23 juin 2024

Iggy Pop - Soldier (1980)

Il y a des disques comme ceux-là que personne ne peut souffrir. Qui sont au mieux considérés comme de sympathiques oeuvres mineures. Au pire comme d'inutiles avatars, albums dont on ne condescendra à ne sauver que les proverbiaux singles. Ainsi le reggae festif de "Loco mosquito" sur lequel Iggy se fend de "bzzzz bzzz" que pourrait lui disputer Lux Interior. Ou bien le furieux "Knockin' em down (in the city"). Plus que des guilty pleasures, heureusement qu'ils existent. On ne les chérit que davantage.

Après son remarquable coup double RCA - The Idiot et Lust For Life tous deux de 1977 - Iggy signe chez Arista pour une période plus... troublée dans sa carrière artistique. Si New Values (79) plutôt bien foutu recueille généralement la majorité des suffrages et que Party (81) au contenu aussi ignoble que sa pochette se contente de quelques miettes ; en revanche rien pour celui qu'il est permis de considérer pourtant comme le plus réussi des disques dits mineurs d'Iggy. Si l'on songe que le très inégal Zombie Birdhouse (82) a lui aussi ses aficionados, on peut considérer que ce disque est un peu son Sally Can't Dance à lui. Son disque maudit.

Bon, retour aux sources oblige avec son rock de rigueur, Soldier est évidemment pour l'oenologue ce bon vin rouge qui tâche, assez râpeux en bouche a priori dépourvu de tout tanin aromatique. 

Le 4ème album solo de l'Iguane souffre d'une production qui n'envoie pas du bois comme on aurait pu s'y attendre avec James Williamson. Initialement prévu pour diriger l'affaire, l'ex-acolyte pour d'obscures bisbilles ne se prête finalement pas au jeu. C'est finalement le méconnu Pat Moran qui s'y colle. Pop qui fit appel pour les guitares à quelques épées de la scène post-punk (Glen Matclock, Ivan Kral, Steve New) doit en plus se coltiner des affaires d'ego comme par exemple la susceptibilité d'un Bowie à nouveau dans le tableau. Ce dernier s'est fait boxer par New car il tournait un peu trop autour de sa copine... une certaine Patti Palladin. Exit la six-cordes de l'ex-Rich Kids. Enfin Klaus Krüger ex-Tangerine Dream est à la batterie et son son n'a évidemment rien de motorik.

Qu'à cela ne tienne. Il n'y a pas grand chose à jeter sur Soldier. Après la parenthèse New Values, Bowie met à nouveau un pied dans la porte et co-signe avec Pop "Play it safe", fournissant au passage les choeurs sur ce titre en compagnie de deux Simple Minds. Est-ce lui qui fournit la ligne de sax sur le syncopé "Get up and get out ? Rien n'est moins sûr. Le reste est signé Iggy ou Glen Matlock (l'excellent "Ambition") dont on se repaît goulûment de la basse sur des titres moteurs comme cet inénarrable hymne pro-Trumpien bien avant l'heure "I'm a conservative". Ou sur d'autres cosignés par les deux hommes, "I need more", titre d'une future autobiographie en 1993,  ainsi que cet hommage à l'idole de toujours James Brown ("Mr Dynamite") et sa belle ligne mélancolique de trompette. A l'aise dans tous les registres, l'artiste fait parler son inimitable baryton jusque sur les morceaux les plus crétins de sa discographie, le très gouailleur "Dog food" qui a le mérite de faire court, en est l'illustration.

Mine de rien, Iggy Pop ne se montrera plus guère aussi inspiré dans sa longue carrière à venir. Un vrai sursaut période American Caesar (93) et pour le reste, des relectures jazzy de classiques français convenues et beaucoup trop de gros rouge qui tâche. En fait; la vraie cuvée vin de table était ici.

En bref : le disque d'Iggy Pop que beaucoup aiment détester et que trop peu hélas concèdent aimer.  Conçu dans le chaos et brut de décoffrage, Soldier meilleur opus d'Iggy de la courte et controversée période Arista, est à redécouvrir toutes affaires cessantes.

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