08 décembre 2008

The Jesus Lizard - Shot (1996)

Et si c'était lui, l'album de rock ultime?
The Jesus Lizard (et non Jesus Lizard comme le groupe se plaignait souvent qu'on l'appelât), était une formation punk bruitiste,  apparue à l'orée des 90's qui devait bien sûr un tribut certain aux pionniers hardcore US tels Hüsker Dü et autres Dead Kennedys.
Le point fort du groupe-aux-titres-d'albums-en-quatre-lettres qui a souvent mis le feu aux différents Lollapalooza Tour,  c'est qu'il était composé de quatre personnalités marquantes, musiciens importants et non interchangeables. Au delà d'un batteur racé et d'un bassiste débonnaire, le groupe du chanteur cintré David Yow, comptait également dans ses rangs l'un des plus subtils guitaristes qui soient, l'essentiel Duane Denison.
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Mais on ne saurait aborder l'univers de l'un des groupes fétiches de Steve Albini, pour la première fois absent sur ce disque fondateur, sans évoquer la psyché complètement outrée et sauvage de David Yow. Le chanteur de The Jesus Lizard faisait partie de ces frontmen qui sont pour beaucoup dans la dimension scénique de leur groupe. Ses performances live, à l'image de ses textes, évoquaient le stupre, l'aliénation, les sévices, un comportement extrême qui pour certains témoins, faisaient passer Lux Interior ou le Iggy Pop séminal pour d'aimables plaisantins._
Sexe, sang, sueur......pas la peine d'aller chercher des références littéraires du côté de Kerouac ou du Ginsberg chez ce combo radical. Sur scène, Yow se baladait suant, torse nu, dévoilant sa bite à l'occasion - ce qui était bien la moindre des choses pour ce qui était de l'acte d'uriner en live, dont l'intransigeant chanteur avait fait sa marque de fabrique.
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Si les disques précédents, parus chez l'indépendant Touch And Go avaient fait leur effet et, pour les meilleurs d'entre eux, Liar (1992) et Down (94), dénotaient une adresse mélodique confondue dans une sauvagerie sans égale et concise (albums atteignant à peine les 40'), Shot, paru chez la multinationale Capitol, allait magnifier le son bordélique de ces vilains garçons, et ainsi simplement du fait d'une production moins rudimentaire,  rendre justice aux meilleurs hymnes du groupe.
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Sur des accords cisaillants, secs comme des dermes tailladés de lames de rasoir,"Thumper", permettait d'emblée d'affirmer deux choses : Duane Denison n''était pas un guitariste lambda, balançant des riffs punky en bougeant des vertèbres façon Linda Blair. Son jeu, subtil et minimaliste, devait beaucoup au jazz et nombre de ses soli restituaient cette évidence.
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Ensuite, David Yow dont les borborygmes étaient précédemment noyés dans des mix approximatifs, -mais il hurlait plus qu'il ne chantait - a repris le flambeau d'un Johnny Rotten insolent et sarcastique, avec des inflexions démentes, au sens clinique du terme._Le (presque) morceau-titre, "Blue Shot", offre l'une de ces attaques basse-guitare que les Jesus Lizard affectionnent. Tempo saccadé, harmoniques entêtantes, et ce chant d'épileptique où l'on jurerait entendre "possédé" en lieu et place du "passodils" de la chanson._
C'est tout juste si les trainées de slide de "Thumbscrews" et l'accalmie de ses breaks parviennent à  faire oublier combien ce morceau est dangereux.
Les guitares acides en mode Killing Joke - une autre référence évidente- emportent sur une fausse piste à l'écoute de l'intro de "Good Riddance" jusqu'à l'assaut du refrain, où le choix délibéré du faux sied au chant maniaque de David Yow.

_On pourrait ainsi toutes les passer en revue : qu'il s'agisse des breaks de basse malades, des scansions de "Skull Of A German", de l'ébouriffant "More Beautiful Than Barbie" qui balaye tout sur son passage, des digressions jazz de "Too Bad About The Fire", du démoniaque "Now Then" au blues tordu de "Pervertedly Slow"...tout ici n'est que pure folie non feinte.
Après l'écoute de ce disque, tous les groupes de jeunots agités qui revendiquaient une éthique destroy (cf les Vines et leur chanteur autiste à la noix) prêteraient évidemment à rire.
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En bref : un disque toxique, contagieux, sexuel, moite, traversé de fulgurantes et décalées parties de guitare, et assaisonné du chant le plus malsain entendu depuis les Pistols. Le hardcore transcendé par un sens mélodique hors pair.
 


_A lire aussi : Jane's Addiction - Ritual de lo habitual (1990)
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"Thumbscrews" :

1 Comment:

Nickx said...

Réécouté ça ce week-end, une pure tuerie !

Grand groupe évoqué la larme à l'oeil avec HIPHOP lors des on anniversaire.

Larme à l'oeil car Jé n'a pu recueiilir la précieuse urine de David Yow lorsqu'il eut la chanse de les voir !