01 mars 2007

Kabal - Etats d'âmes (1998)

C’est un ovni qui gravite – ou plutôt gravitait – au large, à des années-lumière de la planète du rap français. Kabal n’existe plus en tant que groupe, mais il a à n’en pas douter laissé une empreinte indélébile dans le crâne de ceux qui scrutaient les ténèbres rapologiques à l’affût d’un scintillement de génie.

Des instrus sombres, un flow poussif, des lyrics laborieux… Dans Etats d’âmes, c’est un rap ésotérique que les deux rappeurs D’ et Djamal nous livrent. Absentes, les chroniques banlieusardes ras-des-pâquerettes. Exit, les paroles bassement explicites. L’expression métaphorique et analytique est poussée à son paroxysme, et mise au service de l’engagement. Comme dans « Au bord du ruisseau » : « Ces architectes à chier ont fait germer la graine fertilisée par l’accord des gouvernements contraints à résoudre le problème du logement dans l’urgence. Alors ils manigancent, pensent faire pousser leur semence, puis la rasent au bout de deux décades. Fade constat que de voir ces tas de plantes crades, malades, laissées à l’abandon, en jachère. Alors on laisse la jeunesse contempler les restes, se contenter de cet air. » Après avoir bien appris la leçon, il semblerait que les élèves de « L’Académie Mythique » se soient propulsés à la vitesse d’une comète devant le maître.

Car c’est dans l’ombre de la galaxie Assassin que Kabal a fait ses premiers pas, dans les années quatre-vingt-dix. Plusieurs featurings aux côtés de Rockin’Squat (dont « L’underground s’exprime » en 1995), une participation à l’album Mic’Smokin de l’excellent groupe liégeois Starflam (1997), accompagnent la parution, au sein d’Assassin Productions, du premier EP La conscience s’élève, en 1996 (très bon CD, je l’ai prêté il y a longtemps et on me le rendra un jour inch’allah…).

Album opaque, insondable, dérangé, obsédant, Etats d’âmes contient 19 titres sur lesquels guitares et basse viennent grossir les obscures productions et les scratches éclairés de DJ Toty. Là-dessus se répondent les voix grinçantes et schizophréniques des deux MC’s – criarde pour Djamal, rocailleuse pour D’ –, au rythme saccadé plus que balancé des soubresauts de leurs dreadlocks. Le résultat est déroutant, on accroche ou pas. Peut-être cet opus fait-il partie de ces albums impénétrables qu’il faut écouter plusieurs fois avant d’en faire craquer la carapace… Toutefois, certains morceaux sont plus immédiats : ainsi de l’abyssal « In my lifetime » (featuring U.P.S The Protector), ou de « L’autre monde », plus planant (avec la rappeuse Melaaz). Un mot également sur « Le dormeur du val » : les rappeurs y déclament leur prose sur une instru vaporeuse de Doctor L (un autre historique d’Assassin), sur un ton posé autant que reposé qu’on ne pensait pas alors à appeler « slam ».

C'est d'ailleurs à cette discipline que D’ s’est converti une fois achevée la course éphémère de l’étoile filante Kabal. Il officie maintenant au sein du collectif Spoke Orchestra, tandis que Djamal a fondé In Vivo avec un ex-guitariste du groupe de métal Lofofora et un joueur de sitar.




2 Comments:

VadeZ said...

imposant...
Ca me donne l'impression d'être avec eux, dans un salon,et soudain lors d'une discussion, l'un se propose de chanter, il se calle au myk' et quelqu'un le soutient aux platines.
Efficace!
merci monsieur Fab

Anonyme said...

l'academie mystic un super crew incomtournable de rap francais...
Séb@
UNDERSTAND CREW
STRAIGT EDGE MUSIQUE