même si l'assonance ensoleillement vient à l'esprit), est un disque lumineux, apaisé et qui même en proie au deuil, ne donne jamais dans le pathos : superbe "Where do we go when we die?", hommage au père décédé à la veille du retour live de The The au Royal Albert Hall. 
Ensoulment n'est pas dénué d'humour ni de distance,  s'offre même encore et toujours des piques bienvenues envers la politique états-unienne et plus généralement des lobbies politiques de ce monde ("Kissing the ring of POTUS", "Cognitive dissident"). Il moque l'art de la séduction virtuelle ("Zen and the art of dating"). Si Matt pleure un âge d'or sur le magnifique single "Some days I drink my coffee by the grave of William Blake", il manie aussi l'auto-dérision (le misérabilisme de son séjour hospitalier sur la pantelante "Linoleum smooth to the stockinged foot"

L'osmose d'un groupe resserré autour notamment du guitariste Barrie Cadogan  (de Little Barrie, anciens chouchous de la scène UK) et rehaussé des choeurs de Gillian Glover (fille du bassiste de Deep Purple) transpire à travers ce qui est le disque marquant de cet automne.
Désormais, la grande question sera d'établir laquelle de toutes les chansons sur la mort qu'a écrites Matt Johnson est la plus belle, la plus remuante : la réponse à "PhantomWalls", vibrant hommage maternel de NakedSelf pourrait bien se trouver sous les arpèges majestueux de "Where do we go when we die".

En bref : le retour en grâce de l'un des derniers grands songwriters anglais. Un splendide recueil de chansons pop boisées comptant d'ores et déjà parmi ce que Matt Johnson a fait de mieux.

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07 décembre 2024

Daisy Rickman - Howl (2024)

Celle-là, on ne l'a pas vu venir. Un peu comme son compatriote Jim en 2023, Daisy Rickman a publié au cours du printemps un album enchanteur. Qui est cette jeune femme sévissant dans l'anonymat le plus total et publiant à compte d'auteur son deuxième album après un coup d'essai intitulé Donsya A,n Loryow ("Dance to the moons" NDA) et passé complètement sous les radars ?
Une multi-artiste que l'on peut dépeindre comme pastorale, hippie autodidacte, peignant ses propres pochettes et versée dans l'ésotérisme le plus radical. Qui affole déjà la hype et ses compteurs ; ses deux disques déjà réédités après des tirages confidentiels à 300 exemplaires, s'échangeant à prix d'or sur le Net.

Daisy Rickman vient de Mousehole dans les Cornouailles, vit encore chez ses parents et après des débuts que l'on devine communautaires au sein des folkeux Broadside Hacks (?), décide d'embrasser seule une carrière solo, placée sous le signe de l'isolement post-pandémique et des éléments dont son plus emblématique : le Soleil. Qui ici n'a rien d'une étoile noire en fin de vie puisqu'il irradie sur pas moins de la moitié des titres qui l'invoquent - "howl" en cornouaillais dans le texte désigne en effet le soleil. Nous nous trouvons ici face à un album qui au-delà de l'oecuménique scène folk de la terre de Daisy Rickman, n'est pas sans évoquer les obsessions culturelles et mythologiques d'une PJ Harvey dédiant un album entier (I Inside The Old Year Dying en 2023) aux  cultures du Dorset dans leur dialecte local. A écouter en lisant Signé Olrik, la concomitante aventure de Blake &Mortimer donc.
Eprise de folk anglaise historique, il ne fut pas étonnant de voir Daisy Rickman frayer aux côtés du mythique guitariste de Suede Bernard Butler, pour un tribute à la gloire de Bert Jansch. Comment en effet ne pas imaginer la jeune femme toute de robes immaculées et de toges vêtue ne pas vouer un culte à la riche scène du début des années 70, celle des essentiels Fairport Convention , Steeleye Span, Pentangle ou autres Curved Air.
Toutes les chansons de Howl sont comme des mantras ; "Howl" le morceau-titre consistant par exemple en une boucle de sitar : guitares en bourdons accordées très bas - la figure tutélaire de Nick Drake est évidemment également omniprésente ("Bleujen an howl", "Omlesa", "Howlsedhesow") - on pense à Nico un peu ("Falling through the rising sun", à Karen Dalton, à Vashti Bunyan (sans le côté bêlant) ; mais à la vérité le timbre grave de Daisy et son style s'apparentent davantage à ceux de Sibylle Baier, géniale chanteuse culte d'ascendance allemande découverte à l'orée des années 2000.
Oeuvre sans label, Howl  donne à entendre de la guitare 12 cordes, du sitar, du violon, de l'accordéon, de la contrebasse, du banjo, du bouzouki, de la clarinette, du violoncelle, des synthés et même de la batterie sur un titre (l'hypnotique "Winter solstice") ; tous ces instruments sont exécutées par un elfe des Cornouailles.

En véritable concurrente de Sun Ra sur son thème de prédilection, Daisy Rickman réentrouvre l'âge d'or d'une pop introvertie qui telle celle émanant du celtique John Martyn ou de son frère d'armes Nick Drake, n'en oublie non plus pas d'être lumineuse.
L'auto-production à son zénith pour une artiste qui se mérite et est d'ores et déjà appelée à devenir culte.

En bref  : on ne fera pas plus astral ou plus folk dans son recueillement que le Howl de Daisy Rickman en 2024. Tendrement recommandé à la communauté elfique de Lord Of The Rings. Et pas seulement.



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17 novembre 2024

Michel Colombier - L'Héritier (1973)

Dire que l'on est obsédé par les deux principaux thèmes de ce magistral soundtrack relève de l'euphémisme. 
Début années 70, Philippe Labro et Michel Colombier qui ont à peu près le même âge, sont obsédés de culture US (jeans pattes d'eph, gros ceinturons, appétence pour la pop et le prog) et se rencontrent. Les deux hommes qui ont tout en commun et resteront proches jusqu'au décès de Colombier même après de longues années sans plus se côtoyer physiquement, ne communiqueront toujours que par vouvoiement, aussi surprenant que cela puisse paraître. Labro déjà journaliste, parolier et auteur en vogue s'est déjà frotté à la mise en scène dans une veine polar politicard (Sans Mobile Apparent en 1971) et dans la décennie balbutiante va nouer une relation étroite avec le claviériste-musicien-arrangeur-producteur de tant de merveilles pop frenchy sixties.

Il y a aura L'Héritier  bien sûr, Tarot qui occupe la deuxième face de ce disque (on y revient), Le Hasard Et La Violence et L'Alpagueur (1976)notamment, l'autre grande réussite du musicien dans la musique de film. Mais revenons à L'Héritier dont le personnage, sorte de proto-Largo Winch (ses auteurs ont dû plus que s'en inspirer) échoit à un Belmondo qui muscle ici son image, dans un scénario trépidant et dynamique à l'issue inéluctable mais qui aurait totalement déparé en des temps souffreteux car procéduriers à l'extrême : le gentil Bart Cordell use un peu trop de sa virilité et de sa puissance financière pour s'octroyer tous les plaisirs, usant d'une attitude pour le moins phallocrate et brutale envers ses ennemis...mais aussi envers les femmes. Pour servir d'écrin à ce polar haletant, Colombier n'a pas lésiné : le bassiste Jannick Top (Magma) et le musicien de librairie musicale Jean Schulteiss à la batterie, tous deux habitués à collaborer rythmiquement (remarquable partition sur le live de Michel Jonasz au Théâtre de La Ville), Claude Engel autre transfuge de Magma et formidable guitariste ainsi que Michel Colombier lui-même aux claviers.
C'est un déluge de wah wah menaçante, de ruptures et contretemps rythmiques parsemés de syncopes haletantes et la présence d'une section cuivres straight. Ici pas de doute, la France tient son pendant de Lalo Schiffrin, musicien auquel le génial lyonnais fait d'évidence penser. D'ailleurs, le rythme du film, les courses-poursuites, l'épilogue décliné sous quatre angles différents au ralenti sont à l'avenant.
La bande-son est ainsi une réussite totale qui concourt pour beaucoup à faire perdurer la fascination que l'on peut avoir pour un film tout de même très ancré dans son époque et parfois même dispendieux en effets de manche ; Labro lui-même le reconnaîtra.
Mais on le sait, une bande-son sous format disque a ceci de particulier qu'elle peut ouvrir outre les thèmes principaux, une flopée de thèmes non entendus dans le film - ce n'est pas le cas ici hélas et on y revient en 2) ou bien le corollaire, oublier de faire figurer sur le support enregistré moult thèmes ou inserts qui n'eurent pas déparé bien au contraire.
L'Hériter sous format trente-trois tours tutoie à peine les 12' et se voit compléter en face B par la bande-son plutôt médiocre de Tarot. Il eût été plus judicieux d'y adjoindre un certain nombre d'inserts tous plus passionnants les uns que les autres ; ce que l'excellente collection Ecoutez Le Cinéma (n°25) avait su faire pour L'Alpagueur qui n'existait originellement que sous la forme d'un 45 tours.
Les fans en 2013 ont espéré très fort une édition-anniversaire comme on dit enhanced, qui aurait pu s'enrichir et se découper comme suit :
- "J'emmerde la régie finale" asséné par Jean Desailly ne nécessitant que 5" 
- "Brayen enquête": 20'' de 8'55'' à 9'15''
- "Pré-conférence dans le train" : 13" de 14"55"" à 15'08""
- "Brayen s'agace"" : 22'' de 15'40'' à 16'02''
- "Les fantasmes de Lisa" 1'3'' de 19' 17'' à 20' 20''
-  "Brayen persévère" : 25'' de 25'05'' à 25'30''
-  "Attentat au cimetière" 24'' de 55'20'' à 55'44''
-  "Chez Delmas" : 45'' de 1 05' 10'' à 1 05' 50''
-  "Poursuite vers l'ascenseur tour : 25'' de 1 13' 30'' à 1 13' 55''
-  "Investigations à la villa" :  20''  de 1 18' 20'' à 1 18'40''
-  ''A la roseraie"" 10'' de 1 29' 30'' à 1 29' 40''
-  ''Kidnapping'' 40'' de 1 38'' 17'' à 1 38' 57'', thème répétitif et récurrent où guitare de Engel et clavinet de Colombier se taillent la part du lion.

Telle entreprise tutoierait à peine les 20' mais rendrait assurément justice à la musique de l'un des moins médiatiques de nos metteurs en sons : on peut associer les styles de Legrand, Cosma et de Lai, dresser des ponts entre Garvarentz et Bolling, souligner les analogies des arts de De Roubaix et Magne, admettre une parenté Sarde-Delerue : rien ni personne ne saurait revendiquer le son et le savoir-faire inimitable de Colombier.

En bref : la bande-son rêvée de tout amateur de choses prog pro émanant de la riche scène franco-française des années 70. Qui gagnerait un jour à être rééditée in extenso, enrichie de ses meilleurs moments non inclus dans l'album originel. Le sommet d'un très grand musicien de nos contrées.


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29 octobre 2024

Einstürzende Neubauten - la Cigale (Paris) - 27/10/24



 De retour à la Cigale après une longue pénitence, Einstürzende Neubauten a fière allure avec son leader Blixa Bargeld en Monsieur Loyal décadent, paillettes sur paupières et baderne au vent, Ses fidèles grognards ne sont pas en reste :  Jochen Arbeit qui passe le set assis tire des sons irréels de sa guitare, Alexander Hacke, les jambes en V est arc-bouté sur sa basse comme Dee Dee et bien sûr l'inamovible N.U Unruh encore et toujours dévolu aux percussions et fidèle au patron. Derrière ça martèle et les ustensiles industriels sont de sortie. Solo de caddie, turbines en folie, slinky jouant le rôle de Theremin, assemblages de tubes et d'ondes dignes d'une expo surréaliste à Beaubourg, riffs de perceuse, on en jette encore ?
Dans un set extrêmement généreux de 18 titres en près de 2 heures et deux rappels, les précurseurs métallurgistes berlinois revisitent essentiellement leurs tout derniers albums et notamment Alles In Allem qui pour cause de COVID n'avait pu être défendu - très belle interprétation sobre et touchante du morceau-titre qui déférence oblige et break dans le turmoil, semble moins ambiancer. Qu'à cela ne tienne, le morceau est superbe.
Sinon, une part belle est faite à Rampen... l'excellent Double Yellow en date d'où émergent le fabuleux "Gesundbrunnen", "Besser isses", le très bel hommage au fils transgenre de Blixa ("Seven screws" présent sur l'album précédent) ainsi que "Grazer Damm" ou " Ten grand goldie". Au sujet duquel un Blixa hilare nous apprend que le "Berlin Berlin" que l'on entend dans la chanson n'est rien d'autre qu'une assonance touareg qu'il a samplée...et n'ayant rien à voir avec Berlin !
Il sera également question pèle-mêle d'un duo avorté avec....Patricia Kaas, d'un festival à Vancouver avec...Youssou Ndour et de bien d'autres anecdotes savoureuses.
Après une crise d'inspiration consécutive au départ de son leader des Bad Seeds, Einstürzende Neubauten nous revient en forme étincelante et au sein d'une Cigale surchaufée fait largement le métier.
Wunderbach.


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Einstürzende Neubauten - Rampen (apm: alien pop music)

Il va falloir désormais s'y faire : tout album paru dans les années 2020 est imprégné des aléas et conséquences de la pandémie que l'on sait. Surtout lorsque celui-ci émane d'une formation de 40 ans d'âge qui n'avait pas pour habitude de livrer un album tous les ans.
Le précédent Alles In Allem avait été publié en effet au printemps avant que tout ne bascule  ; et redorait le blason d'un groupe dont la carrière du fait de doubles-albums souvent éreintants, ronronnait depuis une bonne décennie.

Bonne  nouvelle : si la 14ème livraison des berlinois de Blixa Bargeld est à nouveau double, celle-ci tient à nouveau en haleine. Bien moins percussive qu'à son habitude et appuyée par une basse omniprésente (mais ça on avait l'habitude), Rampen...offre des climats variés et apaisés ;  la très minimaliste "Planet umbra" en étant l'une des belles illustrations. Toujours flanqué de son fidèle complice aux percussions N.U Unruh, Blixa distille des ambiances tantôt inquiètes ("Wie lange noch?") ou implorantes (magnifique "Gesundbrunnen") ou revisite le patois local ("Ick wees nich (noch nicht)"). Bargeld s'amuse d'ailleurs à entremêler les sons et les langues, s'y vautre ("The pit of language") au point qu'on ne sait plus parfois dans quelle langue il chante : par exemple le "blümerant'' qui signifie "en fleurs" dans la langue de Goethe et qui est opposé à "bleu mourant" dans "Besser isses".
Conçu principalement comme une oeuvre d'improvisation ce qui a toujours été l'essence de ce groupe hors-normes revendiquant haut et fort les divagations kraut et de Can en particulier, celles du mouvement Dada aussi en tant qu'ex- "Geniale Dilletanten", nombre de ces 15 longues pièces du nouvel album empruntent à divers éléments d'hier, font écho aux oeuvres antérieures telles  "Trilobiten", curieuse histoire de fossile offert à Blixa lors d'une tournée improbable au Canada.

L'édition deluxe du vinyle rend au-delà de sa particularité monochrome un hommage appuyé aux Beatles, éternelle source d'inspiration, reprenant poster et photos séparées des 5 musiciens qui composent les Einstürzende Neubauten du 21ème siècle. Rampen...ou une musique extra-terrestre certes mais terriblement humaine.

En bref : l'album d'après la pandémie des Nouveaux Immeubles Qui Dégringolent. Rasséréné et mélodique. Blixa et les siens n'ont rien perdu de leur superbe.

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23 octobre 2024

The Jesus Lizard - Rack (2024)

Pure, Head, Goat, Liar, Show, Shot, Down, Blue, Bang, Club et aujourd'hui le petit dernier Rack : on ne pourra reprocher aux quatre The Jesus Lizard de manquer de suite dans les idées. Mais le plus important est sans doute d'assister au retour inopiné du groupe fleuron de Chicago des années 90. Revenu cette fois-ci dans son line-up originel car le batteur Mac McNeilly absent du dernier album officiel (Blue - 1998) est revenu au bercail. 

Alors quid de cette 7ème livraison studio ? Où l'on retrouve le quatuor au meilleur de sa forme, un David Yow n'ayant rien perdu de son fiel. Duane Denison est toujours le grand bonhomme de l'escouade et avec l'aide de David Wm. Sims le bassiste (étincelant sur "Lady godiva") il demeure le grand ordonnateur musical des brûlots de The Jesus Lizard. Tout reprend comme si rien ne s'était arrêté et pourtant le monde a bien changé depuis 1998 et Steve Albini le complice et producteur des débuts n'est plus là. Qu'à cela ne tienne,  Duane Denison insinue un solo venimeux plus entendu depuis lurette sur "Armistice day". Et dans la tournée à venir, gageons que les riffs découpés au couteau de "Grind", "Alexis feels sicks" ou "Dunning Kruger" auront leur petit succès. 
Le groupe se permet notamment  LE midtempo qu'est "What if?", sorte de "Mailman" (merveille issue de Shot  qui reste à ce jour leur meilleur album) revisité au ralenti. Ce titre inspiré à Denison par une rencontre fortuite avec une dame dont le destin croisé aurait pu modifier sa vie est l'un des moments forts d'un album sans temps mort. Et si Rack n'offre en définitive que peu de surprises, l'on peu gager sans sourciller qu'une majeure partie de cette nouvelle livraison sera leurs nouveaux "Dancing naked ladies", "Skull of a German" ou "Gladiator" d'hier.
Il n'est certes pas innocent de voir The Jesus Lizard et notamment son mentor en si énergique forme. Rappelons à toutes fins utiles que Duane Denison est le membre du groupe à s'être le plus savamment entretenu durant le long hiatus de son groupe. Collaborations avec Mike Patton (5 livraisons au sein de Tomahawk),  notre homme s'est  aussi offert un ...rack d'effet flambant neuf après avoir jammé et été inspiré par Jack White.

Le magnifique sépia animalier ainsi que les silhouettes de la pochette ne sont pas sans non plus évoquer celle de Liar (1992) l'un de leurs sommets dessinés par l'illustrateur Malcolm Bucknall.
Pas de doute, le grand groupe chicagoan est de retour et prêt à en découdre. Pour en finir avec l'étiquette du band's band ?
(dates françaises annoncées à l'Elysée Montmartre  et à l'Epicerie Moderne (les 17 mai et 4 juin prochain)

En bref : le retour de l'un des grands groupes indé US tendance punk rouleau compresseur. En forme olympienne qui plus est. On a hâte de vérifier tout cela sur scène.

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20 octobre 2024

Serge Gainsbourg - Gainsbourg Confidentiel (1963)

1963 : la carrière de Serge Gainsbourg ne décolle pas. Tant qu'à faire et puisque l'heure n'est pas encore aux tubes écrits pour les autres, autant recentrer le propos autour du verbe et des premières amours jazz. A la croisée des chemins et hésitant entre les voies yéyé et yoyo, Serge délaisse son arrangeur et chef d'orchestre le brillant Alain Goraguer qu'il retrouvera pour Gainsbourg Percussions l'année suivante.

Au casting, l'artiste et ses textes ciselés ("La fille au rasoir"), le contrebassiste Michel Gaudry et l'exceptionnel guitariste tzigane Elec Bacsik qui a frayé avec à peu près toute la variété de l'époque (Moreau, Gréco, Barbara, Nougaro) et les plus grands jazzmen français et américains. Avec lui c'est Django qui s'invite dans l'univers rive gauche et déjà swing des premiers 25 cm. En introduction "Chez les yé-yé" est l'unique confession prophétique du virage pop à venir et la chanson la plus enlevée de l'album avec "Negative blues" qui le clôt. Les thèmes abordés dans ce qui reste l'album le plus dépouillé de l'Oeuvre sont open et moins désabusés qu'il n'y paraissait dès Du Chant A La Une  (1958) : l'amour avec le remarquable "Sait-on jamais où va une femme quand elle vous quitte" et son finale surprenant, "Elaeudanla Téïtéïa" ("S'il faut aller à la dérive / Je veux bien y aller pour toi", superbe). Abordé sous un angle tendre et mélancolique - la très belle "La saison des pluies" composée par Bacsik  ("Un autre viendra qui d'un baiser effacera  / Le rimmel au coin de ses lèvres") -   il n'y a guère que "Maxim's" dont Serge Reggiani fournira une version terrassante,  pour se montrer plus acerbe ("Ah ! baiser la main d'une femme du monde / Et m'écorcher les lèvres à ses diamants"). "Amour sans amour" très primesautier fait le bilan des amours déçues mais "sans illusions, sans orages". L'artiste étant à l'époque sur le point de convoler pour la deuxième fois en justes noces avec une princesse héritière, l'humeur n'est pas forcément à la morosité.

 Le personnage Gainsbourg et les démons intérieurs sont habilement abordées dans "No thanks no", unique chanson où la contrebasse est exécutée à l'archet lui conférant une profondeur dramatique; les addictions seront abordées à nouveau dans l'inénarrable "Coco and co" l'année suivante. "Le talkie-walkie" fait le crossover entre les histoires de coeur et le progrès technologique façon Vian ;  celui désigné aussi dans le rasoir électrique et les fêtes foraines. A cet égard la chanson "Scenic railway" est un modèle du genre. Sur une montée chromatique et des accords en montagnes russes brillamment exécutés par Bacsik, Gainsbourg décoche cette saillie définitive : 

"Je vais te sembler un peu cynique ouais ouais / Y'a pas que les machines pour s'envoyer en l'air."

D'une confondante sincérité et doté de certains des meilleurs textes de l'artiste, le succès de Gainsbourg Confidentiel, sera hélas en adéquation avec son titre : seulement 1500 copies de ce premier 30 cm trouveront preneur ; ce qui est en ces temps des Trente Glorieuses et du marché florissant du disque constituait un échec cuisant. Gainsbourg saura s'en souvenir en revenant assez vite à des collaborations fructueuses, Alain Goraguer, Michel Colombier et Jean-Claude Vannier en tête.

En bref : avant le succès colossal, la sincérité et le talent mis à nu d'un artiste et parolier au sommet de son talent. Un niveau d'écriture qu'il ne retrouvera que peu par la suite.


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09 octobre 2024

Siouxsie And The Banshees - Kaleidoscope (1980)

Couleurs floues et Hamiltoniennes pour ce 3ème essai du grand groupe goth - Siouxsie And The Banshees est évidemment bien plus que ça. Première vraie réussite après les essais débraillés des débuts et sans doute l'un des points d'orgue d'une discographie qui n'en manque pas de ses débuts en 1978 avec The Scream jusqu'au bel album de reprises Through The Looking Glass. Cet album est important à plus d'un titre car il marque le premier bouleversement avec pertes et fracas dans la vie du groupe : le guitariste John McKay et le batteur Kenny Morris ont pris la poudre d'escampette lors d'une houleuse tournée. Qu'à cela ne tienne, Siouxsie continue l'aventure avec son partenaire d'écriture, le très inspiré Steven Severin dont l'inventivité n'est plus à dépeindre et Peter Clarke, exceptionnel batteur plus connu sous le nom de Budgie et qui sera de longues années le compagnon de la dame.

Et surtout les deux départs augurent de l'ère la plus féconde des Banshees qui voit l'arrivée et pour trois disques dont le sommet A Kiss In The Dreamhouse (1982) du plus inspiré des guitaristes post-punk. Malheureusement encore sous contrat discographique avec Magazine, John McGeoch n'apparaît pas sur les visuels de l'album pas plus que dans les clips où c'est Siouxsie le pauvrette qui mime les accords de "Christine". De fait et comme on est dans un entre-deux et qu'il n'est pas officiellement intronisé Banshee, McGeoch dont le rôle ne cessera de devenir prépondérant, ne participe qu'à l'écriture du seul "Trophy". C'est aussi lui qui fournit les lignes de saxophone de "Hybrid" sans doute le seul morceau décevant du lot. Mais il fournit évidemment la 6 cordes partout ailleurs excepté sur 3 titres : l'obsédante "Clockface"où Siouxsie psalmodie ainsi que les très énervées 'Skin" et "Paradise place" sur laquelle le son rond du chorus si particulier de Severin que l'on retrouve aussi dans la formidable "Desert kisses" fait des merveilles. Ici c'est Steve Jones en rupture Pistolienne qui joue : les deux n'apparaissent de toute façon que furtivement sur les crédits.
Où l'on note une fois de plus l'efficacité de Siouxsie et ses hommes sur de leurs emblématiques singles, "Happy house" avec déjà (!) les habiles contretemps de Budgie. Il y a ces sonorités électroniques nouvelles et les synthés de Severin sur les très bons 'Lunar camel" et "Red light", dernier titre qui aura certainement influencé et pas qu'un peu l'excellent duo de nos contrées Kas Product.

Si la capacité à se renouveler et à sortir de la nasse d'un mouvement est la marque des grands, Kaleidoscope fut à l'instar de London Calling  ou Machine Gun Etiquette autres exemples célèbres, la première pierre inscrite par le quatuor londonien. Jamais foncièrement goth en dépit de la coupe de cheveux de sa meneuse en chef et du respect accordé par la scène Batcave locale, Siouxsie And The Banshees allait poursuivre sa mue avec Juju (1981), disque adoré des fans même si moins doté en chansons marquantes de la trilogie avec McGeoch. Et poursuivre ainsi jusqu'au remarquable virage psychédélique de Hyaena (1984) et du plus conventionnel mais réussi Tinderbox (1986).
Avant que de se perdre dans une série de disques moins aboutis et le gimmick toujours renouvelé du "John guitariste" régulièrement renouvelé.
Dis-in-te-gra-ted

En bref : la mise en orbite d'un grand groupe punk qui sut à point nommé se réinventer. Il n'y en en eut pas tant.

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08 octobre 2024

Faust - Faust IV (1974)

Les plus inclassables de la scène krautrock n'étaient pas le groupe sonnant le plus krautrock. Pourtant dépositaire du titre de chanson qui cite nommément ce mouvement - on rappelle que cette terminologie très moqueuse provenait des anglais - Faust est l'un des 4,5 groupes allemands les plus importants et emblématiques de la fertile expérimentation musicale apparue en Allemagne au tournant des années 70.

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04 octobre 2024

Split Enz - Mental Notes (1975)

En voilà de drôles de zozos. Septuor inclassable originaire de Nouvelle-Zélande du côté d'Auckland et mené lors de sa meilleure période par son duo de têtes pensantes Tim Finn / Phil Judd tous deux chanteurs compositeurs attirés et exclusifs, Split Enz s'est surtout fait connaître comme un groupe new-wave à succès jusqu'au milieu des années 80.

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28 septembre 2024

The Cure - Seventeen Seconds (1980)

The Cure devait opérer un virage à 180 degrés pour son deuxième long format. On avait découvert le trio de Crawley en Buzzcocks balbutiants (The Imaginary Boys - 1979) ; on les redécouvrait un an après en émules de Joy Division. Un clavier monophonique et brumeux (on était loin des chutes du Niagara pompeuses de Distingration quelque 10 ans plus tard) et tenu par l'éphémère Matthieu Hartley y faisait ainsi son apparition ; tandis que l'emblématique Simon Gallup remplaçait poste pour poste Michael Dempsey à la basse.

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22 septembre 2024

Siouxsie And The Banshees - A Kiss In The Dreamhouse (1982)

5ème album de la grande prêtresse du rock goth, A Kiss In The Dreamhouse clôt la période la plus passionnante du groupe formé par Siouxsie Sioux et le bassiste Steven Severin. Auxquels se sont joints dès 1980 l'extraordinaire batteur Budgie (alors partenaire de la dame à la ville) ainsi que l'un des multiples John guitaristes embauchés par le trio au cours de leur carrière et non du moindre. Puisqu'il s'agit de John McGeoch, le Kid Congo anglais, au CV long comme le bras. Fondateur des mythiques Magazine, il a aussi joué au sein de Visage et s'en ira frayer avec PiL quelques années plus tard.

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15 septembre 2024

Jean-Louis Murat - Parfum D'Acacia Au Jardin (2004)

Assez curieusement et de façon incongrue, le 12ème album de Jean-Louis Murat (hors Ep's, lives) est souvent considéré comme une livraison à part et n'est pas comptabilisé ni classé comme ses autres disques. Il s'agit pourtant de 13 nouvelles chansons enregistrées en une prise live et en studio et toutes clippées sous la forme d'un DVD lors de sa première parution. Et donc d'un album studio à part entière.

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11 septembre 2024

Badfinger - Straight Up (1971)

Ce jour où John Lennon se blesse le doigt et donne involontairement son titre de travail à Sergeant Pepper....

Ne pas se fier aux mines réjouies de la pochette. Tom Evans donne l'impression d'arborer une chapka mais là encore il s'agit d'un leurre. En vérité et on ne le sait que trop, Badfinger est à la fois le plus poissard des groupes de rock de l'histoire et aussi le plus injustement méconnu des grands groupes en -B : Beach Boys, Byrds, Beatles, Bee Gees, Band, Buffalo Springfield, Big Star....
Leur parcours est même impressionnant de déveine et de destins hélas sacrifiés.

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09 septembre 2024

Hoodoo Gurus - Mars Needs Guitars! (1985)

Au cinéma, il est toujours plus facile d'émouvoir sur un sujet grave et universel qu'il n'est aisé de déclencher des fou-rire de qualité au plus grand nombre. En d'autres mots, on se demande parfois à l'aune du disque qui nous occupe s'il n'est pas plus simple de briller en donnant dans la musique cérébrale, arty et qui se la raconte plutôt que dans le sacro-saint axiome  couplet/refrain/couplet/refrain/pont/refrain évidemment plus convenu.

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08 septembre 2024

Nick Cave & The Bad Seeds - Wild God (2024)

Cet album de l'épiphanie qu'on n'attendait plus. Nick Cave et ses Bad Seeds ont à nouveau enregistré en France, au studio Miraval cette fois. Il fallait remonter loin (Dig, Lazarus dig!!! en 2008) et plus encore (Abattoir Blues / The Life Of Orpheus en 2004) pour retrouver l'australien à ce point fringant et son groupe aussi dynamique. Bien sûr entre temps l'artiste aura perdu deux de ses fils dont un auquel il a consacré un album déchirant ;  et c'est plus qu'un humain ne saurait endurer.

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Fat White Family - Forgiveness Is Yours (2024)

L'histoire passe souvent à côté de groupes comme Fat White Family à cause de leurs aspects foutraques. On se souvient que lors de la scène baggy du Madchester des années 90, beaucoup n'avaient retenu de Happy Mondays que l'image d'une bande de drogués ingérables au talent relatif. C'étaient pourtant individuellement d'excellents musiciens et leurs compos même si elles piochaient à droite à gauche, faisaient plus que tenir la route. Les mêmes remarques auront été formulées sur Fat White Family sauf qu'ici la musicalité saute aux yeux.

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23 juin 2024

Iggy Pop - Soldier (1980)

Il y a des disques comme ceux-là que personne ne peut souffrir. Qui sont au mieux considérés comme de sympathiques oeuvres mineures. Au pire comme d'inutiles avatars, albums dont on ne condescendra à ne sauver que les proverbiaux singles. Ainsi le reggae festif de "Loco mosquito" sur lequel Iggy se fend de "bzzzz bzzz" que pourrait lui disputer Lux Interior. Ou bien le furieux "Knockin' em down (in the city"). Plus que des guilty pleasures, heureusement qu'ils existent. On ne les chérit que davantage.

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14 juin 2024

Belle & Sebastian - Fold Your Hands Child, You Walk Like A Peasant (2000)

Belle & Sebastian, confrérie de neurasthéniques vivant reclus dans une chapelle. Et qui gagnent via le biais universitaire de quoi enregistrer un single qui deviendra un album, le très culte Tigermilk (96), 1000 vinyles pressés, un temps uniquement l'apanage de quelques heureux initiés. Bon, ces jeunes gens avaient un talent certain pour oeuvrer une pop raffinée un brin filiforme ; certains diront chichiteuse. Sans doute un autre point avancé aussi bien par ses partisans que par ses détracteurs, l'analogie avec les Smiths, notamment pour la représentation graphique : les pochettes toutes ou presque monochromes reprennent des portraits. A la différence que les photos de proches ou de membres du groupe remplacent les modèles, acteurs ou écrivains. Ici deux chanteuses islandaises d'un groupe ami (Mum).

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The Gun Club - Miami (1982)

Au début des années 80, deux amis californiens inséparables décident de tuer l'ennui dans un local de répétition qu'ils squattent. Ils prennent un malin plaisir à ferrailler avec des instruments qu'ils ne maîtrisent absolument pas. L'un est un type un peu obèse et bouffi par l'alcool offrant une troublante ressemblance avec le Marlon Brando finissant, l'autre est un branleur d'ascendance mexicaine et taquin. Le premier, Jeffrey Lee Pierce, est à l'origine de la création du fan-club local de Blondie tandis que le second Brian Tristan s'occupe de celui des Ramones. La légende Gun Club est née.

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13 juin 2024

The Dream Syndicate - The Days Of Wine And Roses (1982)

Dans l'histoire de la pop, un chanteur sur trois imite John Lennon tandis qu'un tiers évoque Dylan vocalement. Enfin, le reste affecte le talk over et le phrasé de Lou Reed. C'est presque un axiome. On peut transférer ça aux groupes auxquels ces légendes se réfèrent. Alors si le chant ligne claire et point du tout écorché de Steve Wynn n'a rien à voir avec celui de ses illustres devanciers, son groupe à coup sûr fut à l'orée des années 80 et jusqu'à aujourd'hui l'un des avatars les plus convaincants du Velvet Underground.

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Belle & Sebastian - Paloma (Nîmes) - 12/06/24

 

courtesy of Sylvain Mullerium

L'escouade glaswégienne effectue la première date de sa carrière à Nîmes et le fait savoir. 19 titres enfiévrés dont une bonne moitié sont piochés sur 2 disques ayant fait leur renommée If You're Feeling Sinister, The Boy With Arab Strap (avec la traditionnelle montée sur scène des danseurs volontaires sur le morceau-titre) ainsi que le petit dernier Late Developers qui nous avait laissé circonspects.

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23 mai 2024

David Bowie - Young Americans (1975)

Débarrassé de ses oripeaux glam David Bowie se pique de Philly Sound. Place donc à la soul teintée de disco déjà entrevue dans le "1984" de son dernier avatar Halloween Jack et entrevue dans Diamond Dogs.

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20 mai 2024

The Damned - Machine Gun Etiquette (1979)

Il est de ces renaissances qui ne frappent pas que les individus new-born. La pop musique contient en effet de spectaculaires métamorphoses. Prenez les Damned par exemple, l'une des deux trois plus grandes incarnations punk de Grande-Bretagne. Personne n'aurait misé un kopeck sur eux lors du départ de leur guitariste et unique compositeur Brian James. C'est pourtant par cette défection là -James parti former les Lords of The New Church avec trois autres mercenaires du rock- que les Doomed car tel est leur nom d'emprunt lors de cette parenthèse erratique, vont renaître de leurs cendres.

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24 avril 2024

Nick Cave & The Bad Seeds - Kicking Againt The Pricks (1986)

Il paraît déjà loin le boucan pas toujours bien maîtrisé de ses deux premiers groupes culte The Boys Next Door et The Birthday Party. Fini le bouzin punk et les cris gutturaux. Si Nick Cave garde sur ses deux premières oeuvres avec les Bad Seeds certains de ces gimmicks de prédicateur, l'australien va pour notre plus grand bonheur désormais emprunter les sentiers plus hospitaliers du crooner.

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08 mars 2024

Tricky - Olympia (Paris) 06/03/24


Les aficionados hardcore qui attendaient de ce Maxinquaye Reincarnate la réécoute exhaustive de leur album préféré en auront été pour leurs frais. Seuls 7 des 12 morceaux originaux figuraient dans la setlist de l'Olympia. Moins qu'à l'Ancienne Belgique trois jours plus tôt. Et point de "Pumpkin" est-ce bien raisonnable ?

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Unloved - Centquatre (Paris) - 02/03/24


Soirée Inrocks ce samedi au sein du vaste complexe du Centquatre. Nous sommes là pour nos chouchous du moment. Le trio Unloved est en ville d'autant plus que le couple Vincent/Ciancia est désormais résident de la Ville Lumière. Enfin... quand on parle du trio... ce soir le public est orphelin de David Holmes, étonnamment absent de ce set tant attendu.

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