27 octobre 2008

Ui - Sidelong (1995)

Sous cette sympathique illustration de poupées "vaudou" façon premier Gun Club ou deuxième Violent Femmes se cache l'un des combos US les plus intrigants de la seconde moitié des 90's.
Petit rappel, en ces temps finalement troublés où beaucoup de choses intéressantes mais également de courants foireux et morts-nés façon trip-hop et grunge sont apparus, un autre genre musical, instrumental celui-là, fit florès, le nommé paresseusement "post-rock", et qui, jusqu'à la naissance des ineptes étiquettes de "stoner" ou  d'"anti-folk" (?) pouvait prétendre à la terminologie rock la plus débile qui soit.

C'est à Chicago donc, entre autres, qu'un trio laborantin se proposa de recréer les sonorités avant-gardistes des pionniers Liquid Liquid des 80's, où funk, dub et noise seraient concassés de la manière la plus cool possible. A cette époque, et au sein d'une scène incestueuse se côtoient aux confins d'icelle, le shoegazing lo-fi d'un Slint -plus proche des préoccupations bruitistes d'un Sonic Youth, il est vrai- l'ambient jazzy parfois bas du front d'un Tortoise, et éventuellement le swing plus souple de Morphine.
C'est sans doute à un crossover de ces deux derniers groupes qui connurent leur petit succès indé que se reconnait la musique des orfèvres de Ui ; comme les premiers, ils partagent les atmosphères cotonneuses, cinématographiques d'une froideur toute urbaine et contemplative. Tandis qu'aux seconds, les lie ce sens du rythme syncopé drivé par un télescopage de basses et de batteries parfois tribales, que viennent parfois contrarier quelques notes de guitare ou un riff de sax.

Ce premier album, le premier d'une série de quatre (le groupe a splitté en 2003) est de loin le plus achevé et le plus fascinant. Sacha Frere-Jones tire de sa basse (l'instrument moteur de Ui) d'envoûtants motifs tantôt funky tantôt jazz. "August Song" commence comme une mélopée désenchantée, rythmée mais monocorde qui donne à découvrir l'atmosphère blafarde du disque. "The Long Egg" poursuit sur cette voie paranoïaque mais cette fois ci ne feint pas l'agressivité en ruant dans les brancards. Sur "Sexy Photograph" et ses percus tribales s'élève les psalmodies hurlantes d'un Frere-Jones possédé - et ici toute idée, même lointaine, de mélodie est absente. On ne va pas revenir sur les sempiternelles tables de la loi new wave, mais il est certain que les fantômes de PIL , Ruts ou Basement 5, sont évidentes à l'écoute de Sidelong.
Juste après la languide "Top Requests" qui a sans doute traumatisé Mogwai, c'est un bizarroïde et glaçant "Golden Child" qui vient entrer en collision dans ce bel édifice post-rock, avec à nouveau la voix déformée façon Munch de Frere-Jones.

La face B, puisqu'il s'agit là encore d'un bon vieux vinyle et que l'on n'imagine pas une écoute exhaustive de ce disque sans une petite pause rassérénante, s'ouvre sur un nouvel instru jazz assez enlevé ("The Piano") sur lequel viennent se heurter à nouveau deux instrumentaux de dub diaphanes, "Painted Hill" et "Drive Towards The Smoke", empreints d'un son ouaté comme pour mieux se protéger, la main sur les oreilles, de l'agressivité des sons urbains.
"Johnny", curieuse boucle sur deux accords de guitare et rythmée de claves, achève ce disque curieux, abrupt et inclassable, et à bien des égards fascinant.

En bref : Peut-être la pierre angulaire de ce genre qu'on appela autrefois post-rock, que l'on pourrait assimiler à certaines pièces krautrock de Can ou Neu! ; un disque urbain, froid qui rappelle les grandes heures de la new wave instrumentale.

une reprise saisissante du "Out" de Liquid Liquid en concert.

1 Comment:

Ju said...

On dirait la même pochette que le 4Hero également :
http://www.desoreillesdansbabylone.com/2008/06/4-hero-two-pages-1998.html
A+
ju