22 novembre 2008

Alain Bashung - Les Passagers du Zinc / Avignon (20/11/08)


Soirée empreinte de grâce et d'émotion hier à la salle des Fêtes de Montfavet. Emotion, pour les raisons que tout le monde sait et qu'il n'est besoin de rappeler, grâce, parce que le grand Alain a fait preuve tout au long de sa prestation d'un magnétisme, d'un charisme palpables !

Une fois pris le relais de Chloé Mons, artiste radicale au show dépouillé (Mme Bashung à la ville), place au maître, au fabuleux musicien interprète, dont le talent, à l'aune de la superbe sculpture sonore qui l'entoure (j'y reviens), est toujours à son zénith.

HIPHOP aurait apprécié : le set, qui bien entendu met en avant le dernier né Bleu Pétrole, est lancé par le vibrant "Comme Un Lego", où Bashung, seul à la guitare, avant que ses musiciens avec beaucoup de retenue ne lui emboîtent le pas, tient la salle archi-comble, en haleine. Sur un texte très littéraire -c'est d'ailleurs la majorité de ce qu'il nous sera donné d'écouter, l'artiste au timbre puissamment intact, émeut, captive et lance la soirée.
S'ensuit ma préférée "Je T'ai Manqué", chanson d'une beauté à couper le souffle (single de l'année ? On est en droit de se le demander !) où les délicats arrangements de violoncelle - instrument tuant et à la richesse inégalée, j'y reviens - la contrebasse, sont autant de supports rythmiques que d'arrangements racés.
Changement de tempo avec un "Hier A Sousse" enlevé qui préfigure l'un des morceaux de bravoure de Fantaisies Militaires (98), album fédérateur s'il en est, j'ai nommé "Mes Prisons". Cette chanson est faite de stridences de guitares admirablement bien rendues, et d'une mélopée survoltée, sous les doigts du violoncelliste qui fait sonner son instrument comme bon lui semble ; c'est-à-dire comme un instrument à cordes, mais aussi comme rien d'entendu auparavant !
Le summum intervient sur "Légère éclaircie", unique extrait du fabuleux Novice (89), fruit de la collaboration éclairée d'Alain et de Colin Newman (let's panic later toujours !), et je comprends à présent comment et pourquoi l'artiste a décidé de se passer de claviers pour interpréter ses premières oeuvres new wave : la tessiture du violoncelle alliée à de savants effets irréels remplacent avantageusement les synthés glaçants et parfois datés de l'oeuvre originelle. JiPé ne manque pas d'ailleurs de tressaillir sous les coups de boutoir de la chanson ("Secouez, secouez-moi avec méthode / Secouez, secouez moi aux antipodes").

Le même traitement a préalablement été infligé à "Volontaire" ( Play Blessures (82), écrit à quatre mains avec Gainsbourg), et le résultat, proprement stupéfiant -faire sonner une oeuvre aussi froide en un sommet de musique organique et acoustique !- nous a donné le ton !
Bashung dans tout ça ? Immergé comme on peut l'être dans une musique aussi dense et riche, jouant de ses doigts pour battre la mesure comme d'un étrange ballet, heureux et ému du formidable retour que lui envoie le public. Et d'interpréter toutes ses vieilles scies -"J'passe Pour Une Caravane", "Osez Joséphine", "La Nuit Je Mens", et même "Vertige de l'Amour" (l'un des plus grands singles des 80's, on est d'accord !- avec le même bonheur !

D'ailleurs, j'évoque "Osez Joséphine" : ses avalanches de bottleneck seront autant de respirations dans un intermède country plutôt rassérénant, en raison de la gravité émotionnelle de la musique de Bashung. Lequel a mentionné dès le début du concert que "des chansons que[vous connaissez] et d'autres, peut-être pas, [ seraient] jouées ce soir."

Et d'envoyer ainsi la reprise du "Everybody's Talkin' " de Fred Neil, revisitée par Nilsson, ce qui le fait sourire sur le fait qu'une bonne partie de l'assistance a déjà fredonné cette ritournelle entendue dans Macadam CowBoy ; eh oui Alain, ton succès auprès des jeunes a beau ne pas se démentir, tu ne disposes pas moins d'une frange dure de quadras et de quinquas venus t'applaudir !
Tout, c'est bien entendu ne peut être entendu lors d'un même concert, et notamment certaines oeuvres plus radicales et plus anciennes, mentionnées plus haut ; réjouissons-nous quand même d'avoir pu écouter in extremis le divin "Malaxe", qui amputé de son Hammond n'en reste pas moins trippant ("Entre tes doigts l'argile prend forme / "L'homme de demain sera hors-norme")!
2 impressions finales et qui résument l'affaire : oui, que l'on donne , comme dans sa chanson, des années à Bashung pour le disputer à ce maudit crabe et nous ensorceler encore d'albums enivrants !
Ma deuxième pensée, plus universelle, concerne notre position de simples français, dans l'univers de la pop. Si souvent raillés, et tout juste nantis d'une certaine crédibilité depuis les renouveaux lounge et disco, la France peut s'enorgueillir de disposer dans ses rangs d'artistes aux confins de la pop et de la variété (oh, le gros mot ! Et pourtant, le mot pop veut dire "populaire"), sachant distiller une musique unique en son genre qui part de Manset jusqu'à Dutronc, de Polnareff à Murat, en passant par Christophe, Ferrer ou Sheller (rajoutez-y plein d'autres noms, mais pas Garou ni Benabar hein ?).

Et si c'était ça l'exception cuturelle ? Au fait merci pour tout, monsieur Bashung, et vivement le prochain album, la prochaine tournée !

la chronique de Bleu Pétrole à relire

2 Comments:

M.Ceccaldi said...

Tout ça est vraiment trés émouvant!
Un concert raconté avec une précision redoutable par un fan absolu. Et après on dira que les blogs c'est des petits amateurs rigolos qui font pas le poids à côté de la presse musicale professionelle !
ma préférée reste tjs "comme un légo", mais j'adore "tant de nuits» : «mon ange je t'ai trahi...» jamais bénabar+garou+delerm n'arriveront à une telle poésie, avec leurs problèmes de trous du cul trentenaires.
Bises
J

Nickx said...

Les coeurs babyloniens saignent ce soir...