07 septembre 2008

Okkervil River - The stand ins (2008)

C'était prévu, nous vous l'avions annoncé, moins d'un an après la tuerie The stage names Will Sheff et sa bande remettent le couvert et débarquent avec leur cinquième long métrage musical, séquelle avouée de ce qui aurait pu être un double album, et quel double album cela aurait été! Pourtant, malgré les 10 mois qui séparent les deux objets, l'esprit est le même, jusque dans l'artwork qui prolonge celui de son prédécesseur, et la disposition, que dire, les noms des titres, qui collent au premier dans les thèmes comme dans les initiales ("Starry Stairs", suite directe de "Savannah Smile" placé à position égale sur le disque). Un 9 titres, tout comme The stage names, à peine maquillé en 11 par l'ajout inutile mais non handicapant de trois plages instrumentales d'entracte, finalement plutôt raccord avec les thèmes de la scène, des doublures (the stand ins) et des illusions. Un concept qui aurait pu se révéler un peu lourdaud sans la patte de génie de Will Sheff qui confirme à ceux qui en doutaient encore qu'il est l'un des storytellers les plus marquants de sa génération, reprenant ainsi le flambeau tendu par Dylan et Springsteen. Tout ce qu'il touche en ce début de siècle tourne au miracle, et The stand ins n'y fait pas exception.

Ce disque reprend là où l'autre s'était arrêté, sur le même souffle d'americana épique mais bouleversant, et il faut l'avouer, n'atteint pas le même niveau d'efficacité sur la longueur. Encore que 40 minutes ça n'est pas très long. Mais dès l'ouverture tout est dit. "Lost coastlines" est l'archétype de ce qu'est capable de produire Sheff, alors encore en duo avec Jonathan Meiburg (sur le point de départ pour Shearwater): une chanson à doubles guitares et lalalalas, un travail d'orfèvre au groove motown poignant, l'un des plus beaux titres jamais écrits par le groupe. Arrangements variés, structures décomposées, instruments originaux, tous les atouts de la pop orchestrée déversés sur des hymnes folk'n rock inégalés à ce jour. On en oublierait presque la voix de Sheff, tellement porteuse d'émotions mais qui ne tombe jamais dans le pathos, pas même lorsque le mélodramatique "On tour with Zykos" est évoqué grâce à des paroles dignes des plus grands poètes américains du 20ème. Ne vous attendez pas à un refrain, ici on raconte des histoires. Notons toutefois une nouveauté stylistique: l'essai à la power pop 80's façon REM sur l'inhabituellement enlevé "Pop lie", tout est dans le titre.

Dernière pièce maitresse et non des moindres, l'intitulé de titre (et l'une des chansons) de l'année, "Bruce Wayne Campbell interviewed on the roof of the Chelsea Hotel, 1979", hommage intemporel à l'icône rock glam gay mort du sida il y a quelques années. Une discussion tout en arpèges et harmonies vocales sur un air de Gainsbourg, dont Sheff est l'un des plus grands fans. Un goût des plus sûrs dont il avait déjà fait preuve l'année dernière en bouclant son Stage names d'un "John Allyn Smith sails" d'anthologie en double honneur envers le poète John Berryman et les Beach Boys. Témoin de cet engouement culturel, la page Youtube entièrement dédiée à des reprises acoustiques de The stand ins par les plus fidèles amis de Sheff. Citons entres autres A.C. Newman des New Pornographers (dont le "Lost coastlines" est un régal), David Vandervelde, Bon Inver ou Bird Of Youth, soit la crème de la crème de Jagjaguwar et consorts. Je n'ai plus qu'une seule crainte, qu'Okkervil River subisse un certain effet bobo façon Arcade Fire, et que le succès commercial à venir (c'est obligé) lui fasse perdre son souffle magique. On en est encore loin.

En bref : Rendant le projet The stage names plus abouti encore, ces deux faces complémentaires contiennent chacune leur perle et leur part de titres folk intemporels. Ca y est, Okkervil River est bel et bien indispensable.

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A lire aussi : Okkervil River - The stage names (2007) , Okkervil River - Down to the river of golden dreams

Le site officiel, le Myspace et la page Youtube remplie de reprises acoustiques
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"Lost coastlines" :

4 Comments:

Anonyme said...

Pour la référence à Arcade Fire, voulez vous dire que c'est un groupe commercial ?!

Mais pour Okkervil River, il n'y a pas de soucis à ce faire. En effet, ce n'est pas leur premier album, mais leur 5eme album (sans compter les EPs et autres chansons). Si ils tombent dans le commercial, ce dont je doute fort, on aura toujours 5 petites merveilles à ce régaler.

Ju said...

Non je ne dis pas qu'Arcade Fire est un groupe commercial, je dis juste que le succès commercial aidant, les groupes ont souvent d'avantage de moyens et se laissent aller vers de plus grosses productions, perdant un peu de leur folie d'origine. Mais rassures-toi, pour l'instant il n'en est rien, je faisais juste mon oiseau de mauvaise augure.

A bientôt cher Arcadien.

Ju

Anonyme said...

J'adore cette musique, c'est que du bon son !

Anonyme said...

C'est vrai que Neon Bible est bien différent de Funeral, et encore plus loin des premieres chansons d'Arcade Fire (de l'EP et de leur album de démo), mais c'est une sorte de 'continuitée', de 'lien' entre tout les albums, chose très pércéptible dans Okkervil River.