11 février 2009

Yagya - Rigning (2009)

Le mouvement dub-techno, s’il ne date pas d’hier, ne s’est peut-être jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui. Sous des formes diverses, voire antithétiques, il déploie désormais ses ramifications dans le monde entier sauf (détail d’importance) en Jamaïque. Alors que des producteurs assimilés au genre refusent toute affiliation au dub et préfèrent parler de deep-techno (cf Interview de BvDub), d’autres gardent des liens forts avec le reggae roots (Beat Pharmacy, Rythm & Sound...), et d’autres encore conçoivent leur musique comme une forme spécifique d’ambient. C’est le cas de l’Islandais Adalsteinn Gudmundsson, alias Yagya, dont voici le troisième album solo.

“Rigning” signifie “pluie” en islandais. C’est le titre de toutes les plages du disque, qui sont numérotées d’1 à 8 pour la version vinyle et d’1 à 10 pour le CD. C’est aussi le fil conducteur de cette symphonie qui fonctionne comme une seule entité et non comme une succession de tracks distincts. Du début à la fin, la présence latente de sons aquatiques concrets sous toutes leurs formes révèle l’approche naturaliste de Yagya, qui oeuvre dans la lignée de Brian Eno et surtout de Gas, le projet de Wolfgang Voigt dont les quatre albums ont récemment été réédité sur Kompakt (Nah und Fern box set - 2008).

En écoutant Rigning, j’ai pensé aux paysages fantomatiques de Turner et de tous ces peintres, souvent britanniques, qui ont fait des brumes flottantes l’essence de leur travail. J’ai aussi pensé aux aquarelles marines. Comme elles, cet album organise l’interpénétration de couleurs diluées (ici à dominantes blanche et bleue), et se focalise sur la ligne d’horizon où mer et ciel se confondent. Pour l’essentiel, la palette du mélodiste est composée d’un camaïeu de nappes de synthé immersives et propices aux frissons. En la matière, il faut reconnaître que Gudmundsson n’a pas d’équivalent, à l’exception de Kaito (Hiroshi Watanabe), dont le travail est finalement assez proche.

Les basses et les rythmiques dub-techno émergent sur quasiment tous les titres, mais presque toujours en sourdine, et elles ne servent qu’à structurer cette longue rêverie et à souligner les variations de ses textures atmosphériques. Pour le coup, on est très loin du son référentiel de Basic Channel et de son hypnose percussive. Selon l’humeur et les conditions d’écoute, Rigning pourra paraître chiant, médiocre ou prodigieux. Impossible, par exemple, de l’écouter dans le métro ou de le diffuser en “fond sonore”: un monde de détails vous échapperait. C’est dans la solitude, et à fort volume, que cette heure de félicité glaçante se doit d’être dégustée.

En bref : Rigning est une symphonie ambient panthéiste et naturaliste, empruntant juste ce qu’il faut à la techno et au dub pour structurer ses digressions aquatiques. Un album de saison, humide et scotchant.



Yagya - Rigning 5.mp3

Le Myspace de Yagya
Le site et le Myspace du label néerlandais Sending Orbs

“Rigning 2” :

2 Comments:

Ju said...

Ouais, moi je dirais plutôt que ce disque vaut ce qu'il vaut (-;

Non sérieux j'aime bien, sans faire gafe j'avais le caisson de basses branché et du coup c'est assez profond...

A+
Ju

No said...

Dommage que je ne l'ai pas entendu avant la playlist "Aquatique" des morceaux de 2008/2009 . Je l'aurai bien intégré ! Thanks anyway!