25 août 2008

Alexander Spence - Oar (1969)


Ce qui est bien avec cet album unique et ultra-culte d'Alexander "Skip" Spence, c'est qu'à l'aune du CV du bonhomme, est donnée l'occasion de passer en revue quelques groupes hippies de Frisco les plus excitants qui soient. Ainsi que de citer quelques autres leaders de groupes (plus ou moins) oubliés, également auteurs d'OVNIS musicaux aux confins de la lysergie mentale._
Donc, le sieur Spence, fut le batteur originel du Jefferson Airplane - un album d'ex-batteur ? Bigre, cela n'a rien d'engageant pour qui connait les croûtes de Ringo Starr ou Keith Moon malgré l'exception notable Dennis Wilson, batteur il est vrai  hors normes. Même si cette première mouture de l'Airplane n'avait encore rien d'exceptionnel , Grace Slick étant alors "remplacée" par une chanteuse oubliée. D'ailleurs, Skip n'y restera pas longtemps.
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D'un naturel violent et erratique, notre échevelé au cerveau ravagé par le LSD (vise la pochette d'obédience Mr Hyde chez Mamoulian) s'en va former le mythique Moby Grape, l'un des orchestres les plus violents et les plus suggestifs du Flower Power. Il y tient l'une des deux guitares du combo jusqu'au pétage de plomb qui s'ensuit lors de l'enregistrement de Wow (68), où muni d'une hâche, il revient tout casser dans le studio d'enregistrement. Oar, enregistré et produit tout seul après un séjour sous camisole de force, est l'objet d'un culte qui ne se dément pas auprès des routiers critiques, tels Philippe Garnier, qui dans son passionnant livre Les Coins Coupés (2001) en livre une anecdote qu'il est difficile de ne pas inscrire en panégyrique.
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Il est impossible de jouer les accords ouverts de ce disque folk déglingué sans avoir au préalable accordé sa guitare en ré voire en do (!) ; c'est en effet la sonorité sépulcrale et la tessiture grave de Spence alliés à son cerveau en bouillie qui commandent cela : Oar livre d'autant mieux ses richesses qu'il est joué sur une guitare pourrie à la lisière du faux. Jouées sur un tempo très lent - semblable à la démarche statufiée du zombie qu'il est devenu alors - les chansons se succèdent dans cette torpeur vide : "Little Hands", en choeurs faussement enjoués et décharnés, sert de mise en bouche, tandis que "Cripple Creek" et le très beau "Diana" font passer Léonard Cohen pour un castrat. "Weighted Down" ou l'expiation ultime révèle un semblant d'âme, de concience j'entends ; c'est peut-être le seul titre pour lequel on n'imagine pas Spence se donner les consignes à lui même dans le studio.
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Encore que l'album soit taillé, rongé dans l'os ; même s'il faut attendre l'excellent et gémi "War In Peace" où Skip s'affaire autour d'un solo de guitare et de roulements de batterie pour entendre le disque s'ouvrir vers d'autres sonorités, à la psyché toujours aussi troublée._
"Lawrence Of Euphoria" et "Books Of Moses" donnent en effet à entendre par leurs emprunts bibliques et leur chant de vieillard édenté et haletant, une sorte de Nick Cave embryonnaire, celui des obsessions blues. Comme une catharsis accomplie dans ce qui serait une salutaire et (très) brève lueur de lucidité sur son état._
L'épilogue fout la chair de poule, cela s'appelle "Grey/Afro" et consiste en une sorte de transe vaudou, avec thème obsédant dégringolant sur une batterie tribale, noyée de Flanger, ultime pied de nez sonique à ce disque qui tout en évoquant pléthore d'artistes ne ressemble à rien de connu.
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Ou alors peut-être à certaines oeuvres solo et atypiques, celle partiellement ratée de TS Bonniwell (ex-Music Machine) ou bien celle très achevée de Mayo Thompson (Red Crayola). Assez curieusement, Alexander Spence n'est mort ni sous une voiture, ni pendu à une corde ou en se défenestrant ; il est tout bêtement décédé d'un cancer du poumon en 1991 !
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En bref : ce que pouvaient donner les ravages du LSD et une folk suppliciée. Si Syd Barrett n'avait pas été anglais.........
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"War In Peace" en écoute :


ainsi que "Grey/Afro"


2 Comments:

Ju said...

Spencer qui jouait aussi dans la première mouture du Quiksilver Messenger Service. Mais déjà plus dans celle là...

http://www.desoreillesdansbabylone.com/2007/01/quicksilver-messenger-service-happy_10.html

A+
Ju

M.Ceccaldi said...

on comprend mieux pourquoi certains artistes ne font qu'un album.....