26 février 2009

Wizzz! - Vol 2 Psychorama français 1966-70 (2009)

Il y a d'abord la pochette, qui ne saurait échapper au regard nostalgique de tout trentenaire qui se respecte. Là, en l'occurence, on est irrésistiblement attiré par le graphisme désuet du genre Comics Marvel, et par cette brunette aux airs de Mary Jane, la copine de Spiderman, qui donne clairement l'impression de nous inviter dans son comic strip («viens, petit trentenaire, dans mon comic strip, etc.»). Quand on retourne la pochette, c'est le choc : une suite de blazes aussi obscurs les uns que les autres (Jean et Janet, Bruno Leys, Guy Skornik, Chorus Reverendus, Zorgones, etc.). Ah si! je connais Brigitte Fontaine, quand même... Plus c'est obscur, plus c'est excitant, l'adage est bien connu. Le livret nous éclaire quand même un peu, en disant vouloir mettre en lumière la créativité d'artistes français qui, dans les années 60, n'ont pas succombé aux facilités niaiseuses de la mode Yéyé. « Marre d'Adamo ? Plein le cul de Sheila ? Ce nouveau recueil de titres rares et inédits exhumés des bas-fonds de la pop sixties made in france est pour vous !».
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L'album est copieux et enchaîne des titres tous aussi étonnants les uns que les autres, intelligemment contextualisés par un livret particulièrement soigné. Paroles et arrangements ont toujours, en effet, quelque chose de plus ou moins décalé, par rapport à la norme yéyé ; mais ça reste dans l'ensemble trés dansant, et pas du tout expérimentalo-rébarbatif. Il y a les proto-groupes, comme Zorgones, ancêtre de Magma, où évoluent des pointures comme Laurent Thibault (qui collaborera plus tard avec Bowie et Eno sur Low). Des embryons d'albums morts-nés, pour cause de producteur en cavale, comme l'excellent "Maintenant je suis un voyou", de Bruno Leys, qui, de dépit, deviendra illustrateur de pochettes de disque. Sans oublier Chorus Reverendus, avatar français sous acide des Mama's and Papa's, ou Guy Skornik, multiprimé au conservatoire national supérieur de musique de Paris, et reconverti dans la pop poético-hystérique, avant d'écrire pour les autres.
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L'album nous propose une expérience singulière. On se met immédiatement à danser quelque chose qui ressemble au twist de nos parents, mais ce qu'on entend est à mille lieux de la futilité décérébrée d'une Sheila, ou de la platitude mièvre d'un Adamo. Les arrangements sont, d'abord, autrement plus aventureux, tout en préservant un vrai sens du rythme. Les anomalies sonores sont, ensuite, nombreuses : dissonances, hurlements et cuivres hystériques sur l'halluciné "Des arbres de fer" de Guy Skornik, ondes Martenots (sorte d'ancêtre du synthétiseur) chez Bruno Leys. Les paroles, enfin, épuisent les possibles en matière de provocation : expériences érotico-chimiques fumeuses, inspirées de Reich (Zorgones), hypersensibilité trash pour Brigitte Fontaine ("Je suis inadaptée"), débilité volontaire et parodique pour Jean et Janet ("Je t'aime normal") , je m'enfoutisme érigé en principe éthique pour San Antonio ("J'aime ou j'emm..."), surréalisme outré pour Guy Skornik. Un directeur audacieux est à l'origine de bon nombre de ces titres, Richard Bennet, que Polydor remerciera élégamment , à cause d'un excès d'audace commercialement peu rentable. La compilation, d'ailleurs, lui est dédiée.
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En bref : Peut-on danser le twist sans avoir l'air con ? Réponse : Ouizzz! Un hommage mérité à la contre-culture pop des sixties françaises. J'en connais qui vont bouger leur derrière sans pudeur aucune.




 À noter : Le volume 1 est épuisé. Born bad a l'intention de le represser.
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Seul document dispo sur You tube (c'est dire!) :


2 Comments:

Anonyme said...

T'as des infos sur "San Antonio" ?

J'avais balancé 'J'aime ou j'emmerde' sur mon blog mais je n'avais rien trouvé d'autre sur cette chanson que son auteur : Philippe Nicaud...

M.Ceccaldi said...

En fait le morceau est extrait d'un album intitulé deconorama, dont l'idée a germé dans les cerveaux de Frédéric dard et richard bennet, directeur artistique de Polydor, lors d'un repas quelque peu alcoolisé. L'album est passé inaperçu, renié par Polydor qui le trouvait trop graveleux et choquant. Tu trouveras tous les détails de la genèse de cet album sur l'excellent livret de la compil.
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