31 mars 2007

Gui Boratto - Chromophobia (2007)

Une énorme claque. J'attendais un album électronique de cette trempe depuis le Trentemoller récemment chroniqué. Ce Chromophobia, sans lui ressembler, entraîne de semblables vertiges et nous transporte en un lieu déroutant où tech-house et électronica font bon ménage. Guilherme Boratto, comme son cousin nordique, aime de temps en temps brider son moteur technoïde et s'arrêter le long de la route pour une pause comateuse, avant de repartir en trombe au moment le plus inattendu. La comparaison s'arrête là. Boratto est bien plus acide que Trente, moins pop aussi. Et, peut-être parce qu'il vient de Sao Paulo, ses productions sont plus colorées, bien que souvent teintées d'ombres spleenétiques. C'est en tout cas ce qu'on a entendu de plus chaud en provenance du sobre (et exigeant) label allemand Kompakt, basé à Cologne.

Gui Boratto, c'est un peu le Mac Gyver de la house. Il vous fait un beat avec le frottement d'un balai et le crépitement d'un bain moussant, une mélodie avec un crissement de ferrailles et un téléphone foireux... Il récolte les sons partout où il le peut puis les écorche, les déchire et les rassemble avec une technique proche du cut-up. Ce collage psychédélique malmène sainement les oreilles, entre sueurs froides et progressions euphorisantes. Pour un premier essai, Chromophobia, sorti début février, est particulièrement abouti. Des albums d'une telle envergure dépassent le cadre restreint de la tech-house minimale et définissent un son bien actuel, un son qui va inévitablement inonder la planète. Et plus vite qu'on ne le croit.

Les treize mets que nous sert Boratto se dégustent avec une joie égale. Inutile donc de les décliner un à un, même si je me sens obligé de signaler la montée minutieuse et clinique de "Mr. Decay" et le son granuleux de "Gate 7".



En bonus, "Arquipelago", le vinyle qui l'a fait connaître :


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29 mars 2007

Aphex Twin - Windowlicker (1999)

Mais qui se cache donc derrière ce nom bizarre? Vous le savez peut-être déja, il s'agit d'un jeune irlandais né Richard D. James en 1971.
Il officie depuis une bonne et grasse dizaine d'année (ouais d'accord une quizaine) en tant que DJ et compositeur de musique électronique en marge des sons commerciaux. L'homme est complexe (il alterne les surnoms) et sa musique aussi. Il sublime la technique (il parcourt le monde pour acheter de vieux synthés, les bricole et les customize!!) allant jusqu'à travailler les sons bruts directement sur leur fréquence, comme un ébeniste ferait avec des essences de bois. Il crée toutes les jaquettes de ses releases et se plaît à modifier des photos de bimbos en remplaçant leur tête par la sienne.

Sa spécialité? Toutes: drum'n'bass, acid techno, ambient (Selected Ambient Work 85-92). Son son? Celui-ci par exemple: Windowlicker, titre éponyme du single (3 titres) qui le consacre en 1999.
Ou encore celui-la: Nannou (qu'il dédit à sa future ex-petite amie française que l'on peut entendre souffler "j'aime donner des croquettes au chien" dans Windowlicker.
Un son métallique, avec un usage exhaustif de la distorsion, la récupération de sons de jouets...Bien que Windowlicker, dans les bacs en 1999, atteigne le top 20 en UK, le son d'Aphex Twin reste difficile à écouter et apprécier. A vous de voir, comme toujours...
Pour tous ceux qui sont intéressés, il faut savoir que Windowlicker fut produit sous l'excellent label WARP auquel adhérent des artistes comme Laurent Garnier, Nightmares on Wax, Squarepushers...
Pas la peine de s'attarder sur une description finie et limitée d'une musique qui, elle, ne semble pas l'être.

Sur suggestion du maestro Dave:

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27 mars 2007

Wax Tailor - Tales of the forgotten melodies

"Que sera, sera...", refrain que tout bon cinéphile reconnaîtra est l'un des titres phare de cet album. Il s'agit en effet d'un extrait de la bande sonore de L'homme qui en savait trop de A. Hitchcock.

Cet extrait est l'un des nombreux extraits de films, parfois trop oubliés, qu'à su remixer Wax Tailor dans cet album portant bien son nom, Tales of the forgotten melodies, sorti dans les bacs en 2005.
Le tailleur de cire est à la lisière d'un hip hop du nouveau monde. En effet, c'est avec brio qu'il combine des beat et des samples bien hip hop avec des extraits de vieux films, le tout, souvent agrémenté par les vibrations d'un violoncelle représentant un aspect plus classique de la musique. Un détail qui a son importance à mon sens, sont les grésillements des bandes sonores extraites des films. Ce petit plus ne fait que donner un plus de charme et de réalisme à chacun des titres de l'album.
Wax Tailor cherche vraiment à se démarquer de la scène hip hop traditionnelle, c'est pourquoi il a décidé d'associer à ses performances musicales live, des performances scéniques mettant en scène une violoncelliste, une chanteuse le tout accompagné par des perfomances vidéos, de plus en plus présentes sur les scènes électros du monde entier. Il ne s'agit plus de simples concerts mais d'expériences musicales à part entière.
Tales of the forgotten memories sort dans les bonnes crèmeries du monde entier en 2006. Fort de son succès, WT entame alors une tournée aux US aux côtés de RJD2. Pour les addict de cet album il faudra patienter jusqu'au 2 avril prochain pour le second opus de Wax Tailor, intitulé "Hope and sorrow".
Les amateurs de RJD2, Massive Attack, Cinematic Orchestra ou encore DJ Cam retrouveront leur identité musicale au travers de cet artiste..




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Tsar - Band Girls Money (2005)

Tous originaires de Los Angeles, le leader de ce groupe déjanté Jeff Whalen (chant, guitare), Daniel Kern (choeur, guitare), Derrick Forget (choeur, basse) et Chuck Byler (batterie) ont formé leur groupe en 1998, sous les influences des Sex Pistols, des Guns. C’est par leurs performances live et leurs chansons explosives que le groupe s'est fait connaître, sans grand succès il faut l'avouer, ce qui est regrettable, vu leur potentiel surnaturel. Après avoir signé chez Hollywood Records, ils réalisent leur premier album éponyme en 2000. Notons à cette occasion leur participation à la BO de "American Psycho II" avec leur divine ballade dans le générique de fin: The girl who wouldn't die (sublissime) qui a tout de suite aiguisé ma curiosité, même si la douceur de ce titre pop à la guimauve n'est pas vraiment représentatif de leur oeuvre. C’est donc en 2005 que leur deuxième opus, Band Girls Money, voit le jour.
Puissant, le son rock-punk de l'album nous plonge dans un état de surexcitation instantanément. A mi-chemin entre Sum 41 et Bink 182 avec parfois un goût de pop anglaise à la Oasis, comme ultime touche d'originalité. Disons le tout de suite: Tsar, notamment avec le titre phare de l'album Band Girl Money, c'est du rock sauvage, intelligent et évolutif. Les riffs sont bien calés et sortent de l'ordianire car le groupe aime jouer sur un effet de surprise, en variant le rythme, l'intensité et le chorus. Quelques solos sympas, purs et travaillés qui n'écrasent pas la mélodie, ce qui est un bon point, surtout quand les deux guitares (les paul et strat) crachent le feu en totale harmonie, ne formant qu'une longue coulée de lave boostée au LSD et aux extas. Simplement ravageur.
Mais il n'y a pas que du gros son comme j'ai pu le souligner ci-dessus: les émotions sont apparues très vite chez moi: musiques de film ou spot publicitaire, ces sonorités "musclées sec" ne perdent pas de leur pouvoir évocateur, voire poétique, proportionnellement au niveau sonore... Bref c’est un sacré groupe que voilà. Attention aux surprises (et aux oreilles...)



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The Blues Magoos – Pychedelic Lollipop (1966)

1966, New-York, le Bronx, mais surtout une figure de proue du Greenwich Village, les quatre garçon en costume très propres sur eux sont en fait les quatre enfants les plus psychédéliques de la musique, allant même jusqu’à avouer inhaler des kilos d’opium avant d’écrire, titrant leurs chansons de manière codée non équivoque à la manière des Beatles, Lucy in the Sky with Diamond (LSD) devenant ici Love Seems Doomed (LSD aussi) et Albert Common Is Dead (ACID). Tout cela se retrouve dans cette musique où ils réinventent tout à chaque instant, où la guitare vient capturer chaque parcelle de silence de la pièce. Avais-je oublié de préciser que le guitariste Mike Esposito était le pote de collège de Lou Reed, rien que ça. Au final ils enregistrent un disque, le premier, celui qui fut dans le top 5 US en 67, celui qui a fait la première partie des Who, un classique. Il n’y a rien d’autre à dire, pièce maîtresse de l’acid rock au même titre que les Electric Prunes ou The 13th floor elevators, le prédécesseur et unique frère de Electric Comik Book remarque une carrière éphémère arrêtée en 1970 et qui a su contrecarrer le psychédélisme west coast à l’époque dominant.

Du côté des titres, We ain’t got nothing, le gros succès, démontrant à lui seul tout ce que peut être la musique psychédélique sous toutes ses formes. Une préférence pour Tabacco road et sa transe de défonce totale. De même pour Gotta get away, si moderne avec son rythme entêtant. La ballade Love seems doomed à écouter aussi pour découvrir la psyché ballade, dans un univers jamais très loin mais jamais très proche non plus, celui des Blues Magoos.


Ju.



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26 mars 2007

Bloc Party - Silent Alarm

Parmi l'un des groupes montant du punk rock new wave comme le disent les connaisseurs, Bloc Party nous rappelle certains groupes du genre.
Franz Ferdinand me direz vous...?? Entre autre oui, peut être est ce parce que les Franz les ont pris sous leur ailes afin de les faire grimper sur les scènes londoniennes puis européennes par la suite.
A l'origine connus sous le nom de Angel Range ou encore Union, Kele Okereke, Russell Lissack, Gordon Moakes et Matt Tong, les 4 membres du groupes ont fini par opter pour le nom que la jeunesse adepte du punk rock d'outre manche connait par coeur: Bloc Party.
Ce premier album, Silent Alarm, sorti en février 2005 annonce d'entrée la couleur et s'adresse à la fois aux amateurs de punk rock...mais aussi à certains clubbers, qui en écoutant Banquet se dirons "tiens, mais c'est ce qu'ils passaient au macumba club???"
On comprend mieux pourquoi ce groupe fait fureur partout en Europe..
La voix de Kele Okereke, d'origine nigérienne, peut évoquer certains souvenirs punk...blink 182 ou encore The Cure.
Silent Alarm est donc un album sympa, mais un peu lassant à la longue car la majorité des titres qui y figurent nous rappellent des performances musicales déjà entendues auparavant.
Cependant il existe une 2° version de cet album, Silent Alarm Remix qui offre des nouveaux titres ainsi que des remix des titres originaux.





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25 mars 2007

Dave Van Ronk et Frankie Armstrong - Let no one deceive you (1990)

C’est aux racines de la folk music américaine que l’on peut faire la connaissance de mister Dave Van Ronk. Surnommé « Le maire de MacDouglas street » tellement il semblait faire partie des meubles à Greenwich village, voilà l’homme qui put se vanter d’avoir appris la guitare à Bob Dylan, rien que ça. Un père fondateur doublé d'un esprit libre.
Van Ronk ne traîne pas beaucoup à l’école dans sa jeunesse et préfére rôder dans les rues de Manhattan, entre deux escapades dans la marine marchande. Il fait ses armes dans le jazz au sein de petites formations animant les salons de coiffure, des « barbers quartet ». Mais c’est le blues traditionnel qui le fait vibrer, Furry Lewis ou John « Mississipi » Hurt. Et il s’y consacre passionnément. Il sort ses premiers disques à la fin des années cinquante. Le succès est au rendez-vous et il est de tous les concerts folk des sixties. Van Ronk n’aura de cesse de faire de la scène et de composer des albums. En 1974 il se produit avec Bob Dylan au profit des réfugiés chiliens. Il sera toujours sur scène près de trente ans plus tard, en 2001, quelques mois avant sa mort le 10 février 2002.
Guitariste hors-pair à la gueule de dur, cow-boy du blues et du folk noir, Dave Von Ronk fut un des premiers blancs à s’intéresser et à jouer de la musique afro-américaine. De ses chansons se dégagent une puissance et une émotion surprenantes, à l’image du personnage, d’une tendresse brute. Une sorte de musique folk qui se prend à « blueser ». Let no one deceive you est un album tardif de Van Ronk, sorti en 1990. Une compilation de textes de Bertold Brecht chantés avec la blues woman Frankie Armstrong. Un magnifique disque guitare/voix, à la fois délicat et vibrant.
Frankie Armstrong vibre cependant un peu trop pour ne pas être fatiguante au fil des titres. Mais Dave Van Ronk, lui, sonne idéalement juste. « Alabama song », popularisée par les Doors, est d’une puissance incroyable et d’une rare finesse dans la bouche de Van Ronk. J’en oublie Morrison. Intéressant. Plus qu’intéressant. Messianique. Après ça je reste coi.

Le lien emule est là pour que vous puissiez écouter ça. Ne vous en privez pas.

ALBUM - U.K.Folk - Frankie Armstrong & Dave Van Ronk - Let No One Deceive You (1990).rar
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Trentemoller - The Last Resort (2006)

Fab et Mart' ont déjà entendu maintes fois cette bombe à la maison. Cours de rattrapage pour ceux qui auraient raté l'un des plus beaux objets électroniques de 2006. Trentemoller est un jeune DJ/producteur Danois qui s'est fait un nom avec ses monstrueux remixes, notamment ceux de Royksöpp et de Yoshimoto. Pokerflat, maison Allemande de qualité, s'est empressée de signer le prodige, dont les vinyles ont fait la joie des dancefloors du monde entier, ces quatre ou cinq dernières années. Sa techno minimale et funky combine des basses vrombissantes et grasses avec une atmosphère très mentale et intériorisée. Je défie quiconque d’y être insensible. Le premier long format du bonhomme était donc très attendu, et la bave moussait aux commissures des lèvres des amateurs éclairés.

A sa sortie, en octobre dernier, "The Last Resort" connaît un accueil critique dithyrambique. Alors qu'on pouvait redouter une succession incohérente de maxis, Anders Trentemoller a choisi de ne pas capitaliser sur ses succès de club et de construire une oeuvre profonde, progressive, au tempo souvent très lent et très lourd, plus proche de l’électronica que de la house. La pochette, représentant une forêt décharnée dans une brume épaisse, donne le ton d'un disque polaire, traversé d'un bout à l'autre par un souffle glaçant et synthétique. Le planant “While The Cold Winter Waiting” porte d’ailleurs très bien son nom. L’album s’écoute comme on regarde un paysage. Des images surgissent sans cesse, gagnant chaque fois en intensité et en définition.

Dans l’univers blanc de Trentemoller, on croise souvent des guitares aux accents blues et des scratches acérés, parfois une harpe ou un obscur instrument japonais. Mais aussi de vrais dubs cosmiques : “Vamp”, “Evil Dub” et surtout “Nightwalker”, tout en échos et en cordes. Seuls “Into The Trees (Serenetti part 3)” et le très minimaliste “Chameleon” rappellent à nos souvenirs les racines techno du musicien. Le reste oscille entre la ballade pop (“Moan”) et un post-rock organique qui n’est pas sans évoquer Mogwai (“Like Two Strangers”). Pour faire court, “The Last Resort” ne ressemble à aucun autre disque. C’est un petit trésor électronique au son intrigant, comme une étrange boîte à musique retrouvée dans une épave, dans les fonds glacés de la Baltique.



Un titre plus ancien :



Et une version live d'"Evil Dub" et "Moan":


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24 mars 2007

Pete Seeger - Hard Travelling

Il est de ces artistes dont on ne peut faire l’économie pour comprendre l’évolution d’un genre musical. Comme Kraftwerk, Neu ou encore Can peuvent être indispensables aux électrophiles, impossible de ne pas écouter Pete Seeger si l’on ambitionne de pénétrer le folk américain et de l’aimer avec raison.
Mais écouter Pete Seeger n’est pas une tâche forcément facile. En effet, en dépit de quelques rares rééditions, les albums du New-yorkais ne se récoltent pas à la pelle chez les disquaires. Rares aussi sur Internet, où notre tendre « mule » ne propose qu’une seule occurrence. Difficile écoute aussi, tant ses chansons peuvent nous sembler datées et lointaines la première fois. Des témoignages vifs d’un autre temps. Bien avant les Bob Dylan et autres Joan Baez, Seeger incarne la figure du « folk singer » engagé à la « protest song » réaliste et incisive. Tout simplement un des pionniers du genre, compagnon de figures mythiques telles que Woody Guthrie et Leadbelly.
Pete Seeger naît en 1919 à New York, dans une famille habitée par la musique. Son père est musicologue, sa mère compositeur, et ses frères et sœurs chantent. Pete, lui aussi, est atteint du virus. Il entame cependant des études de journalisme à Harvard. Sans grande conviction… il quitte rapidement l’université et travaille à Washington, dans la librairie du Congrès. En 1940, il fait la rencontre de Woody Guthrie lors d’un concert pour les travailleurs migrants et pendant deux ans, les deux hommes se consacrent ensemble à la musique. Seeger prend néanmoins le temps de rédiger un manuel de banjo et de créer un nouveau modèle d’instrument, aujourd’hui appelé « Seeger banjo ». Le jeune homme milite activement et est membre du Parti Communiste Américain, qu’il quittera en 1950, cinq ans avant le célèbre discours de Khrouchtchev. Communiste donc, il est mis sur la liste noire maccarthyste et appelé à être entendu par la HUAC, la House of Un-American Activities Committee chargée de débusquer les traîtres rouges. Seeger refuse de se rendre à son audition et invoque le premier amendement de la Constitution, la liberté de réunion et d’association. Une originalité, quand tous les supposés agents soviétiques tentaient de se réfugier derrière le cinquième amendement, le droit à la vie privée et à la liberté. Pete Seeger est condamné à un an de prison mais réussit à se faire acquitter en appel. A la même époque il entame une carrière solo et compose rapidement les chansons qui lui vaudront sa notoriété : « Where have all the flowers gone ? », « If I Had a hammer » (et oui, « Si j’avais un marteau »), « Turn, turn, turn » et « We shall overcome ». Par ailleurs, il chante aussi « Little boxes », une chanson de Malvina Reynolds sur les quartiers résidentiels. Une chanson familière aux amateurs de la série télé Weeds.
Pete Seeger c’est un son chaud, d’un soleil grisant de Louisiane ou du Tennessee. Le son d’un homme qui a fréquenté les plus grands festivals de musique folk mais aussi écumé les campagnes américaines. Haranguant les foules de ses chants aux couleurs de liberté, se joignant aux militants afro-américains dans leur quête de droits civiques. Pete Seeger, en bref, c’est l’essence du protest singer, un des pères de la génération hippie américaine et une des idoles de Bob Dylan, faut-il le préciser.
Pete Seeger a sorti peu d’albums en dépit de son incessante activité musicale. En effet je n’ai pu trouver trace que de deux LP, Studs Terkel en 1956 et We shall overcome en 1978. Néanmoins, il apparaît sur de nombreuses productions et compilations, principalement dans les années 60 et compte à son actif de nombreux titres que l’on considère aujourd’hui comme des classiques. « Wimoveh », « We shall overcome » et « Hold on » sont autant de témoignages de pure musique folk, mariage harmonieux d’une voix racée et chaleureuse et d’une guitare sèche « countrysante ».
Hard travelling est un simple best of de Pete Seeger. En tant que tel, le disque n’est pas particulièrement intéressant mais pour qui ne connaîtrait pas encore ce grand monsieur de la chanson américaine, toujours actif par ailleurs, il s’avère être un parfait premier contact. Avant d’écumer les disquaires à la recherche des albums originaux...
fab

Je n'ai pas pu trouver les titres que je souhaitais hormis "Turn turn turn", voilà ce que propose radioblog.






Petit bonus, "Little boxes" par Malvina Reynolds :



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Mika - Life in cartoon motion

Un grand bol d'air frais et de bonne humeur...voilà ce que nous offre le premier album de Mika.
D'origine Libanaise, Mika a fait ses débuts artistiques dans le monde de la musique à Londres, sainte mère de la pop et du rock...Après une jeunesse mouvementée il réussit à imposer son style d'un nouveau genre mélangeant habilement les beat des 80's avec nos rythmes contemporains.
Life in cartoon motion, son premier opus, pourrait être répertorié dans la catégorie disco pop. Les rythmes entrainant et cadencés de cet album sont agrémentés par la voix dynamique de Mika. "Relax, take it easy", premier titre extrait de cet album - dont l'intro vous rappellera un titre des 80's, mais rien à voir! - est l'un des rythmes sans prétention mais pas pour autant inefficace de cet artiste qui je l'espère ne cessera de nous faire rêver.
Avec une couverture rappelant les illustrations des Monthy Python ou encore celles de Yellow Submarine des Beattles et ses mondes un peu psychédéliques, Life in cartoon motion nous invite au voyage dans une autre dimension totalement irréelle, stimulant la bonne humeur de chacun. A écouter sans modération...




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21 mars 2007

Mal Waldron - One More Time (2002)

Je le vois encore, avec sa veste jaune poussin et ses cheveux blancs comme neige sur sa peau noire. A la fin de chaque solo, il allumait un nouveau cigare, qu'il posait sur le bord du piano au moment de recommencer. Il était calme et souriait lumineusement à Jean-Jacques Avenel et sa contrebasse.

C'était au Duc des Lombards, à Paris, un soir d'octobre 2002, un peu plus de deux mois avant sa mort. Mal Waldron avait 76 ans, venait d'enregistrer une session avec Archie Shepp et paraissait en forme. Ses longs doigts couraient inlassablement sur l'ivoire, comme ils le firent toute sa vie durant, à la recherche des paradis perdus du jazz. En 1977, il déclarait à Jazz Magazine : "Je m'efforce de penser au futur, j'essaie de jouer une musique plus libre, à tous les niveaux. J'y arrive peu à peu, je fais de mon mieux, mais je suis très lent." Pourtant, depuis le magnifique Free At Last, en 1969, il s'était déjà libéré en se trouvant un style hors-norme, basé sur la répétition et la déformation, très inspiré par la musique classique et notamment par Bartok, qu'il avait étudié dans sa jeunesse.

Musicien professionnel dès 1947, d'abord au saxophone, Malcolm Earl Waldron s'impose vite comme un pianiste d'accompagnement efficace et est embauché par Max Roach et sa femme Abbey Lincoln. La rencontre, quelques années plus tard, avec Billie Holiday, est peut-être la plus marquante de sa vie. Il est son pianiste attitré de 1956 à 1959, années où elle signe certains de ses plus beaux enregistrements. Après la mort de la chanteuse, Mal lui dédie plusieurs hommages, dont le sublime Left Alone, avec Jackie Mc Lean. Trop souvent, on résume la carrière de Mal Waldron à sa collaboration avec Billie Holiday. Pourtant, il est l'auteur de plus de cinquante albums et de nombreux thèmes classiques repris par tous, comme l'éternel "Soul Eyes". Il a joué avec toutes les pointures du bop et du free jazz, d'Eric Dolphy à John Coltrane, de Miles Davis à Lester Young. Sa versatilité et sa large vision du jazz lui ont d'ailleurs valu d'être le directeur artistique de Prestige Records.

Des années 70 jusqu'à sa mort, il laisse libre cours à son amour pour la musique de Thelonious Monk, dont il explore l'oeuvre sur de nombreux disques, presque toujours avec son ami Steve Lacy au saxophone. Toute la discographie de Waldron a quelque chose de monkien, c'est-à-dire de déstructuré, de complexe et d'enfantin. C'est le cas de One More Time, un des derniers albums de l'artiste, où il dessine un ciel et le colore par larges touches, comme un expressionniste. Il est accompagné par Jean-Jacques Avenel, et Steve Lacy apparaît sur deux titres. Mal ouvre le bal seul avec "All Alone", une délicieuse introspection dont la mélodie est prolongée et amplifiée par un usage intensif du trémolo. Tout ce qui suit, et notamment l'extatique "The Seagulls Of Kristiansund", illustre la maîtrise que l'homme possédait à la fin de sa vie. Une note, dans le livret, est émouvante à cet égard : "Mesured against eternity, our life span is very short, so I am extremely happy to have this record as a high point of mine." L'achèvement d'une vie de jazz.

En bref : enregistré peu avant sa mort, One more time est le splendide testament discographique d'un pianiste d'exception.




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The Sleepy Jackson - Lovers (2003)

Groupe australien à particule, The Sleepy Jackson n’est pourtant que la création d’un seul homme, Luke Steele, personnalité à part dans la grande lignée de ces artistes un peu dérangés, souvent illuminés, toujours perfectionnistes mais bourrés de talent. Toutes les rumeurs ont couru sur ce Brian Wilson australien, ce maestro de la pop barrée aux multiples personnalités et à la consommation de drogue plus que soupçonnée.
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Toujours est-il qu’en 2003 Luke Steele accouche d’un premier album signé chez Virgin. Résultat : treize titres dont l’inspiration, la voix et les arrangements en font immédiatement un chef d’œuvre de pop psyché, très remarqué lors de sa sortie mais un peu oublié aujourd’hui. Largement inspiré des années 1970, sa musique est un fourre-tout parfait de ce qu’on fait de mieux les Beatles, Lou Reed, les Beach Boys, REM, Beck et j’en passe. Bien plus qu’un medley pop rock des trente dernières années, Lovers délivre des mélodies évidentes, déchirantes, radieuses et généreuses, non sans une certaine mélancolie mêlée de joie enfantine. Luke Steele, multi-instrumentaliste s’occupe de tout, jusqu’aux chœurs épatants qui donnent cette touche grandiloquente à un album déjà si riche. Une finesse qui lui fera cruellement défaut sur son second album Personality qui offre une musique ample et volontaire mais dénuée de modestie. Avec Lovers, Luke Steele réussit le pari de réunir sur un disque en 2003 le psychédélisme californien, la country de Nashville et la mélodie pop de Liverpool dans un mélange de haut vol et de toute beauté. Souhaitons lui juste de garder la tête sur les épaules.

L’album complet au possible démarre vraiment pour moi avec un "Vampire Racehouse" indéniablement enraciné chez le Velvet. Puis vient "Acid in my heart", ballade pop facile et "Fill me with apples" à l’ambiance si particulière. Retenons également "Tell the girls that I’m not hangin out" et son refain électro Nanananana. Puis "Come to this", si pop, mélange parfait des Beatles et d’Oasis. "Miniskirt" typiquement américaine nous refait traverser l’Atlantique d’un coup de country. Une diversité étonnante pour un jeune australien à moustaches qui a largement remporté son pari et dont on attend des nouvelles avec impatience.

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Platinum Pied Pipers - Triple P (2005)

Ces deux-là n'en sont pas à leur coup d'essai. Disciple de Jaydee, qui lui a donné son premier sampler, Waajeed est l'un des fondateurs de Slum Village et a créé l'excellent label Bling 47. Quant à Raphael Saadiq, c'est un vieux de la vieille. Auteur de plusieurs albums solos, il a joué de la basse avec Prince dans les années 80, fondé, en 1987, Tony! Toni! Toné! (pionniers de la new-jack), et plus récemment le carton Lucy Pearl. En tant que producteur/arrangeur, il a bossé pour A Tribe Called Quest, D'Angelo, Joss Stone, Mos Def, etc, etc... Comme ces palmarès sont de véritables invitations à la modestie, la mention "Platinum" vient rappeler que les complices, tous deux venus des slums ("taudis") de Detroit, ont vendu des pelletées de disques. Pourtant ce premier album n'a rien d'un blockbuster et s'apparente plus à un trip de musiciens. Le pari : faire copuler le hip-hop jazzy de l'un et le Rn'b suave de l'autre pour accoucher d'une soul futuriste.

Le pari est tenu, et c'est peu dire. King Britt, Gilles Peterson ou ?uestlove (The Roots) ne s'étaient pas trompés en désignant "Triple P" comme le brulôt néo-soul de l'année 2005. Le travail des textures sonores, la force des mélodies, la variété et la cohérence des morceaux, tout y est admirable. Il y a bien quelques moments un peu anecdotiques, voire dispensables, "Lights Out" et "Now Or Never" par exemple. Mais le reste est d'une telle qualité qu'ils s'y intègrent sans dommages. Etrangement, bien que je sois souvent hostile à ce genre musical, ce sont les plages Rn'b qui m'enchantent le plus. Mais attention, on est bien loin de Beyonce ou R. Kelly avec les PPP. Respectueux de la tradition, ils privilégient une approche soul au sens noble du terme. Ici vous ne trouverez point de niaiseries, de choeurs de pétasses nauséabonds ou de refrains écrits à la va-vite. Plutôt de sincères chansons d'amour, luxueuses, sur des prods magiques. Jaydee et Steve Spacek mis à part, je ne connaissais pas les invités de l'album : Georgia, Tiombe Lockhart, Zeno ou Rogier, tous excellents. La qualité des voix a été préférée à la renommée des artistes, et c'est très bien comme ça. Autre raison de se réjouir : le duo ne s'est pas contenté de faire poser les chanteurs sur leurs sons, mais a réellement composé pour eux.

En fait, Saadiq et Waajeed proposent une synthèse habile de ce qu'est la black music aujourd'hui, faisant preuve d'une belle ouverture d'esprit. Des instruments live viennent étoffer des beats souvent électroniques, flirtant même avec la drum n' bass sur le splendide "50 ways to leave your lover". "Deep Inside" et "I Got You" donnent dans une funk boueuse, à grands coups de hand-clappin '; "No Worries" est léger et sucré, dans un style très latino. Et sur "Fever", le chanteur Zeno me rappelle Sly Stone, me ramenant aux temps bénis de la Tamla Motown. En clair, il s'agit pour moi d'une des plus belles pièces de hip-hop/soul des années 2000, et ceux qui apprécient Erikah Badu, Jill Scott ou The Roots ne pourront que fondre pour elle.

On peut attendre beaucoup des PPP en 2007. Une seconde livraison ne devrait pas tarder ; c'est une question de semaines si j'en crois les rumeurs du net. Raphael Saadiq prépare aussi la sortie d'un quatrième LP solo. Quant à Waajeed, il a déjà lâché quelques singles prometteurs avec sa nouvelle formation, The Jazz Kats.




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20 mars 2007

Klaxons - Concert à Bordeaux 15/03/07

Il est 20h30 au théâtre Barbey et il est enfin temps de vérifier si les Klaxons ont réellement du talent sur scène où s’il s’agit d’un buzz de plus. Enfin pas tout de suite non plus, avant nous avons droit à Twisted Charm, un trio de jeunes londoniens jouant un rock assez particulier, plutôt déroutant même pour l’assistance qui ne sait si elle doit aimer ou détester. Les avis sont partagés. Un groupe à suivre donc.

Il est 22h désormais, et les sirènes se mettent à hurler. Atlantis to interzone démarre en trombe et les Klaxons (au nombre de 4 pour l’occasion) s’en donnent à cœur joie. La salle est pleine et c’est une véritable marrée de mains levées qui suivent le rythme frénétique des basses londoniennes. Ca danse dans les tribunes, ça danse dans les escaliers, ça danse dans la fosse, nul ne peut réfréner ce besoin de faire sortir cette énergie. Les tubes s’enchaînent comme dans un best of alors qu’il ne s’agit que d’un premier album, pas un seul titre n’est en dessous de l’autre, aucun ne fait retomber la pression. Barbey, complet ce soir, ne sait plus ce qui lui arrive, à mi chemin entre la salle de concert et la discothèque, un phénomène est en train de naître. Alimentés à la bière, communiquant poliment avec le public (ouais Bordeaux vous êtes le meilleur public de France !), débraillés et survoltés, les Klaxons savent ce qu’ils font et ils le font bien.

Et là il va se passer quelque chose de plutôt rare me semble-t-il. Deux trois hurluberlus se mettent à slammer, trois quatre demoiselles montent sur scène et dansent aux côtés des musiciens, cinquante personnes envahissent la scène et l’utilisent comme un dance floor pendant que les Klaxons continuent à jouer au milieu de la foule, plutôt satisfaits par l’effet produit. Lorsque la musique se termine, chacun reprend ses esprits, un peu comme après l’orgie du Parfum de Suskind. Après documentation il paraît que c’est monnaie courante lors d’un show des Klaxons, d’accord.

55 minutes de concert c’est peu, c’est vrai. Mais si on y réfléchit, l’album Myth of the near future dure à peine plus de 35 minutes. Même en rallongeant les chansons et en ajoutant quelques EP il est difficile de dépasser l’heure de spectacle aujourd’hui pour les Klaxons, et même si ça surprend, c’est normal. Avant de conclure je souhaite attirer l’attention sur la nature du public pour répondre à la question que tout le monde se pose : Est-ce que c’était jeune ? Pour faire vite, oui, ça l’était, mais une jeunesse assez attachante, fringuée comme un rock qu’elle n’a pas connue, déguisée en fluo, maquillée en new rave et finalement plutôt festive et totalement rock ‘n roll. Les anciens étaient là également pour vérifier le phénomène, et je pense qu’ils n'ont pa été pas déçus. Moi non plus.

A lire aussi : The Klaxons - Myth of the near future
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15 mars 2007

Aynsley Lister - Live (2004)

Aynsley Lister ne vient ni de New York, ni de Californie, ni de France ou de Navarre, mais d'Angleterre! Artiste accompli de 25 ans, certains le définissent comme un extraterrestre, fan de Django et Lee Hooker qui a utilisé leurs techniques pour donner naissance à un "power trio" incarnant le son blues-rock que j'affectionne tout particulièrement.

Il est accompagné par James Townend à la basse et par la jeune Sarah Jones, d'une efficacité redoutable à la batterie. A en croire mes oreilles de musicos, j'ai été littéralement bluffé par la technique musicale de ce prodige, alternant des riffs et slides bluesy avec satu, et enchaînant avec des solos dignes du top 10. Ah oui, j'oubliais un léger détail: ce monsieur chante, et c'est un régal. Et pas de la plus ingrate des manières, car il possède une voix suave, encore jeune mais bien timbrée, enflamée soit par sa Les Paul custom au son bourré de sustain et baveux, soit par sa Strato qui lui permet d'envoyer grave tout en gardant une grande subtilité.
Après quatre albums studio, Aynsley Lister, fils spirituel de Hendrix, attendait l'occasion de jouer en live, ce qu'il fît en mars 2004, pour la série TV allemande 'Rock palast', au Crossraods Festival, à Bonn... Leur musique est très structurée et jamais brouillonne même si on a parfois cette sensation au début. Très imagée et boostée à l'adrenaline, il y a aussi de la poésie dans cette musique, ce qui est très appréciable. Je retiendrai particulièrement Runnin out on me et l'enchaînement Everything I Need et Angel O Mine très réussi et le vraiment rock Balls of Steel.

Avis donc aux amateurs de blues-rock parfois hard mais toujours mélodieux, ce disque est pour vous et pour longtemps.




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08 mars 2007

Lou Reed - Berlin (1973)

Autant vous le dire d’emblée, je suis en pleine période Lou Reed. Légèrement subjugué, je dois l’avouer. Je comptais à l’origine vous parler de ce chef d’œuvre qu’est Transformer, deuxième album produit par David Bowie, mais je me suis ravisé. C’est finalement sur Berlin, sorti en 1973, que je souhaite attirer votre attention et vos oreilles d'enfants de babylone.

Rappels préalables. Lewis Alan Reed est né en 1942 à New York, ville qu’il ne quittera guère et chantera à merveille. « I’m a New York city man » répètera-t-il sans cesse. Dès son plus jeune âge, Lou est barré au grand dam de ses parents, et, à 17 ans, ces derniers le soumettent à des séances d’électrochoc, une expérience qu’il chantera dans "Kill your sons". Sa rencontre avec Delmore Schwartz, poète et enseignant à l’université de Syracuse, l’encourage à écrire. Puis avec John Cale, musicien gallois de formation classique, il donne naissance à ses premières chansons. Nous sommes en 1965. Un an plus tard, Andy Warhol remarque Lou au Café Bizarre de Greenwich Village pour l’épopée que vous connaissez… En 1967, sort The Velvet Underground et Nico, produit par le pape du pop. Grand succès et date importante de l’histoire du rock. Après tout juste quatre années d’existence, le groupe implose, quatre albums au compteur. Lou Reed s’éloigne de la musique et de New York, fait rare. Le come back se produit rapidement, en 1972, pour un album éponyme un peu à côté de la plaque. Ce ne sera pas le cas avec Transformer. Baroque, puissant, émouvant, virtuose. L’album cartonne. Ecoutez "Make up" si vous ne connaissez pas ce titre, un bijou. Bref, la carrière solo de Lou Reed démarre en trombe. 1973 voit débarquer le troisième album du new-yorkais, Berlin.
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Lou Reed a 31 ans. Pour sa nouvelle aventure en solitaire, il s’entoure de musiciens de talents comme Jack Bruce du groupe rock hippie Cream. La production sera assurée par le canadien Bob Erzin, qui s’était occupé avec succès d’Alice Cooper. De cette collaboration émerge un album ultra-mélancolique, certainement à ranger dans notre catégorie « Parlons suicide entre amis ». Sauf qu’il ne s’agit pas seulement de mélancolie dont il est question avec Berlin. Mais aussi et surtout de virtuosité. En dix chansons, Lou Reed nous narre l’histoire d’un couple (Jim et Caroline), une relation de peines et de souffrances abordée à travers les thèmes de la drogue, de la prostitution, de la violence conjugale, du masochisme, de la maltraitance d’enfants et du suicide. Le tout, sous le signe d’un profond désespoir. Le public n’est pas séduit. Pourtant l’album est d’une rare beauté, Lou Reed se fait un crooner de talent. Son chant prend aux tripes. La petite histoire de l’album est emblématique du disque et de sa tonalité. Le huitième morceau s’intitule "The kids". Il évoque la séparation forcée d’une mère et de son enfant. On peut y entendre des cris d’enfants. Il paraîtrait que le producteur Bob Erzin, pour les enregistrer, est rentré un soir chez lui et à annoncer à ses rejetons que leur mère était décédée. Ravissant.
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Je n’ai rien trouvé à vous faire écouter en ligne. Néanmoins, si vous tombez un jour sur Berlin, ne soyez pas distrait à l'approche de "Lady day", en hommage à Billie Holiday, et "The Kids". Profond et magistral.

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A lire aussi : Saly can't dance (1974)


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07 mars 2007

Vitalic - Ok Cowboy (2005)

Attention, c’est un véritable rouleau compresseur qui va débouler sur votre platine si comme moi vous décidez d’écouter ce cd. Vitalic, alias Pascal Arbez jeune dj et producteur dijonnais fait partie de ce qu’on appelle depuis quelques temps la french touch. Cela fait déjà plusieurs années qu’il sévit auprès de ses amis de la très riche scène techno grenobloise, The Hacker et Miss Kittin dont on n’aurait pas fini de parler ici.

Disons le tout de suite, Ok Cowboy, premier album studio enregistré chez Citizen records est une tuerie totale. Dès la première écoute il est impossible de résister à cette techno rock addictive, à la fois très intelligente, accessible et complètement tubesque. Pour preuve, il est improbable que vous n’ayez pas encore entendu "Poney Part 1" ou "La Rock 01" au détour d’un dance floor, même pour ceux dont je fais partie qui ne les fréquente pas très souvent. Evidemment on pense à Daft Punk, à Jean Michel Jarre et à Kraftwerk pour ne citer qu’eux. Quasiment exempt de samples et de voix, Ok Cowboy ce sont treize hymnes imparables qui dévastent tout sur leur passage. J’ai écouté cet album pour la première fois d’une manière assez particulière, casque sur les oreilles, à bon volume, tout en poussant mon caddie dans le supermarché du coin et je peux vous dire que je me sentais sur autre planète, soumis à ce déluge de basses, cette claque sonore qui m’arrivait en pleine tête. Alors que je m’efforçais de rester calme, il m’était impossible de réprimer les rythmes qui ébranlaient mon corps. Il fallait que je danse. Tout ça pour dire que Vitalic sur ce premier album relègue la musique de Benny Benassi au rang de La chance aux chansons ou du Club Dorothée. La techno c’est tellement bon quand c’est fait comme ça.

Côté playlist, mis à part les deux "tubes" cités plus haut, "My friend Dario" est celle qui me fait le plus sauter en l’air avec la montée crescendo de la première minute. A noter qu’il n’y a aucune guitare sur cet enregistrement entièrement électronique alors qu’on croit pourtant en entendre à de nombreuses occasions. Quant à "Polkaniatic", le titre ouvrant le disque, il met dans le jus l’auditeur qui sait qu’il ne pourra pas décrocher avant la dernière note, avant la toute dernière pulsation électronique. Pour le reste aucun titre n’est à jeter. Ce disque est une pépite.



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06 mars 2007

Jim Derogatis - Lester Bangs, mégatonnique rock critic

Mégatonnique rock critic est une biographie de Lester Bangs, critique rock américain des années 70 et 80 et icône de la presse underground de l'époque. Une des plumes les plus célébrées du temps du flower power, puis, au moment de l'apparition du punk. Rolling Stone, Creem, le New Musical Express et le Village Voice ont accueilli ses chroniques enflammées, acerbes et sans concessions. Des chroniques qui se voulaient aussi énergiques et puissantes que le son rock.


Lester Bangs est né Leslie Conway Bangs en décembre 1948. Il voit le jour dans la bourgade d'Escondido, dans le sud de la Californie. Son père meurt alors que Leslie est encore enfant. Sur sa mère, témoin de Jéhovah, repose alors l'autorité dans la famille. Elle tente d'inculquer à sa progéniture des principes et une morale religieuse ferme.
Leslie se fait appeler Lester et dévore les écrits de la beat generation. Kerouac, Burroughs, Ginsberg mais aussi Bukowski et Hunter S. Thompson constituent son panthéon. Il remplit rapidement ses premiers cahiers à spirales. Des poèmes, des récits autobiographiques mais aussi ses premières critiques de disques.
Kick out the jams du MC5 sort en 1969. Lester, depuis quelques mois déjà, envoie ses articles aux différents magazines underground de la côte ouest. Il aime écrire. Rolling Stone, créé deux ans auparavant par Jann Wenner (un ancien élève de Berkeley), publie la critique de Kick out rédigée par Lester. Une critique violente alors que le groupe de Détroit connaît un immense succès à l'heure de la contre-culture. "C'est de la boue" écrit-il. Quelques années plus tard il se rétractera pour encenser l'album. Les débuts sont à l'image du bonhomme. Une histoire d'ombres et de lumières, une tentative de réexploration des sentiers beat.
Alcoolique notoire misanthrope. D'une instabilité terrifiante. Lester Bangs pouvait écrire une ode critique passionnée de plusieurs milliers de mots sur le Transformer de Lou Reed. Mais ensuite insulter son idole lors de leur première rencontre. Il traita Led Zepellin de "pédales émaciées" et bouillit de respect devant Blank generation de Richard Hell and the Voidoids, un des premiers manifestes punk américain. Il n'eut de cesse d'ingurgiter barbituriques et de passer des nuits à maculer des feuilles de ses entrailles acides.
Jamais dans la masse ou la majorité. Lester Bangs navigait au large. A contre-sens souvent. Il accompagna les débuts du punk (on lui prête d'ailleurs l'invention du terme) et se rendit à Kingston dans l'Ark studio de Lee Perry. Astral Weeks était un de ses disques préférés. Il acclama David Bowie, descendit Bob Marley et rencontra William Burroughs. Il mis en musique ses textes et forma un groupe médiocre qui implosa en quelques concerts. Il chia sur le punk qu'il avait accompagné et se réfugia dans le free jazz. En quelques anecdotes se devinent facilement les contours d'un personnage romanesque.
A 33 ans, l'âge du Christ, il fut retrouvé mort sur son sofa, les yeux ouvert et un vynil tournant sans fin sur sa platine. Il écoutait "We don't need a reason" du groupe anglais Dare.


Lester Bangs fut certainement le critique musical le plus lu et acclamé dans l'histoire du genre. Errant dans les marges et provocateur, il fut admiré telle une rock star. Pour autant, ne peut-on pas réduire Lester Bangs à une simple création romanesque décadente en quête de beat attitude? A une plume talentueuse nourrie d'acide?
Quoiqu'il en soit, Mégatonnique rock critic reste une lecture plaisante, bourrée d'anecdotes et de pistes musicales à explorer. Une fois le bouquin refermé, je me suis dit : "C'est pas mal. Un peu anecdotique mais pas mal". Viscérale conclusion...

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05 mars 2007

Goldie - Timeless

A la conquête de l'ouest...

Pour tous ceux qui se sont déja penchés sur l'histoire de la jungle et de la drum'n'bass, le nom vous est probablement familier. Pour les autres, il convient de présenter le Monsieur.

Goldie, de son vrai nom Clufford Joseph Price, est un artiste à multiples facettes. Il est d'abord graffeur (80s'), puis participe à des projets musicaux avant de monter son propre label, Metalheadz, un pionnier dans le domaine de la drum'n'bass.

A ses heures perdues, l'homme aux dreads blondes couleur or (coupées depuis!) sévit comme acteur, apparaissant ainsi aux cotés de Pierce Brosman dans The world is not enough et dans Snatch.

L'artiste est reconnu par ses pairs pour ses talent musicaux et picturaux. On retrouve parmi les fans les non pas moins célèbres David Bowie, aux gouts ecclectiques (Bowie appréciait aussi Kraftwerk, c'est dire!!) et Noel Gallagher.

Mais l'album, Timeless. Sans temps ou plutôt éternel. Enfin, tout au moins Timeless.
Le disque s'ouvre sur un magnifique track de 21 minutes: Inner City Life aux manifestations sonores contrastées. Sur un rythme lancinant, Goldie calque quelques voix féminines, des sons excentriques comme le crecellement d'un serpent à sonnette...Mais c'est le rythme, cassé, cassant, alternant les ambiances détendues et stratosphérique où l'impression de vide spatial vous emporte le temps d'un instant, le temps d'une chanson.

Saint Angel est un morceau typique de drum'n'bass speed, avec un claqué des caisses claires soutenues et entrainant. L'album s'étoffe avec le très jazzy State of Mind, chanté et succulent. Dans les morceaux qui suivent et jusqu'à l'extase provoquée par Sensual, Goldie semble caresser un style classique de drum'n'bass mais il faut bien se rendre compte de la relative nouveauté du genre pour l'époque.

En effet, le temps s'arrête agréablement avec Sensual, sorte de venin sonore hypnotique qui vous clouera au siège alors que vos jambes vibrent pour vous.

Sorti en 1995, cet album sera suivi par Ring of Saturn puis Saturnzreturn et enfin Sine Tempus l'année dernière, après une période de creux de 7 ans.

Aux grands desespoirs de nos lecteurs curieux et assidus, aucun lien sur radioblog mais en s'aventurant plus avant sur les torrents, vous avez quelques chances de le rencontrer.

Le Myspace

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Midlake - The Trials of Van Occupanther (2006)

Je crois que j'ai commencé cet article il y a près d'un mois avec la ferme intention de dire du mal de ces péquenots texans de Midlake. Balafrer ce disque de pop dégoulinante qui avait pour moi tout l'attrait d' un misérable chewing-gum nostalgique. Bref, le disque me semblait grandement inintéressant et plat. Propre mais sans âme.
Désormais, que dire ? Et bien simplement que je me suis fait avoir... sâlement avoir à l'épreuve de la réécoute. Je trouve du charme à ce disque. De la beauté même.
Donc Midlake, déjà, ça vient du Texas. Vous voyez le truc... une terre de cow-boys taciturnes à chapeaux. Et malgré cela, et le fait que tous les américains soient des cons finis. Et malgré le fait que le plus connu des texans soit aussi le président du pays. Malgré toutes ces raisons de ne pas comprendre les autres et de se comporter comme des cochons incultes. Malgré tout cela, les ptits gars de Midlake jouent à merveille une pop "bien ouvragée", comme on la qualifierait dans les milieux autorisés. Les milieux autorisés, comme vous le savez, on y a pas accès donc on les ignore.
Les mecs de Midlake, ce sont 5 jeunes types : les 2 Eric, McKenzie, Paul et Tim (le chanteur). The trials of Van Occupanther est leur second album. Le premier, Bamnan et Silvercock, étant sorti il y a deux ans, en 2004. Le disque ne déclenche alors guère d'enthousiasme et, à vrai dire, est un peu pourri. Les membres du groupe retournent à leur quotidien et reprennent leurs boulots loin de la musique. Prof ou réparateur informatique. Remis en scelle par le label Bella Union (qui a notamment produit Kid Loco), et avec la collaboration de Simon Raymonde, membre des Cocteau Twins, The Trials voit le jour et signe un joli retour.
L'album est acclamé par la presse et célébré comme l'un des meilleurs albums de ces dix dernières années. De quoi vous rendre sceptique. Exactement mon état d'esprit lors de ma première écoute. Et surtout, après ma première écoute. A première vue, c'est de la pop, oui. Bien faite de surcroît, et proprette comme j'aime à le dire. Mais rien de bien excitant.
Ce n'est qu'en réécoutant l'album que je découvre une noble mélancolie portée par de classieuses vagues instrumentales. Des vagues qui se savent parfois se faire audacieuses. "Roscoe" est le premier des onze titres. La voix complaignante de Tim Smith (original comme nom) est d'emblée en harmonie avec des riffs de guitares puissants, virils. Le deuxième titre est plus champêtre, mais la légèreté disparaît rapidement dans un vague à l'âme vocal, délicatement. The Trials of Van Occupanther égrène au fil des pistes une pop-rock folkisante toute en beauté, finesse et humanité. Organique parfois. Je crois que je pourrais me répandre facilement sur de nombreux détails de la musique de Midlake mais au lieu de cela je préfère déférer toutes ses douceurs à vos oreilles amatrices.
Le mécanisme buzz turbine à outrance et The Trials of Van Occupanther n'est certainement pas l'un des meilleurs albums des dix dernières années. Cependant, l'on cotoie parfois une inquiétante pureté à l'écoute de Midlake et de son chanteur Tim Smith. Une inquiétude que l'on ne peut repousser, comme envoûté. Plus étrange que le paradis.

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Kiddus I - Inna de Yard (2005)

C’est un premier album que certains attendaient depuis plus de trente ans ! Franck Dowding est né en 1944 en Jamaïque, et il fait de la musique depuis l’âge de quatre ans. Il a traîné ses guêtres dans les quartiers chauds de Kingston, à Three Miles, Trenchtown ou Riverton City. Après l’école puis la chorale, étape quasi indispensable pour tout chanteur jamaïcain, Franck Dowding, qui ne se fait pas encore appeler Kiddus I, se met à la batterie, à la trompette puis au piano et à la guitare. Mais il avoue lui-même « ne pas être terrible sur ces deux derniers instruments!"
C’est en 1976, que Franck « Sheperd » Dowding, connaît son premier et presque seul succès. Dans le film « Rockers » il interprète le titre « Graduation in Zion » qui marque une génération d’ados européens en manque de bonnes vibes. Enregistré deux ans plutôt chez Jack Ruby, c’est finalement grâce à Ted Bafaloukos réalisateur de « Rockers » que « The Sheperd » sort de l’anonymat. Il lance son propre label « Sheperd » sur lequel il enregistrera onze titres dont « Security » et « Cry wolf » , enregistrés au Black Ark studio de Lee Perry .
1978 est une date importante pour une Jamaïque déchirée par les crimes politiques et l’escalade meurtrière dans laquelle se sont lancés les deux principaux partis politique de l’époque, le Jamaica Labour Party (JLP) et le People’s National Party (PNP). Liés au Gunsmen et aux syndicats du commerce, les deux partis transforment souvent les campagnes électorales en règlement de comptes géants. La Jamaïque est au bord de la guerre civile. A l’initiative de plusieurs figures du reggae dont Bob Marley, rentré deux mois plutôt de Londres, le « One Love Peace Concert » tente de réconcilier les Jamaïcains avec la politique. L’histoire en retient la poignée de main entre Michael Manley et Edward Seaga, les deux leaders politiques. Les amateurs de musique, eux, ne voient que les prestations des 16 meilleurs groupes de reggae du moment dont « The Meditations », «The Mighty Diamonds », « Culture », « Dennis Brown », « Peter Tosh », « Bob Marley and The Waylers » et « Ras Michael and The Sons of the Negus ». A l’époque Franck “Shepperd” dirige une communauté, lieu de rencontre entre les gamins des ghettos et les musiciens rastas. Cuisine, culture de l’herbe, discussions ésotériques et musique, autour d’un ou plusieurs joints, il n’est pas rare de rencontrer Gregory Issacs, Jacob Miller, ou Ras Michael palabrer pendant des heures. C’est en effet avec « Ras Michael ans the Sons of the Negus » que « The Shepperd » a participé au « One Love Peace Concert » du 22 avril 1978.
A cette occasion, il a d’ailleurs attaqué vigoureusement les hommes politiques corrompus et les policiers véreux. Cela ne lui sera pas pardonné ! La communauté est fermée en 1979 avant d’être rasée. Sherpperd lui doit fuir. Il part pour la Californie et l’Angleterre. Il fournit quelques titres, enregistre peu mais écrit beaucoup.
Ce n’est qu’en 2004 qu’il enregistre son premier album « Kiddus I Inna de Yard » sur le label français Makasound. Cet album, le deuxième dans la série « Inna de Yard » après celui d’Earl « Chinna » Smith est conçu dans l’arrière cour de la maison d’Earl, en acoustique dans le plus pur style Nyahbingi de retour aux traditions. Juste une ou deux guitares, caressée par Earl Chinna Smith lui même, et quelques percussions légères de Kiddus I, Kush MacAnuf (le fils de Winston) et de Ras Michael Junior. Le mixage fait, le disque peut sortir en 2005. Les instruments minimalistes, attirent le reggae militant de Kiddus I vers le blues et la soul. Sa voix grave et profonde lui redonne enfin la place qu’il mérite dans l’histoire tourmenté du reggae jamaïcain. Les compositions sont longues, appliquées et servent parfaitement le concept acoustique adopté par Makasound. Kiddus I, qui n’est rentré définitivement en Jamaïque qu’en 1992, s’est trouvé confronté au dancehall, « une musique négative qui est allée trop loin ». Pour lui « il est temps pour le monde entier de se tourner vers le « truth and rights », un retour aux instruments loin des ordinateurs ». Lui qui n’a enregistré qu’un album, en trente ans, ajoute sans regret, « un cycle arrive à sa fin, c’est à nous anciens du business de revenir et reprendre nos carrière en main ». Espérons, que nous n’aurons pas à attendre 30 ans pour écouter le deuxième album de Kiddus I, le dernier « berger de l’industrie du disque jamaïcain».

Un extrait du film "Rockers", première apparition de Kiddus I.


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02 mars 2007

Marvin Gaye - Trouble Man (1972)

C'était l'époque des Black Panthers, des peignes plantés dans les afros, des macs arborant des vestes en skaï et des plumes sur leurs chapeaux. L'époque où les noirs d'Amérique se créaient enfin leurs héros, de l'inspecteur Shaft à Sweet Sweetback, et où James Brown hurlait à s'en craquer les cordes "Say it loud! I'm black and i'm proud!". Pour accompagner les tribulations cinématographiques de Robert Hooks ou Pam Grier, les plus grands musiciens composaient de véritables bijoux, souvent bien supérieurs aux films eux-mêmes. En général, ces disques sortaient sous les fameuses étiquettes Stax ou Motown. C'est sur ce dernier label que parut, en janvier 1973, l'une des plus belles bandes originales que je connaisse, celle de "Trouble Man", entièrement composée par Marvin Gaye.

Bien moins célébré que "What's going on?" (1971) ou "I want you"(1976), ce chef-d'oeuvre est pourtant l'un des lieux où le génie du roi Marvin pour l'orchestration se dévoile avec le plus d'indécence. La sophistication extrême de cet album n'a rien d'étonnant quand on sait que son auteur était véritablement obsédé par les arrangements. Ici s'enchevêtrent de discrets pianos, de caressants cuivres et une guitare satinée, là le wah-wah d'une basse et de frissonnants violons . Comme souvent à l'écoute du maître, une terrassante sensation de pureté s'élève, gonflée par une voix inimitable, cristalline, peut-être la voix la plus love qu' aie jamais possédé un homme. Son timbre, sur certains morceaux, a la couleur du drame, et nous rappelle que, deux ans auparavant, le chanteur avait perdu Tammi Terrell, l'amour de sa vie. D'autres plages, plus enjouées, distillent un groove californien de circonstance - Marvin Gaye avait posé ses valises à Hollywood, cette année-là.

Eclipsé par les deux énormes succès que furent "Shaft" d'Isaac Hayes (1971) et "Superfly" de Curtis Mayfield (1972), autres monumentaux classiques de la Blaxploitation, "Trouble Man" assèche mon stock de superlatifs. Un de ces disques de chevet qu'on a envie de garder pour soi. Mais bon, puisque c'est vous...

Comment choisir parmi ces treize titres ? Peut-être en suivant les arabesques sonores de Trevor Lawrence et son saxophone, déchirantes sur "Poor Abbey Walsh", suaves et impressionnistes sur le "Theme From Trouble Man" avant d'attraper une fièvre funky pour "T Stands For Trouble". Mais que dire de ce "T plays It Cool", qu'on croirait enregistré hier, et où Marvin annonce, avec son synthé moog, la venue prochaine de la musique électronique? Le disque ne durant que 38 minutes, le plus raisonnable reste de se l'enfiler cul-sec en offrant une petite pensée à ce très grand monsieur, tué par son père le 1er avril 1984, date funeste pour tous les souljunkies.
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Un extrait :



Et la bande-annonce du film, pour se mettre dans l'ambiance ("Now I'm comin' to get yo honky ass !") :


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Katapult - Various Artists vol.3 (2007)

Les dingos de chez Katapult sont des artisans de la house. Ils ne se piquent pas de sortir des concept-albums, de remixer Cerrone ou d'enregistrer avec des orchestres symphoniques. Non. Eux, leur dada, c'est juste de balancer la galette, de faire swinguer les jambons, virevolter les croupes, de fouetter les esgourdes à coups de platines.


La plupart des titres de cette troisième compilation du collectif parisien sont plutôt musclés, avec des beats pilonnants et d'énormes infra-basses. C'est de la house minimale, certes, mais sans froideur excessive car sous perfusion de funk. De la musique festive, en somme. Ce nouvel épisode se distingue pourtant des précédents lorsqu'il se permet des plongées dans une électro plus saccadée, ou une pop déglinguée, à l'image de "Wet" d'Electroménager où une voix bien brittish scande : " We want you liquid! We want you wet!". Quelques invités - complètement inconnus, je dois l'avouer - viennent en renfort des habitués de la maison que sont Automat, Cabanne ou Ark, vieux mercenaires de la scène française. Parmi ces apparitions on appréciera celle de la Suissesse Sonja Moonear, dont le "99 Erikas" lorgne vers une techno sombre à la Josh Wink.


Sans être grandiose, cette petite compile sortie début février fait son boulot très proprement. Plus éclectique que les premiers volumes, elle n'en reste pas moins fidèle aux fondamentaux du crew Katapult que sont la danse et la bonne humeur. A réserver, toutefois, aux amateurs de sons qui tabassent.

Côté playlist, le "2002" du singulier duo Nôze s'impose dès la première écoute, avec ses ahurissants échantillons de grattements et de cuica - ce petit tambour brésilien gémissant - qu'enveloppe un synthé dense et grinçant. Un morceau que je classe immédiatement au rayon "Classiques". Les Cerveaux Lents, autre binôme composé d'Ark et de Mikael Weill, proposent un "In The Crack" plus basique dont le groove parvient à pénétrer les membranes les plus isolées du cerveau. Fort taux de pénétration également pour le "Prelude 4" d'Automat, aux charmantes résonances 80's.

Les curieux peuvent jeter un oeil sur la page du label Karat, qui abrite les Katas :

http://www.myspace.com/karatrecords

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01 mars 2007

Kabal - Etats d'âmes (1998)

C’est un ovni qui gravite – ou plutôt gravitait – au large, à des années-lumière de la planète du rap français. Kabal n’existe plus en tant que groupe, mais il a à n’en pas douter laissé une empreinte indélébile dans le crâne de ceux qui scrutaient les ténèbres rapologiques à l’affût d’un scintillement de génie.

Des instrus sombres, un flow poussif, des lyrics laborieux… Dans Etats d’âmes, c’est un rap ésotérique que les deux rappeurs D’ et Djamal nous livrent. Absentes, les chroniques banlieusardes ras-des-pâquerettes. Exit, les paroles bassement explicites. L’expression métaphorique et analytique est poussée à son paroxysme, et mise au service de l’engagement. Comme dans « Au bord du ruisseau » : « Ces architectes à chier ont fait germer la graine fertilisée par l’accord des gouvernements contraints à résoudre le problème du logement dans l’urgence. Alors ils manigancent, pensent faire pousser leur semence, puis la rasent au bout de deux décades. Fade constat que de voir ces tas de plantes crades, malades, laissées à l’abandon, en jachère. Alors on laisse la jeunesse contempler les restes, se contenter de cet air. » Après avoir bien appris la leçon, il semblerait que les élèves de « L’Académie Mythique » se soient propulsés à la vitesse d’une comète devant le maître.

Car c’est dans l’ombre de la galaxie Assassin que Kabal a fait ses premiers pas, dans les années quatre-vingt-dix. Plusieurs featurings aux côtés de Rockin’Squat (dont « L’underground s’exprime » en 1995), une participation à l’album Mic’Smokin de l’excellent groupe liégeois Starflam (1997), accompagnent la parution, au sein d’Assassin Productions, du premier EP La conscience s’élève, en 1996 (très bon CD, je l’ai prêté il y a longtemps et on me le rendra un jour inch’allah…).

Album opaque, insondable, dérangé, obsédant, Etats d’âmes contient 19 titres sur lesquels guitares et basse viennent grossir les obscures productions et les scratches éclairés de DJ Toty. Là-dessus se répondent les voix grinçantes et schizophréniques des deux MC’s – criarde pour Djamal, rocailleuse pour D’ –, au rythme saccadé plus que balancé des soubresauts de leurs dreadlocks. Le résultat est déroutant, on accroche ou pas. Peut-être cet opus fait-il partie de ces albums impénétrables qu’il faut écouter plusieurs fois avant d’en faire craquer la carapace… Toutefois, certains morceaux sont plus immédiats : ainsi de l’abyssal « In my lifetime » (featuring U.P.S The Protector), ou de « L’autre monde », plus planant (avec la rappeuse Melaaz). Un mot également sur « Le dormeur du val » : les rappeurs y déclament leur prose sur une instru vaporeuse de Doctor L (un autre historique d’Assassin), sur un ton posé autant que reposé qu’on ne pensait pas alors à appeler « slam ».

C'est d'ailleurs à cette discipline que D’ s’est converti une fois achevée la course éphémère de l’étoile filante Kabal. Il officie maintenant au sein du collectif Spoke Orchestra, tandis que Djamal a fondé In Vivo avec un ex-guitariste du groupe de métal Lofofora et un joueur de sitar.





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