11 mai 2009

Magnetix - Positively Negative (2009)

J'estime trop le genre pour vous infliger les clichés habituels sur le rock garage qui sent la bière et la sueur, interprété par des faux débiles qui prennent un malin plaisir à mal jouer et mal chanter. Le garage sixties, c'est comme le psychédélisme : il s'agit de capter quelque chose qui échappait au rock fifties de papa. Capter des forces souterraines, primaires, des affects, des sensations, en deçà du langage. Ce que l'on peut dire, pourquoi le mettre en musique ?

Bon, tout ça c'est trés beau mais ça ne fait pas un groupe. Il faut beaucoup de talent pour se permettre de sonner comme dans un garage, et Magnetix n'en manque pas. Magnetix c'est Looch vibrato, et sa Fender Jazzmaster 66', et Aggy Sonora, et sa batterie Maya d'époque. Un groupe bicéphale issu de la scène garage bordelaise, qui tourne depuis 10 ans, a signé avec Born bad, et réalise, avec Positively négative, son deuxième LP.

Indéniablement garage, Magnetix a su, au demeurant, définir un style original, qui le distingue fortement au sein du revival garage contemporain. Le son Magnetix joue sur des effets d'hypersaturation, sans jamais verser dans l'esthétique hard rock. Historiquement la saturation est un objet de fascination pour le garage d'avant la pédale fuzz. Les Sonics se débrouillent comme ils peuvent pour saturer tous leurs sons, y compris leur saxophone. C'est dans cet esprit que les Magnetix conçoivent leur musique, davantage que dans un esprit lo-fi. On dirait que les cordes vocales de Looch Vibrato sont branchées sur une pédale fuzz, et on est impressionné par sa capacité à moduler l'effet. La guitare, bien entendu, déploie toute une gamme de nuances saturées, et ce jusqu'à l'extrême, où l'on a l'impression, parfois, qu'il y a plus de saturation que de guitare. On flirte, de temps à autre, avec quelquechose comme la noise music. La batterie est basique, souvent lourde au possible, sans être métallique ni trés explosive.

Bref, amateurs de voix riches en harmoniques, d'arpèges délicats, et d'expérimentations rythmiques, passez votre chemin... Ce qui ne signifie pas, pour autant, que notre couple magnétique poursuit cet idéal de musique simple et direct à la Ramones, et tel que les Black lips l'ont réactualisé.

Ça démarre trés fort avec ce qui constitue probablement LE morçeau de l'album : "Living in a box". Un riff lancinant et poisseux en ouverture , repris par les voix, puis soutenu par une guitare heavy et une batterie lente et éléphantesque, structure les couplets. De multiples breaks, servis tantôt par un fuzz extrême tantôt par une guitare claire et légérement reverbérée, introduisent le refrain, et nous font basculer dans un rythme plus rapide et syncopé, typiquemment sixties. Bel exercice de style, et qu'on ne se lasse pas de réécouter, entraîné par ses accélérations et décélérations. Qui a dit que le garage c'était bourrin ?

Après un intermède bien graveleux et assez marrant, où Looch Vibrato, de sa voix de pervers polymorphe bien crade nous raconte l'histoire d'une «UFO invasion in the fornication » ("Stranger in a dark"), puis un hommage récréatif au garage des anciens ("Stop to think"), nouveau morceau de bravoure nihiliste : "Mort clinique". Une guitare hypersaturée nous balance un riff minimal, relayé par... une guitare sèche, et ça fonctionne. La chanson est en français, et on se croirait, tout à coup, dans le futur volume III de la compil Wizz. Le second degré est de mise : «Je n'ai pas envie d'être en vie, quand les portes claquent de la nuit». Cette excellente face A se termine sur le trés dançant "Positively negative", où les larsen criards se mêlent à un clavier vintage particulièrement entraînant.

La face B ne nous caresse pas dans le sens du poil, avec "Head off" et "Trop tard", tous deux caractérisés par une voix blanche accordée au plus bas, et la vrille "Third eye", son rythme tachycardique et sa guitare hyperabrasive. Le continuum saturé de "Real Man" rappelle l'atmosphère brumeuse du crépitant "Ghost rider" des Suicide. Retour à des lignes mélodiques plus élaborées pour les potentiellement tubesques "HTA-TNT" et surtout "Hand's Lines". Les amateurs de mélodies trouveront, au final, aussi leur compte. L'humour conclut cette face B, avec un "Nonsense" instrumental qui vibre au son d'un orgue funéraire.

En bref : Un rock garage, à la fois élaboré et primitif, méchant et drôle, varié dans ses registres, qui expérimente les limites du musical, et touche directement le système nerveux. Une voix inimitable, qui serait celle d'un cerveau reptilien, s'il pouvait parler.


"Living in a box" :

2 Comments:

Quentin said...

Bon. Je les ai vu en concert il y a de ça peut être un mois et demi. Je dois t'avouer, c'est loin d'être ma tasse de thé... en effet, ton analyse me semble juste, le son est tel que tu le décris, mais alors en concert ça devient insupportable au bout de 5 chansons. On a tout juste l'impression d'avoir le cerveau écrasé, réduit en bouillie, et pas seulement à cause du son... le style minimaliste peut être intéressant, voir les White Stripes, mais là il devient un peu ridicule, les artistes semblent dans leur trip et le public est un peu pantois. Abrutissant à la longue, Magnetix est quand même un peu trop lourdingue. Je précise cela dit que je fais relativement partie des "amateurs de voix riches en harmoniques, d'arpèges délicats, et d'expérimentations rythmiques", mais je suis en général assez ouvert à d'autres expérimentations. Celle-ci me laisse un peu de marbre.

M.Ceccaldi said...

perso je ne les ai pas vu en concert, mais il est trés possible, que hors studio, sans les ressources du mixage, leur compos outrepassent franchement les limites du musical et de l'audible...je veux bien te croire. Mais je trouve que l'album parvient à ne pas être abrutissant, en variant suffisamment les sonorités, les effets et les registres. ou alors c'est mon oreille qui est davantage désensibilisée que la tienne aux outrances hardcore ou bruitistes...