03 novembre 2008

Mr Oizo - Lambs Anger (2008)

Après avoir cité Luis Buñuel à l’écran dans son long-métrage Steak en 2007, voici que Quentin Dupieux aka Mr Oizo rend un hommage encore plus appuyé au cinéaste espagnol sur la pochette de son nouvel album en singeant la scène la plus célèbre du Chien Andalou (1923). Sauf qu’ici, c’est la peluche Flat Eric, mise au placard depuis le tube “Flat Beat” composé pour une publicité Levi's en 1999, qui prend la place de Simone Maroeuil et se fait trancher l’œil au rasoir.

“L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers au poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule”, a écrit André Breton. Cette théorie du meurtre gratuit, Buñuel l’ a mise en image à plusieurs reprises. Comme dans L’Âge d’Or (1930), où un enfant se fait assassiner sans aucune raison valable. Ou, plus textuellement, dans Le Fantôme de la Liberté (1974), où une sorte de Lee Harvey Oswald dadaïste se poste dans un immeuble et s’amuse à vider son chargeur sur les passants. Et si ces représentations absolues de la subversion, directement issues de Sade, peuvent aujourd’hui paraître obsolètes (car mille fois éditées, glosées, et qui plus est parfaitement intégrées au patrimoine “officiel” de la littérature et du cinéma), nul ne peut mesurer l’effet viscéral de ces scènes sur nos inconscients. Et sur celui du créateur touche-à-tout qu’est Oizo.

On pourra reprocher au Parisien la prétention de ses références. Il n’empêche que, depuis ses débuts en 1997, il s’est imposé aux oreilles de la planète entière grâce à un travail de déconstruction qui, par bien des aspects, le rapproche du mouvement surréaliste et de son versant nihiliste. Reproduction obstinée d’ultra-sons à la limite de l’audible, morceaux-happening d’une minute de temps, science du titre choc : la découverte de chacun de ses disques s’apparente à une expérience éprouvante, entre torture et plaisir indicible de la transgression. Plus accessible et parfois même mélodique (si, si !), Lambs Anger, à paraître le 17 novembre, reste du pur Oizo : bancal, foutraque, et par moments sérieusement jouissif. Déjà téléchargé des milliers de fois sur le net, “Positif” est sans doute le morceau qui marquera le plus les esprits, et qui incarne le mieux la démarche du musicien. Introduit par un retentissant “Arrêtez de vous reproduire”, cette invective violemment hilarante ne dure que 2 minutes et 51 secondes. Un temps amplement suffisant pour qu’une voix féminine monocorde délivre aux auditeurs le message suivant : “Vous êtes des animaux / Vous allez crever”...

Au-delà de son caractère comique, l’album n’atteint pas les sommets de son précédent Moustache ou de son coup d’essai de 1999, Analog Worms Attack. Désormais signé chez Ed Banger et après avoir inspiré une bonne partie des pensionnaires du label, Oizo boucle la boucle en caricaturant lui-même le son lourd, saccadé et cheesy propre à l’écurie de Pedro Winter. L’ensemble est assez inégal mais contient une dose suffisante de bombes pour mériter d’être acquis. Sur “Cut Dick”, l’analogique volatile nous livre une funk détraquée et un solo de synthé pour enfant en mode “Cuivres”. Superbement incongru. “Gay Dentists” et “Jo” parodient brillamment la french touch filtrée des 90’s, tandis que l’impitoyable “Bruce Willis Is Dead” martyrise nos cortex à coup de sirènes et de beats hachés menu. Même le titre avec Uffie, très percussif, se révèle plutôt intéressant. Et je ne compte pourtant pas parmi les fans de cette jeune muse de la génération fluo. Bref, sans être l’album de l’année annoncé, Lambs Anger est truffé de bizarreries, souvent malsaines, qui remuent un peu notre routine électronique. Et c’est déjà bien.

En bref : Mr Oizo revient plus funky et moins expérimental pour un troisième album bougrement efficace, plein d’humour et de sauvagerie.



Cut Dick.mp3
Positif.mp3
Gay Dentists.mp3

Le trailer de l'album :


La page Myspace de Mr Oizo
La page Myspace et le site d'Ed Banger

A noter : Quentin Dupieux prépare actuellement son nouveau film, "Réalité", qui sortira en 2009.

5 Comments:

M.Ceccaldi said...

je n'ai jamais pu regarder cette scène du chien andalou ; j'espère que je pourrais au moins écouter le disque.

Victor said...

Je suis d'accord avec toi. Pour moi, le meilleur titre est "Pourriture 2". Très mélodieux, très dansant, j'adore. Pour moi, un des albums de l'année :)
Victor

Ju said...

"prétention", "reproduction obstinée d’ultra-sons à la limite de l’audible", "expérience éprouvante", "torture", "caricaturant", "malsaines" Je te cite et t'avoues que c'est ce que j'ai retenu de ma première écoute à jeun de ce disque que je dois chroniquer pour Longueur D'Ondes. Et puis finalement, ça passe, et ça devient même agréable en effet. Mais je ne suis pas ultra fan non plus, trop décousu.
A+
Ju

Dave said...

Evidemment, Ju, pour un fan de mélodies ciselées et intimistes, ce n'est pas un disque très indiqué. De toutes façons les disques d'Oizo sont toujours décousus et bordéliques, c'est ce qui fait leur charme.
Mais pour être honnête, je ne sais pas si je réécouterai l'album entier. Juste quelques morceaux, ça suffira.
A+

Anonyme said...

moi j'ai vraiment adoré ce disque, plein de recoins et de tiroirs, hyper drôle et décalé, un peu comme son film STEAK (avoir absolument !!)