09 octobre 2008

Bon Iver - Live au Grand Mix de Tourcoing, le 05/10/08

L'excellent festival R.A.D.A.R., proposé par le Grand Mix de Tourcoing, offre déjà un cadre exceptionnel au folk austère de Bon Iver. Austère? Pas ce soir, et pas au Grand Mix. Des motifs uniques (bouches, coquillages,...) sont projetés en noir et blanc sur des écrans transparents ultra-contemporains. Ca nous rappelle Arcade Fire. Le lightshow de star, avec panneaux réfléchissants et couleurs balancées avec goût caresse la scène avant l'arrivée du folkeux solitaire. Solitaire? Sur scène on voit plusieurs guitares, par ailleurs électriques, quatre micros, deux batteries, et des machines. Voici quelqu'un qui s'est intelligemment posé la question du passage à la scène.

Et il y répond par la prise de risque, qui s'avère totalement payante puisque nous ressortirons l'oreille engourdie, l'oeil humide, la bouche bée. Les quatre barbus ouvrent le concert avec "Lump Sum", et le parti pris se fait d'emblée évident. Les chansons seront amplifiées et étirées. Les musiciens prennent tout leur temps à passer les entrées, les ponts et les sorties. Ils prennent un soin minutieux à dessiner les espaces avant de les investir. Et là le post-rock n'est pas loin. Nous traversons même ses territoires, par de longs passages instrumentaux faits d'échos de machines, de crescendos intenses et de ruptures bruitistes.
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Le groupe joue deux inédits. Le premier est particulièrement rock, et dénote d'une véritable composition de groupe. Bon Iver semble sorti de son isolement volontaire, et c'est beau à voir. Il avait enregistré son disque For Emma, Forever Ago seul ou quasiment, reclus dans la forêt durant les mois d'hiver. La douleur des ruptures est radicale. Il y avait créé avec sa seule voix de bouleversantes polyphonies teintées de soul et de chants d'église. Et nous avions placé, avant même d'arriver à Tourcoing, toutes nos attentes sur ces polyphonies. Nous craignions alors de voir les chansons de Bon Iver, que nous pensions voir seul sur scène, perdre de leur intensité, chantées à voix unique. Or au contraire le groupe leur donne non seulement une ampleur instrumentale toute nouvelle, mais il restitue aussi avec une justesse impressionnante toute la beauté de ces superpositions de voix. Les musiciens sont tous chanteurs, excellents chanteurs, et leur voix atteignent des sommets de beauté sur "Skinny Love" ou "The Wolves," où ils sont absolument émouvants de solidarité, de générosité et de sincérité.
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Puis au moment de jouer le magnifique "Re:Stacks" au rappel, Bon Iver nous surprend encore là où on ne l'attendait plus, dans un retour à l'austérité. Une voix, une guitare, un projecteur. Et l'émotion ne tient qu'à peu de choses, à son front posé sur le micro, à ses sourcils infléchis... et surtout à cette sublime voix de tête, encore plus impressionnante maintenant qu'elle est totalement dénuée. Le silence dans la salle est religieux. Les larmes perlent au sommet des joues. Et le groupe revient pour interpréter "For Emma," seul titre orchestré sur le disque, seul rayon de lumière dans l'obscurité hivernale, qui prend ici tout son sens. Nous avons assisté au moment précis où la lumière révèle l'obscurité. Oui, impressionnant.
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Son myspace, et son site
Re:Stacks, moment magique capté par une spectatrice:

1 Comment:

Ju said...

Cooooool ! J'écoute For Emma depuis quelques temps et une chronique était même en préparation...