14 décembre 2009

Beach House - Devotion (2008)

Alors que tout le monde attend déjà Teen Dream le troisième album du couple de Baltimore, revenons un peu et si vous le voulez bien sur son prédécesseur sorti l’année dernière. Baltimore on le sait est devenue ces dernières année le temple du rock expérimental, avec en chefs de file Animal Collective bien-sûr, mais aussi Dan Deacon et Future Islands. Alex Scally et Victoria Legrand (nièce de Michel) à cette époque font encore dans un registre plus simple, et donc plus casse gueule, la dream pop. Minimaliste, leur musique l’est assurément. De petits rythmes électroniques assez lents, des accords rarissimes, des guitares sous réverb permanente, soit une retenue de chaque instant qui inspire au recueillement. Pas de grandes enflammades ici donc, mais des mélodies de chambre léthargiques qui poussent au cocooning, avec chocolat chaud et couverture en laine en option.

Le duo Franco / Américain à la ville comme à la maison a tout pour énerver. Jeunes, beaux, ils voient la musique comme un médium libérateur. Leurs thèmes ? L’évasion, la jeunesse, l’amour, l’absence. Classique donc. Oui mais le tout traité avec un raffinement que l’on croyait avoir perdu depuis les Cocteau Twins, Nico et autres Low. Une tendance au slow core mélancolique mise en relief par une voix éthérée et magnifique comme on a rarement l’occasion d’en entendre. Victoria envoûte littéralement par sa délicatesse sur ces rythmiques en grève. Allez, on croirait presque entendre Mazzy Star.

L’album on s’en doute débute tranquillement mais ne perd pas de temps non plus pour envoyer l’une des bombes de 2008, "Gila". Le morceau est tout simplement éblouissant, irrésistible et surtout en état de grâce permanente. Les "Oh oh oh" plaintifs de Victoria vont au-delà des mots, et la guitare d’Alex est en lévitation. Dur de s’en remettre. Pourtant il faut bien continuer et déguster la valse macabre et vaporeuse qu’est "Holy dances". Autre tuerie de ce disque, le grand "Darling" tout droit sorti des sixties et près à vous avaler dans son ambiance slidée. Comble du bon goût, cette reprise de Daniel Johnston, "Some things last a long time". Et Beach House devrait encore durer longtemps.

En bref : pénétrez l’ambiance d’un dimanche après-midi au coin du feu, caressé par une sieste musicale magistralement interprétée, et un climax au sommet.





A lire aussi : Low - The Great Destroyer (2005)

Le Myspace

Jayne Mansfield pour ce clip surnaturel de l'immense "Gila" :


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07 décembre 2009

Pulp - Separations (1992)

L’histoire de cette chronique a peu ou prou suivi celle du disque dont il est question. Et son sujet mon histoire personnelle. Soit une mise en abîme vertigineuse qui me replonge dans un état particulier à chaque fois que je l’écoute, on s’en doute. L’on pourrait presque sous-titrer "tiré d’une histoire vraie". Separations est le troisième album de Pulp, après It en 1983 et Freaks en 1987, alors que le groupe est créé depuis 1978. Leur musique est trop sombre et ne touche qu’un petit public, le jeune Jarvis Cooker sort d’une désillusion amoureuse, et son groupe par manque de succès risque à tout moment de se séparer lui aussi. Dernier tir avant d’emprunter le tunnel de lumière, Separations devait mettre fin sur le papier à la carrière du groupe anglais. Il mettra énormément de temps à voir le jour, mais fixera à jamais le style Pulp à venir. Et si l’on n’en est pas encore à la puissance créative de Different Class, Separations permet surtout une chose, enfin découvrir cachée derrière le vernis la personnalité du plus emblématique des middle class hero, le charismatique Jarvis Cooker, qui découvre alors et dans un même temps sa voix et les douleurs de l’âme en peine. Et ce mélange des deux de devenir un classique de la pop britannique.

Il faut dire que le disque ne perd pas de temps pour entrer en matière, en alignant deux monuments en première ligne, le désespéré et bien nommé "Love is blind" suivi par la superbe tentative de récupération ratée (et encore une fois bien nommée) "Don’t you want me anymore". Pour la première, les retrouvailles avec le groupe depuis cinq ans sont directes. Une ligne de basse, un lyrisme crescendo, et des sonorités toujours un peu kitsch, comme l’amour finalement. Assimilé à une sorte de glam new rave à sa sortie, Separations propose quelque chose de vraiment original. Et bien-sûr, Jarvis qui chante, ou plutôt qui parle, qui débite même. Et qui balance ces "Nanana" désespérés tel un loup qui hurlerait à la lune. Qui n’est pas pris en étaux par ce chant n’a pas de cœur. Et la deuxième donc, ce refus de la réalité, classique étape du cycle du deuil : le marchandage. Jarvis se dirige vers son ex et compte lui montrer "qui est le maître". Ces paroles sont tout simplement parfaites : "You’re gonna love me, more than ever / And the sun will shine again / And I will kiss you face, and I will make you smile again". La suite : "Oh no I can’t, I can’t believe what’s happening / There must be some mistakes / You find yourself another lover, and you’re glad we made the break". Jarvis ne chante pas, il joue son personnage comme au théâtre. Hélas on sait sa tentative vouée à l’échec.

Ensuite dans Separations il y a d’autres morceaux passionnants et romantiques. "She’s dead" par exemple, incroyable de mélancolie, mais aussi "Down to the river" et sa tristesse absolue. Il y a aussi "My legendary girlfriend" ce morceau bancal et discoïde, avec une intro que l’on croirait tirée d’un Barry White. Une musique étrange, avec des souffles rauques, des cris et des sifflements, qui ont eu tellement de portée qu’un groupe s’est nommé comme ça. Après toutes ces présentations, il reste encore les trois derniers morceaux de bravoure de l’album. Trois titres monstrueux, à commencer par "Countdown". Encore une fois ce son disco, et un Jarvis qui continue d’endurer les dix plaies d’Egypte. Il prend la réalité en pleine figure et sait que son heure est comptée. Le nouveau Scott Walker en mode voûté et longiligne déballe ses détails cyniques sur la rupture et en fait des hymnes nostalgiques à toute épreuve, y compris celle du temps.

"Death II". Un titre à damner un Saint. Le sommet du disque. Maintenant Jarvis est seul, il erre dans les bars pour boire et draguer, mais il n’y arrive pas et continue d’enchaîner les moments de galère et d’insuccès : "I must have died a thousand times / the next day I was still alive / And I still believe in you". Le constat est amer : "Oh I was nothing when you came, and no one now you go away". En fait chaque parole est importante (et oh Bonheur, intelligible et dans un bel anglais), tel un récit bien écrit. Koudlam aurait pu faire ça avec ses synthés. En voiture balai, "This house is condemned" enfonce le clou d’une électro hypnotisante presque anachronique par rapport au reste du disque, et vient clore 48 minutes de rupture en musique. Vous avez dit sado-maso ?

En bref : il fallait bien ça pour souligner la naissance d’un groupe important des années 1990, Separations est pour moi parfait de bout en bout, de la pop discoïsante scandée, que dis-je, vécue par un Jarvis Cooker alors au sommet de lui-même, bien malgré lui. L’autodestruction n’a jamais été si mélodieuse.





A lire aussi : The Pale Fountains - Longshot for you love (1998)

"Don’t you want me anymore" et "Death II" :




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Be My Weapon- March/2009 (2009)

Le nouveau Swell n'est pas signé du nom de Swell, mais c'est tout sauf important. S'il n'excluait pas une reformation de son combo séminal lors de son entretien avec Ju, David Freel lui, fait toujours du David Freel. Et c'est ainsi qu'aidé de l'ex-batteur de Smog, il revient livrer le meilleur disque de... Swell depuis le méconnu Whenever You're Ready (2003).


Car enfin, ce sont les mêmes chansons cafardeuses, le même son lo-fi ultra rudimentaire depuis le superbe Swell de 1990. Sean et Monte, les deux compères ne sont plus de la partie, mais leur esprit, leur contribution semble ne s'être jamais dissous, tant Freel s'efforce de maintenir ce qui a fait de son groupe-culte la quintessence du son velvetien ultime des 90's.

Qu'on en juge : toujours ce son étouffé de batterie et de grosse caisse, que l'on pourrait reproduire en tapant sur des barils de lessive à main nue, toujours ce chuintement des doigts sur la six cordes en acoustique, et jusqu'à ce choix reconnaissable entre tous d'intitulés de titres que Lou Reed n'auraient certainement pas renié.

A bien des égards, et tout en possédant son propre son, David "Swell" Freel est le Dream Syndicate de la décennie passée, souvenez-vous de ce génial groupe de Steve Wynn ! Alors la silhouette s'est empâtée (Swell... encore...), Freel, avec ses kilos en trop et ses rouflaquettes à la Dickens, a de ces faux airs de Jack l'Eventreur tel qu'on l'imagine, bien loin de ce débutant malingre et pâle qui chantait à qui voulait bien l'entendre "Everbody's Kinda Stoned" en 1994, mais enfin l'essentiel est là : les chansons !

Un peu absentes du petit dernier (South Of The Rain And Snow en 2007), qu'on avait surtout accueilli comme un bulletin de santé non alarmiste du leader chanteur guitariste. Et les arpèges -toujours les mêmes, mais qu'on jurerait entendre pour la première fois - de David Freel font encore mouche !

Après un "Come Livid" impavide et austère, on adore les intitulés vachards (tout un art en soit) de chansons comme "I Miss Your Mischief", belle à pleurer ou bien de la déclaration d'intention "Love Is Just Overrated" (à qui le dis-tu ?). La voix, étonnament intacte, et vierge des abus qu'on imagine se fait plaintive, mais ferme, jamais geignarde.

Tout chez Swell... pardon, Be My Weapon, est du même bois dont on fait les guitares électrifiées au son crade sur leur tapis d'acoutisque : des actes de contrition d'un artiste, d'un auteur, qui n'a pas peur d'exhiber ses failles ("Bad Bad Bad", "Things I Should Not Do"). Ce qu'il fait plus facilement en chansons que dans la vie de tous les jours, on s'en doute ! David Freel est de retour, et c'est toute la pop blafarde américaine qui s'en félicite !

En bref : le retour, ou plutôt le maintien de l'un des plus beautiful losers du rock indé U.S. Un son unique, des chansons à faire se dérider le plus blasé des experts es-ballades cafardeuses. Le répertoire de chansons inédites du Velvet circa 69 s'enrichit à nouveau.




Le Myspace

A lire aussi : Interview - David Freel

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Concours - Patrick Wolf, albums The Bachelor à gagner


Puisque Nickx vient de s’enthousiasmer à la surprise générale sur le dernier album de l’excentrique anglais Patrick Wolf, Dodb et Babylone Promotion ont décidé de vous faire gagner quelques exemplaires de The Bachelor, histoire de passer les fêtes de Noël en musique.

Pour ce faire il suffit de répondre à la question suivante :

Quel autre Patrick a été chroniqué cette année sur Dodb ?

et d’envoyer vos réponses à contact@desoreillesdansbabylone.com avec "Concours Patrick Wolf" dans l’intitulé du message, et vos coordonnées postales. Bonne chance à tous.

Lien vers la chronique de The Bachelor

Le Myspace de Patrick Wolf

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06 décembre 2009

Patrick Wolf - The Bachelor (2009)

Ce coup-ci, la révélation aura les traits d'un anglais dégingandé et blafard qui a déjà plusieurs albums et EP sous le bras ; ainsi qu'un pédigrée plutôt insolite.
Déjà, le garçon affiche une excentricité qui renverrait Klaus Nomi l'un de ses héros au rang de clone vestimentaire de Thierry Ardisson ou de n'importe quel geek versant dans la folk lo-fi. L'homme a connu une évolution plutôt chaotique, ombrageuse, avec bastons, renvois de pensions en tout genre : une personnalité barrée et difficilement gérable donc.

A bien des égards, l'univers kitsch de ce grand échalas romantique et ténébreux renvoie à l'identité anglaise ultime : pour une fois, il nous sera donné d'écouter un album novateur made in Albion, n'ayant strictement aucune influence indé américaine. OK, l'electro métal coup de poing de "Battle" pourrait avoir été signé par Nine Inch Nails sans problème, mais ne compliquons pas les choses, voulez-vous ! Ce titre excepté, tout ici évoque l'excentricité britannique et qu'il s'agisse de la voix, des partis-pris mélodiques chatoyants, de ce glitter rutilant, ou le chant souvent ampoulé, on a l'impression d'entendre des gens aussi différents que Billy Idol, Marc Almond, Matt Johnson ou David Bowie, jammer ensemble.
Au delà du parcours erratique, Wolf présente cette double originalité de la jouer solo en s'assumant comme tel sans (pré)nom d'emprunt ou pseudo idiot (il n'y en a pas tant que ça en 2009), ainsi que de revendiquer le statut de violoniste et d'altiste. Or, depuis le génial John Cale -il y a bien eu Curved Air Doctors of Madness voire Angelo Branduardi mais...- qui d'autre pour venir haranguer ainsi le public !
Alors un conseil : ne pas se fier au gloubi-boulga indigeste que peut susciter sur le papier cet alliage de musique classique mâtiné de chant traditionnel irlandais, sur son tapis de batteries plus ou moins synthétiques. Dit comme cela, on pense aussitôt à ces horreurs sans nom que sont les épouvantables Era, et cette odieuse manie AndréRieuesque de vulgariser le classique via une variétoche de bas étage.

Pas question non plus de trop s'attarder sur la pochette rétro-futuriste, aux faux airs de jaquette de jeu video pour mutant intergalactique . Certes The Bachelor est une auberge espagnole, mais qu'est censée représenter la balalaïka sous ce fond d'éclairs ?
Ce serait gâcher le plaisir de découverte de tous ces titres que sont "Hard Times", le divin "Damaris", "The Bachelor", qui tiennent tout à la fois des hymnes de stade, de par le redoutable charisme de leur interprète, que des chants traditionnels irlandais.
Ce serait aussi ignorer ces curieuses chansons minimalistes ("Oblivion") à rythmiques breakbeat ou la muzak irrésistible qu'est "Vulture" qui nous ramène aux riches heures synth wave.
Sans compter les paroles provocantes et sexy, jouant d'une sexualité bivalente sur les paroles de nombre des titres de l'album ("I'm just gonna freak you out by being so sexy, you'll just want to dump your wife and run off with a man" dudit "Vulture"), qui donnent à l'album ce parfum de soufre propre à toute réussite britannique - il faut cela aussi pour ressortir du lot.
Même si dans le morceau-titre bien nommé et qui emprunte à un traditionnel, Patrick prétend d'une voix étranglée ne jamais vouloir se marier, c'est pourtant la voie que l'artiste empruntera un an plus tard. Et du haut de ce célibat revendiqué, de porter haut et fort des chansons aussi belles que "The Messenger"ou  la lumineuse et déchirante "Who Will".

Contrairement à ce qui était prévu, la suite de The Bachelor, un 5ème opus intitulé The Conqueror en guise de diptyque ne sera jamais publié. L'insaisissable Patrick Wolf mettant sa carrière discographique entre parenthèses, ne publiant plus que le seul Lupercalia en 2011 puis ......plus rien n'étaient des relectures de ses oeuvres passées.
Un drôle de loup solitaire on vous disait. Et un artiste déjà bien plus important que son oeuvre.

En bref : un disque qui s'apparente à une odyssée : 50' de musique qui donnent l'impression d'avoir revisité moult aspects de la musique pop anglo-saxonne, jusqu'aux tréfonds des folklores traditionnels.



Le site officiel et le myspace

le clip de "Damaris" :


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José James - Blackmagic Remixes (2009)

On ne pourra pas reprocher à Brownswood de manquer de flair ou d’à-propos. Pour faire monter le buzz avant le lancement du second long du crooner soul-jazz maison José James (début 2010), le patron du label, qui n’est autre que Gilles Peterson, a carrément décidé de sortir quatre remixes de Blackmagic, avant que personne n’ait eu le loisir d’écouter l’original. Ce qui est assez rare. Mais ce qui est encore plus rare, c’est d’aligner une telle série d’artistes sur un même EP. Pas précisément des têtes d’affiches, mais des musiciens en pleine ascension, déjà objets d’adoration sur les blogs, et squattant par conséquent un paquet d’iPods.

Le cas le plus parlant est certainement celui de Peter O’Grady AKA Joy Orbison. Ce gamin de 22 ans n’a pour l’instant produit qu’une poignée de tracks et de remixes, mais il est déjà porté aux nues par les critiques de tout poil grâce à un seul maxi, Hyph Mngo, dont les deux faces oscillaient habilement entre dubstep et house-garage. Pour être franc j’avais trouvé que la hype était un peu exagérée, même si j’écoute encore régulièrement la très deep et efficace "Wet Look". Mais ici Orbison transforme clairement l’essai et confirme tout le bien qu’on pouvait penser de lui. Sa relecture commence en mode reggae spatial, enchaîne avec des sons de claviers house et une rythmique qui rappelle davantage le 2-Step en vogue il y a quelques années que le dubstep, auquel il a trop vite été affilié.

Après cette débauche d’énergie et d’intelligence rythmique, le remix d’Untold (une autre nouvelle coqueluche de la scène dubstep UK) paraît au premier abord légèrement mollasson car moins direct, plus nonchalant et hypnotique. Mais au bout de quelques écoutes, il devient tout aussi passionnant, évoquant à la fois la mixture soul-reggae de Fat Freddy’s Drop et la pesanteur dubby de Rythm & Sound. Dans un esprit totalement différent, Izmabad, alliance des producteurs Karizma et Simbad, propose une version deep-house impeccable, très mélodique, qui m’a littéralement scotché. Les comparses ont tiré le meilleur parti de la superbe voix suave de James, comme l’avait fait Moodymann, un peu plus tôt dans l’année, en remixant "Desire". Enfin, les Parisiens de dOP, bien connus de nos services, complètent la gamme des genres par une version assez minimale où les basses vrombissantes, puis les cuivres prennent le dessus.

En bref : quatre remixes très différents, entre house et dubstep, par des valeurs montantes des scènes britannique et française. Les versions de Joy Orbison et Izmabad, qui utilisent la voix de baryton de José James à la perfection, sont simplement phénoménales.



José James - Blackmagic (Izmabad 118 Remix).mp3

A noter : les remixes de dOP et Izmabad ne se trouvent pas sur la version vinyle, mais seulement en digital.

Les Myspace de José James, Brownswood Recordings, Joy Orbison, Izmabad, Untold et dOP

A lire aussi : Moody - Anotha Black Sunday (2009)


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03 décembre 2009

Chapelier Fou - Scandale ! (2009)

Avec ce deuxième Ep (label Ici d'ailleurs...) sorti ce mois de novembre, l’Alsacien au chapeau offre sept titres alléchants, en attendant un véritable album prévu pour 2010. Sorti de l’ombre au Printemps de Bourges 2008, le gaillard conforte ses débuts prometteurs en se payant les premières parties de Wax Tailor ! Une promotion plus que méritée. Car ce n’est sans doute pas le goût commun pour les chapeaux qui a réuni ces deux ovnis, mais bien l’amour du mélange entre classique et électro. Cet homme orchestre aux bagages violonistiques de conservatoire, place en maître son instrument à cordes et le dépoussière grâce à sa maîtrise de l’ordinateur, de la guitare et du piano. Sur scène, il passe de l’un à l’autre sans aucune difficulté et bluffe le public par sa performance solo. Louis Warynski n’a pas choisi par hasard de s’appeler Chapelier Fou : son univers proche du fantastique et du monde hallucinatoire d’Alice aux pays des Merveilles est un conte en lui-même scandé par de merveilleux samples.

Son "Prélude" sonne des cloches aigües et intrigantes, rythmées ensuite par les pizzicati du violon (sans l’archet) et une mélodie sortie d’un conte ou d’un vieux film qui laisse planer le mystère.

Le deuxième morceau, "Capitaine Fracasse" est assez lent. Derrière la mélodie du piano, le violon s’exprime sous toutes ses formes, à la fois par des accords à doubles cordes, des pizzs, une mélodie parfois larmoyante et des glissades intenses et lancinantes. Le cœur se ressert, des sons de xylos et de larges samples électros font redescendre les bpm.

Autre univers, "Scandale !" et sa base plus hip hop, avec une montée rythmique des cordes, une base de percus et des nappes enveloppantes qui font penser à la musique de Wax Tailor. L’enchaînement des beats de batterie, du son saturé, puis des rythmes cassés qui déstabilisent nous déplace dans une nouvelle sphère. D’autres samples s’invitent, comme une voix en anglais, peu utilisée, avant un final puissant digne d’un orchestre symphonique.

Encore plus que dans le deuxième morceau, "Mystérieux message" est caractérisé par le style glitch, très utilisé en électroacoustique. Ici comme dans le suivant "Animaux flexibles", le "cut" des boucles est consommé sans modération : il rétrécit les sons de piano et d’orgue et donne un aspect plus trash et industriel aux samples. La fin frénétique de ce cinquième morceau pose les voix d’un personnage de cartoon.

L’enjoué "Doodling hands" et ses pizzs rapides du début est amplifié par un effet de rebondissement et répétitif. Sans être redondant grâce à l’arrivée de samples de flash de polaroïd et la clôture d’une douce mélodie au piano.

"Postlude" fait chanter le violon derrière une montée électro. Le registre en majeur et décalé, puis des cui-cui d’oiseaux rendent l’atmosphère légère. Comme une renaissance, Chapelier fou nous transporte dans un monde que l’on n’a pas envie de quitter.

En bref : Le mélange d’instruments classiques et des machines n’est pas révolutionnaire mais sa maîtrise du violon donne une touche bien particulière à cet homme orchestre. On attend avec impatience la sortie du premier album en 2010.





Le Myspace et le site officiel

"Scandale" :


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Real Estate - S/t (2009)

C’est étrange, dans l’oreillette on me dit que ces temps-ci mes choix musicaux son très "sunshine". C’est vrai, involontaire mais vrai. Vous en serez encore plus convaincu à la lecture de cette chronique et surtout à l’écoute de ce disque qui mieux que tous cette année symbolise ce renouveau des groupes indé dits "de plage". Entre Beach Fossils, Beach House ou encore Throw Me The Statue, l’envie de chiller sur la plage sur des airs laid-back se fait ressentir. Et Real Estate, en provenance du New Jersey s’en sort donc très bien pour écrire des mélodies toastées au soleil d’un été que l’on croirait Californien. Un été sans fin dans la grande tradition du genre, où l’après-midi est parfait, mais où le temps passe irrémédiablement et où bientôt comme le disait le grand Voulzy : "Quand vient la fin de l’été, sur la plage, il faut alors se quitter". Ceux que vous ne quitterez bientôt plus, ce sont les Real Estate.

Que trouve t-on dans ce premier album du quatuor lof-fi pop de Jersey ? Certainement l’héritage des maîtres des lieux indés, Yo La Tengo et The Feelies, dont on peut élégamment retrouver l’influence dans ces ballades intemporelles que l’on croirait sorties d’une vielle radio des plages ? A l’origine, Martin Courtney ancien des très bons Ducktails, et ses amis de fac Alex Bleeker à la basse et Matthew Mondanile à la guitare. Tous trois composaient depuis longtemps des titres sur les bancs de l’universités, titres qui se retrouvent ici décuplés par des choix d’enregistrement très bien pensés : de la réverb et du délai, des harmonies et des riffs, sans oublier une impression générale de jam. Est-ce important de le dire ou pas ? Pitchfork a bien aimé. 8.5.


Dans cette collection de premières chansons pop, le single "Beach comber" se charge de l’introduction. Ses guitares sont lumineuses et dessinent d’un trait l’immédiateté de la jeunesse. "Atlantic city" quant à elle est un autre point d’entrée, avec sa ligne de basse moite, sa guitare surf, son tambourin discret et son guiro mexicain. Un instrumental d’ 1’50" qui se suffit à lui-même. "Black lake" tente le coup du psyché sur un gimmick de slide qui évoque le reprise de Modest Mouse du classique "Sleepwalk". "Let’s rock the beach", ou comment passer le temps avec des cookies magiques. L’un des deux instrumentaux finaux avec les 6 minutes de "Suberban beverage". Pas bête, Real Estate (à ne pas confondre avec Sunny Day Real Estate le groupe de Seattle) termine son disque en un ultime pied de nez à l’été sans fin, "Snow days". Ecoutez-moi ça, c’est un régal.

En bref : en 1967 les Kinks chantaient "Sunny afternoon" en mode laid-back, en 2009 Real Estate réinvente la musique de plage et le fait bien.





Le Myspace

A lire aussi : Throw Me The Statue - Creaturesque (2009)

"Beach comber" et "Snow days", première et dernière chanson de l’album :






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Safi Allah Abdullah - Africa is burning and the black man is doing the freak (1980)

Je serai bien à la peine pour vous rencarder sur l'homme qui se cache derrière ce nom intriguant de Safi Allah Abdullah. Et pour cause, l'étourdissante toile du net n'a cette fois-ci pas daigné me fournir le moindre tuyau, bye bye Huggy le mystère persistera. Aussi, je cèderai sans artifice ou érudition au simple désir de partager avec vous le plaisir fugace d'un doux son reggae exhumé par le plus grand des hasards - et de façon assez surprenante - des eighties et d'un studio inconnu de la grosse pomme new-yorkaise.

Le lion de Judée imprimé sur l'étiquette du disque ne ment pas. En effet, retrouve-t-on tous les ingrédients, dirais-je classiques, du bon morceau de reggae roots pieux et révolté. Le titre en dit d'ailleurs long : "Africa is burning and the black man is doing the freak". Pour toutes sortes de raisons que je ne développerai pas ici l'Afrique brûle - qui oserait en douter - et Safi Allah Abdullah de nous l'expliquer dans une très altière et suave complainte. Il n'y a rien de bien extraordinaire me direz-vous. Certes, du reste faut-il souligner l'extrême finesse de l'instrumentation de cette très jolie track de reggae mélodique et l'immense pouvoir de captation exercé par le dénommé Abdullah. En somme, deux points qui nous font apprécier généralement ce genre de musique.

Quelques cloches tintantes, des cuivres dynamiques, un riddim rebondissant et épuré, la voix sensible et vibrante de Safi Allah Abdullah, la mayonnaise prend à merveille et tout est véritablement réuni pour un délectable moment de paisible révolte. Les dernières secondes du titre, en spoken words, finiront d'ancrer son refrain dans les méandres de notre esprit. "Save the babies, rescue the children" comme un écho dans notre grotte. Impossible dès lors que notre route de pèlérin reggaephile ignore cette petite pièce roots modeste mais digne et se refuse à recroiser à nouveau son chemin.

En bref : Petit plaisir roots fugace tout droit ressorti de mes caves reggae new-yorkaises.





"Africa is burning and the black man is doing the freak" sur rapidshare.

La version dub.

A lire aussi : Section reggae

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02 décembre 2009

Interview - Bikini Machine


The Full Album des Rennais vient de sortir et le moins que l’on puisse c’est qu’il est effectivement plein. Oui mais de quoi ? De tubes pardi ! On avait déjà fortement apprécié leur esthétique sixties en 2006 sur Daily cookin’ with The Bikini Machine, mais là c’est la goûte d’eau qui fait déborder le vase. Où vont-ils chercher tout ça ? Pourquoi cet auto statut de "Pop band ultime". Et comme je n’arrivais pas à trouver les mots pour chroniquer le disque, je me suis permis de leur poser quelques questions. Ca tourne !

Bonjour, qu’est-ce qui a changé entre le Bikini Machine de 2002 et celui de 2009 ?

Principalement la volonté d'écrire de bonnes chansons tout en continuant dans la veine "musique à danser". Nos premiers enregistrement étaient plus basées sur des loops, des samples, de la bidouille... On voulait revenir à une écriture plus classique, plus fluide même si on aime toujours autant les collages ou les arrangements type bande originale.

D’où vous est venue tout à coup cette capacité à composer des tubes en cascade ?

On adore expérimenter ou jouer un rock'n'roll simple et sauvage mais on adore surtout les tubes... Pas n'importe lesquels bien-sûr mais certains sont d'une telle évidence... On ne peut pas résister. C'est à force d'en écouter...

Je ne me fais aucun souci quant au succès à venir de The Full Album, Bikini Machine va-t-il prendre la grosse tête ?

Ca ne risque pas… Nous sommes en France tout de même, le rock indé fait rarement de gros succés. Si on vend plus de 5000 copies du full album ce sera déjà très convenable... Je pense qu'un "réel" succès passerait d'avantage par un pays étranger mais bon, l'essentiel c'est de faire de bons albums, de bons concerts, de pouvoir vivre de sa musique. Quant au carton ou au melon...

On a pu écouter Bikini Machine chante Dutronc, d’autres sorties du même style sont-elle prévues et sur quel artiste ?

Il y a cette reprise du "roi d'angleterre" de Nino Ferrer qui devait sortir sur un tribute...

Pourquoi avoir signé chez Platinum ?

C'était le label le plus motivé tout simplement. Les gros labels sont très frileux avec des groupes comme nous...

Pour répondre à Philippe Zemmour, l’art populaire -et donc la musique pop- est-il une sous culture ?

Oui il y a 40 ans (avant 68...) on parlait de subcultures pour designer la BD, le rock, l'art brut mais aussi la musique de film (pourtant écrite avec des partitions). Aujourd'hui personne ne peux définir les véritables limites du grand Art et du "petit "tant les échanges et passerelles se sont multipliés depuis les années 50... (le très savant Jazz est une musique populaire!). Le débat est fini depuis belle lurette, ce type est un abruti.


Concrètement, quelle a été l’intervention de Jon Spencer ? Comment aurait été le disque sans lui ?

Il a fait des choix dans plusieurs morceaux. Face à nos bataillons d'arrangements, il a choisi une devise "less is more" et il a élagué un peu... C'est ce qu'on voulait. Sans lui on aurait été tentés de garder un maximum d'arrangements et certaines chansons auraient perdues en efficacité.

Préférez-vous faire des morceaux en anglais ou en français ?

Les deux mon commandant!

A l’écoute de "Good morning" les gens de ma génération (1983) reconnaissent des choses très modernes et très anglaises comme les Arctic Monkeys. Ecoutez-vous ce genre de choses ?

Oui. Les anglais, des Kinks aux Last Shadow Puppets en passant par les Buzzcocks ont produits des groupes merveilleux et ils continuent. Oui on aime la brit pop.

Internet et la musique, un problème ou une solution ?

Les deux mon com... non sérieusement, solution pour diffuser sa musique, solution pour trouver de la musique et il faudra faire de grosses mises au point en ce qui concerne les droits d'auteurs sur le net... avec plus d'interlocuteurs représentatifs...pas l'UMP et les majors !

Quelle première partie de rêve souhaiteriez-vous réaliser ?

Aucune. On préfèrerait AVOIR une première partie de rêve genre the Hives ou the Kills...

Où vont les cons quand ils sont morts ?

Personne ne le saura jamais.

Sans aucune objectivité, quels sont les 5 meilleurs disques pop de tous les temps ?

Pas possible de répondre à ça ! Un classement ! Quelle horreur! Bon, je vais réduire tous les temps à l'année 1967 (au hasard) et donc :

The Kinks - Are the village green preservation society
Love - Forever changes
The Zombies - Odessey and oracles
The Velvet underground with nico
The Beatles - Sergent Pepper
Une année sympa en fait.


Le Myspace des Bikini et le site de Platinum

Le joli clip de "Ou vont les cons" et le moins officiel "Good morning" :




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27 novembre 2009

The Kingsbury Manx - Ascenseur Ouvert! (2009)

Il est complètement incompréhensible voire scandaleux que la presse spécialisée dont c'est pourtant le métier, ne prenne pas plus la peine que ça, de prendre des nouvelles de ses anciennes marottes. Ou tout au moins de rendre compte de l'actualité, quand elle nous fourgue du nouveau groupe chaque semaine.

Et que ce 5ème LP des Kingsbury Manx soit sorti sur un obscur label (Odessa Records) ne change rien à l'affaire : rien, pas une ligne dans Rock&Folk, qui par la plume de Palmer, avait justement crié au génie dès le premir album éponyme. Je ne lis plus les Inrocks et Magic depuis belle lurette, et sans doute le groupe de Chapel Hill a du y être chroniqué, mais rien qui n'ait attiré l'oeil au gré de ses manchettes, en tout cas.

Le disque a été annoncé voici des mois (il est en fait sorti en avril), ce qui fait un sacré décalage (le temps de le choper via le Net et de le commander, ce qui n'est pas si dur en vérité), mais enfin, nous y voici. 
Le chat de Man de Kingsbury n'ait jamais vraiment été hype à proprement parler. Ces hommes-là sont bien trop discrets, cultivent l'anonymat et la simplicité comme une seconde nature. Quant à leur non-look... on le sait, nombre de nerds américains s'affichent barbus, look de monsieur-tout-lemonde ; imaginez des Grandaddy bis. Qui en plus ne prendraient pas la peine d'être joyeux.

Alors, ce n'est pas que ce disque soit le chef d'oeuvre de la décennie, ni même celui d'une faste année 2009, pas plus que le meilleur de leurs auteurs - on lui préfèrera The Kingsbury Manx (2000) ou Aztec Discipline (2003), mais il y a dans le nouvel album de quoi rassasier les aficionados déjà en manque de chansons nouvelles de Yo La Tengo ! Même douceur des voix, mêmes harmonies subtiles et mélancoliques. Même savoir-faire acoustique, même sobriété dans les arrangements. De plus, The Kingsbury Manx, c'est une grande famille : deux de ses anciens membres dont Ryan Richardson, membre fondateur et Scott Myers, jouent sur ce disque fait d'arpèges délicats.

Alors, morceaux choisis ? Chacun triera à sa convenance parmi ces 14 titres fragiles, où rarement le tempo ne s'énerve, et encore "If You're On The Mend, I'm In The Move" ou "These Three Things" ne sont pas à proprement parler des titres hardcore, et "Galloping Ghosts" n'a de véloce que son intitulé. Sur ce nouveau LP tout comme sur scène, les Kingsbury Manx sacrifient au gimmick de l'échange des instruments, ou des parties lead de chant, sans que l'auditeur pourtant bien concentré n'y prête forcément grande attention. L'intérêt est ailleurs, dans cette uniformité de chansons refuges, parmi lesquelles "Walk On Water", "Well Whatever", "If You're....", "These Three Things", et l'admirable "Indian Isle" sortent du lot.

Retour réussi donc. Et comme The Kingsbury Manx risque à nouveau de se faire discret durant 2,3 saisons et que les media sont sourds, nul n'est besoin d'insister plus encore sur la nécessité de jeter une oreille babylonienne sur cet opus.


En bref : même sans commettre leur meilleure oeuvre, The Kingsbury Manx font partie de ces groupes indé qu'on a envie de défendre corps et âme ! Car ils font avancer le truc, à coup de simples chansons folk-pop bravaches, où affleure de la sensibilité.





le site off (un peu chiche), le Myspace

A lire aussi : The Fleet Foxes - s/t (2008)

"The Whip And The World" :


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Interview - David Freel de Be My Weapon (et Swell)


A défaut pour le moment d’avoir chroniqué l’excellent dernier album de David Freel sous sa forme Be My Weapon, nous avons réussi à lui poser quelques questions sur son nouveau groupe et sur la vie en général. Et comme toujours avec la personnalité du créateur du mythique groupe de San Francisco Swell, les réponses tendent davantage vers une philosophie et un surréalisme à la Nadja que vers un entretien de promo classique. Tant mieux, car c’est ce charme rebelle et cette intégrité bornée que l’on apprécie chez Dodb. Magnéto Serge !

<South of the rain and snow, The lost album, March/2009, pour quelle raison êtes-vous si prolifique ces derniers temps? Avez-vous davantage à dire qu’avant?

Si je connaissais la réponse à cette question je ne vous le dirais pas. Parce que j’aurais peur de briser le charme. Et ça n’est pas parce que j’ai davantage à dire, c’est juste que j’en dis davantage. Haha !

March/2009 d’une certaine manière m’a fait penser à Silver Jews que vous devez certainement connaître. Et je ne sais pas pourquoi, mais sa musique est de plus en plus mature, on dirait presque un crooner. Aimez-vous sa musique et pensez-vous que vous pourriez/ voudriez devenir une sorte de crooner ?

J’ai rencontré David Berman une fois en effet, et Ron Burns le connait bien, mais je ne suis pas au courant de ce qu’il a fait récemment. Moi un crooner ? Je ne pense pas. Je me vois plus comme Tom Jones, n’est-ce pas ?

Vous avez enregistré March/2009 au Pink Robot studio, pouvez-vous nous en dire plus sur l’ambiance là-bas ?

Pink Robot. Oui il y avait bel et bien quelque chose de particulier là-bas. Mais encore une fois, je préfère ne pas en parler. Comme je n’ai pas envie de tout faire foirer. Je ne suis pas quelqu’un qui aime vraiment parler en fait. Dans mon monde les mots ont un pouvoir. Et je veux utiliser ce pouvoir avec parcimonie et attention. Mais je connais des gens qui ne souffrent pas de ce problème.

J’ai vu que Be My Weapon en concert il y a peu, et j’ai vraiment aimé la configuration guitare sèche/guitare électrique/batterie, c’était très original. Connaissez-vous d’autres groupes sur le même schéma ?

Oui à peu près, un projet appelé Singlewide qui est en fait constitué d’une personne debout avec une batterie, un harmonica, une guitare acoustique et une électrique.

La collaboration avec Ron Burns (ancien batteur de Smog) a-t-elle été facile ?

Dans l'ensemble oui. C’était en tous cas très intéressant. J’apprécie ce gars car il a toujours un avis très marqué sur tout. Donc nous pouvons collaborer. Si les gens ne se battent pas pour ce qu’ils pensent être juste, il n’y a plus de collaboration. La collaboration est une discussion. L’amour est une négociation. On tient un nouveau slogan de T-shirt il me semble.

Dans vos paroles vous évoquez souvent la vie et la mort, l’amour et la haine, la lumière et l’obscurité. Pensez-vous que le monde soit tout blanc ou tout noir ou y a-t-il des zones de gris ?

Je pense qu’il n’y a que du gris. L’empathie c’est le gris entre les gens. Où s’arrête le bien et où commence le mal ? On ne peut pas répondre à ça. Tout est question de contexte, et le contexte est la couleur grise.



La musique de March/2009 m’évoque cet état d’esprit : "Nous ne sommes pas vraiment heureux, mais des jours meilleurs viendront". Etes-vous d’accord avec ça et êtes-vous heureux en ce moment ? Est-ce que la vie devient plus simple en vieillissant ?


Heureusement on devient un peu plus intelligent avec le temps. Mais pourtant on ne peut pas aller plus vite que ça parce que l'on n’a pas besoin de devenir plus intelligent à ce moment précis. Vous voyez ce que je veux dire?

Retournez-vous souvent à San Francisco ? Qu’est-ce qui a changé là-bas depuis vos débuts ?

Je n’y retourne pas souvent à vrai dire. C’est bien plus cher maintenant même si ça l’a toujours été. Mais depuis que SF est devenue la capitale californienne du high-tech et d’internet c’est devenu fou. De très nombreux artistes ont du bouger vers Oakland, Little Brooklyn et New-York.

Une dernière pour la route : est-ce que l’aventure Swell est réellement terminée ?

Je pensais que ça l’était en 2004. Mais ça n’était pas le cas. Donc ma réponse est "je ne sais pas".

Merci.

Le Myspace de Be My Weapon et celui de Swell

A lire aussi : Swell - South of the rain and snow (2007)

L’ultra-minimaliste "Good good good" par Be My Weapon :


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26 novembre 2009

The Voluntary Butler Scheme - At Breakfast, Dinner, Tea (2009)

En voilà un nom à rallonge. Et pourtant c’est ce qu’a trouvé de mieux le jeune prodige anglais Rob Jones pour décrire son univers pop fantaisiste. Nulle chance que vous le connaissiez déjà, car l’ancien batteur de The School débarque fraichement avec son premier album en forme de menu. Originaire de Stourbridge, un bled près de Birmingham, Rob est de ceux qui à l’image de Julien Pras pratiquent leur art à domicile, dans une chambre qui au final ressemble davantage à un studio qu’à un lieu de sommeil. C’est donc tout seul que ce bambin de 23 ans habille ses compositions toutes plus soignées les une que les autres. C’est tout de même avec l’aide de Charlie Francis (REM, High Llamas…) qu’il s’est enfin décidé à donner vie à ses progénitures mélodiques et à boucler le disque en un mois à Stockwell.

Et on doit sacrément s’ennuyer dans les Midlands pour imaginer tout ça. Treize titres, pas moins, tous assez variés, aux orchestrations très travaillées avec juste ce qu’il faut d’électronique. Aucune innovation donc, le style est rétro cool façon 60’s, que ce soit dans la branche Beach Boys pour les harmonies ("Trading things in") ou dans celle de Donovan pour le psychédélisme léger ("The Eiffel Tower and the BT Tower", qui me rappelle aussi The Wave Pictures). On y trouve même une référence très peu citée de nos jours, celle de l’autre anglais Badly Drawn Boy, ainsi que celle de Money Mark le fameux pote des autres BBoys, Beastie cette fois-ci.

Là où Rob Jones fait fort, c’est quand il se paye le luxe de pouvoir extraire trois "tubes" potentiels de son disque. On commence avec le funky "Multiplayer" aux atours non moins pop. Rob balance des "Ouh ouh ouh" en veux-tu en-voilà sur des paroles, comment dire, sucrées : "Love is a game / I wanna play with you". "Tabasco sole" souligne ensuite la fibre Motown du garçon. Aucun doute au premier riff de guitare du morceau, les Jacksons 5 sont parmi nous. A vrai dire le disque est sans temps mort et c’est assez rare pour le souligner. Autre élément différenciant, le NME pour une fois n’aime pas. Pourtant il est difficile de trouver plus anglais (mise-à-part la magnifique ballade tout en slide "Hot air ballon"). De même, en habillant son disque d’un vert plus vert que les verts eux-mêmes, Rob Jones compte certainement se donner espoir. L’espoir que ses chansons deviennent un peu reconnues. Personnellement je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

En bref : un premier album pop très anglais fait de quelques tubes irrésistibles et d’autres morceaux plus anonymes mais tout aussi jouissifs.




Le Myspace

A lire aussi : Jim Noir - S/t (2008)

Les clips de "Trading things in" et "Tabasco sole" :




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25 novembre 2009

Interview - Andy T. Oxford de The Phantom Band


Trêve de paraphrases, à Dodb on pense que Checkmate Savage, le premier album des Ecossais du Phantom Band, est l’un des tous meilleurs de 2009. Composé presqu’exclusivement de vieux briscards sans limites, le groupe a vu sa renommée exploser cette année, et son nombre de fans considérablement augmenter. Loin du revival 80’s à synthés, ce groupe ectoplasmique nous a hypnotisé avec son proto rock/folk un peu kraut, et semble encore avoir de nombreuses choses à dire. Andy T. Oxford, le claviériste (caché au fond de la photo ci-dessus) revient avec nous sur la conception du groupe et de l’album.

Bonjour, pourquoi ce nom de groupe ?

Nous n’avons pas vraiment nommé le groupe, il s’est baptisé tout seul, et il a beaucoup changé depuis que l’on joue ensemble (sûrement parce que nous voulions évoluer, faire des concerts, sans avoir la pression d’être suivis, et donc de prendre le risque de décevoir les gens) jusqu’à ce que nous trouvions un son dont nous étions fiers. C’est aussi parce que nous n’arrivions pas à nous mettre d’accords. Mais notre tentative d’éviter une réputation n’a servi à rien puisque les gens on commencé à parler de nous en tant que "groupe fantôme". J’ai moi-même employé ce terme avant d’être invité à rejoindre le groupe (un an après les autres). Duncan parlait toujours de ce groupe comme un collectif perdu, prétextant qu’ils n’étaient pas encore assez bons. Quand j’ai été invité à les rejoindre, nous nous appelions les Robert Louis Stevenson, puis les Robert Redford, puis plein d’autres variations. Puis nous avons utilisé The Phantom Band pour quelques concerts et c’était la première fois que personne ne se disputait au tour du nom alors c’est resté.

Je sais que vous avez des carrières passées, qu’est-ce qui vous a finalement motivé à monter The Phantom Band ?

Ca n’était pas une décision consciente, on a juste commencé à se réunir puisque tout le monde aimait faire de la musique, et on a été nombreux à bouger sur Glasgow récemment. Nous n’avions pas spécialement d’aspiration à être dans les journaux, à enregistrer ou à faire de gros concerts. Le but était juste d’être créatif avec ses amis un vendredi par semaine. Le groupe tel que nous le connaissons à présent a petit à petit émergé de tout ça. Nous avons fait beaucoup d’autres choses musicalement, et continuons d’être impliqués dans d’autres projets, mais ce groupe a semblé moins sérieux que le reste, d’avantage comme un club que comme un groupe.

Vous avez travaillé avec le producteur Paul Savage pour ce premier album. Qu’est-ce qui vous a attiré vers lui ? Y a-t-il d’autres producteurs avec qui vous aimeriez travailler dans le futur ?

Nous avons enregistré quelques démos avec Paul et avons trouvé qu’il était très fort pour nous faire arrêter de nous disputer comme des enfants. Il est très zen et choisit ses mots tel un sage, alors que nous sommes de véritables boules de nerf qui veulent en débattre, donc un producteur qui aurait été comme nous aurait été contre-productif. Il a tiré le meilleur en utilisant des méthodes de Jedi. Il fait aussi du très bon café et utilise des phrases du genre "Si tu comptes voler un cheval, autant le baiser aussi". Ceci dit ce serait sympa de travailler avec Dr Dre ou Timbaland un jour, mais nous sommes encore bloqués avec Paul.

Chekmate Savage ne contient que neuf chansons. Est-ce un choix de faire court ou avez-vous du choisir entre de nombreux autres morceaux ?

Neuf titres mais près d’une heure de musique quand même ! Nous avons décidé de ne pas dépasser l’heure parce que pour un premier Lp, nous ne voulions pas dépasser le stade des présentations. En effet nous avons du laisser des choses de côté et nous aurions très bien pu faire un disque d’une heure avec seulement trois chansons. Nos chansons peuvent être très longues, et même celles sur Checkmate Savage sont considérablement raccourcies par rapport aux originales.

Sur le Myspace il est écrit Glasgow, London, Dundee. Où vit vraiment The Phantom Band ? Où le Phantom Band boit-il ses bières ?

The Phantom Band, croyez-le ou non, vit vraiment à Glasgow, Londres et Dundee (4 à Glasgow, 1 à Londres et 1 à Dundee). Nous enregistrons aux Berkeley Studios à Glasgow, mais nous composons dans nos têtes, au pub souvent. Il y en a un super appelé le Doublet à Glasgow, et un autre appelé le Bon Accord, où vous pouvez trouver de supers liqueurs et whiskies, mais nous buvons aussi du cidre dans le parc !

Total hasard, la dernière personne que nous ayons interviewé était John Mc Clean du Beta Band, un groupe avec qui vous avez été souvent comparés. Personnellement je ne trouve pas (excepté sur la fin de "Throwing bones"). Pensez-vous avoir quelque-chose en commun ?

La principale chose que nous ayons en commun avec John c’est d’être originaire de la même rue, dans la petite ville de Fife. Le plus jeune frère de John était mon plus vieux copain, et j’ai passé énormément de temps à leurs concerts étant jeune. Notre seul point commun pourrait être le fait de croire qu’un groupe peut faire la musique qu’il veut, sans prendre en compte les paramètres de style. Les groupes de notre époque à John et moi essayent d’avoir un certain éclectisme (The Fence Collective par exemple), donc peut-être que nous avons récupéré ça. J’ai beaucoup aimé le Beta Band mais je ne pense pas que notre musique ressemble à la leur.

Qui a réalisé la pochette de Checkmate Savage ? Y a-t-il une signification cachée ? Qui est en charge de l’artwork médiéval du groupe ?

Duncan est arrivé avec l’image pour la pochette, et pour les différentes couches nous avons travaillé avec l’artiste Tommy Grace. Personne en particulier n’est en charge de l’artwork, on est tous impliqués. Peut-être que Duncan et moi-même nous impliquons davantage dedans mais tout le monde a son mot à dire. L’image est celle d’une Shaker House où ils entreposaient des fournitures aux murs. L’image de la fille est une photo de la tante de Greg qui était modèle avant et que nous avons trouvé dans un vieux magazine de mode. Sur son T-shirt est inscrit le mot "Rebel". Tirez-en les conclusions que vous voulez.

J’ai lu que votre prochain album aurait des consonances R’n’B. Peux-tu nous en dire davantage ?

Pas de confusion, R'n'B ne veut pas toujours dire "rap'n'bullshit". J’argumenterais en disant que la plupart de notre musique est du R'n'B, de la même manière que Grinderman ou Uncle John & Whitelock. Ceci dit, nous aurons aussi quelques mélodies post funk, des breaks et des harmonies dans nos prochains morceaux.

Est-ce que la musique psychédélique est une source d’inspiration pour vous ?

C’est est une parmi d’autres. J’aime beaucoup la musique psyché des 60's comme les Electric Prunes ou les Standells, et j’écoute souvent beaucoup de psyché allemend et autres groupes fuzz. Je suis allé dans une boîte de nuit à Sleazys à Glasgow appelée The Hot Club, ils y passaient principalement du psyché, du Fuzz, du rock'n'Roll, du rockabilly et du Doo-Wap.

Que est le plus grand groupe de rock du monde ?

AC/DC

Vous emblez être un groupe très "online" (avec un Facebook très actif…). Internet est-il une solution ou un problème pour la musique ? Que penses-tu des blogs ?

Je pense qu’internet n’est ni un problème ni une solution. Je pense que c’est une nécessité donc il faut y penser. J’ai entendu parler de quelques groupes qui essayent de se la jouer archaïques et qui refusent d’avoir un MySpace par exemple. Je pense que depuis que nous nous sommes résignés à être sur Facebook, MySpace, Twitter etc, nous sommes restés connectés avec les fans qui en retirent quelque-chose, sinon quel serait le but ? Ce serait contre-productif de ne pas y être. Pour les blogs je pense que nos chroniques les plus influentes ont été publiées sur des blogs. Les gens les croient parce qu’ils savent qu’il y a moins de chances que le contenu soit influencé par des aspects financiers.

Quels sont tes 5 meilleurs disques de tous les temps ?

Voici pour aujourd’hui, ça peut très bien changer demain :
Led Zeppelin - Led Zeppelin III
Kraftwerk -Computer World
AC/DC - Let There Be Rock
Ramones - Ramones
Public Enemy - A Nation of Millions...

Le Myspace

A lie aussi : Interview John Mc Clean de The Aliens

Le clip officiel de "The Howling" :


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23 novembre 2009

KiNK - Psyche Funk (2009)

Je ne vais pas ici jouer au biographe, et pour cause : KiNK est un Bulgare dont je ne sais fichtrement rien, si ce n’est qu’il répond au doux patronyme de Strahil Velchev, et que son dernier EP en date, Psyche Funk (sorti en octobre sur Undertones/Kolour), dézingue sévèrement. La scène house tient là un très solide outsider, si ses prochains travaux sont à la hauteur de celui-ci. Même s’il regarde souvent vers Chicago et Detroit, son style rappelle certains excellents faiseurs français comme Château Flight et surtout Pépé Bradock, avec qui il partage une certaine vision du groove, sobre et élégante.

Parler d’un tel disque est toujours chose ardue. La simple énumération des sons utilisés ne suffirait pas à répondre à cette question, si difficile et pourtant essentielle : pourquoi ça marche ? Car la formule de KiNK ne diffère en aucun cas de celle de milliers d’autres producteurs. Lui aussi utilise des synthés, quelques samples, des boîtes à rythmes et autres logiciels. Il travaille généralement sur une rythmique 4/4 tout ce qu’il y a de plus classique, sur lesquels il construit des tracks taillés pour le dancefloor. Alors ? Pourquoi lui plutôt qu'un autre?

En fait, deux éléments le distinguent de la masse. D’abord, le sens de la narration. Comme le démontrent cette manière de faire onduler la mélodie du morceau-titre, et l’instabilité jouissive que procure ce tour de montagnes russes sonores, KiNK est bien de ceux qui racontent des histoires. Ensuite, la science des textures. Prenez par exemple la très intense "Tropic" : ce ne sont pas ses quatre notes de synthé se répétant ad libidum, ni même ses simili-cordes qui font d’elle une bombe. Mais la densité cotonneuse de la basse, l’étrangeté des hululements de chouette comme projetés en arrière-plan, la douceur des nappes : voilà qui pourrait séduire les pires intégristes de la deep-house !

Je suis moins fan (pour l'instant) de l’aride "Trevoga", au style très berlinois. Par contre le remix de "Psyche Funk" par Marcus Aurelius vaut le coup, au moins pour les curieux samples vocaux et les infrabasses qui viennent parasiter la mélodie de l’original. En tout cas KiNK va devoir s’y faire : il est désormais attendu au tournant !

En bref : un EP house proche de la perfection, par un Bulgare qui va sans doute beaucoup faire parler de lui.



KiNK - Psyche Funk.mp3

A lire aussi : Confiote de Bits et Swimsuit Issue 1789 de Pépé Bradock (2009)

Son Myspace
Celui des labels Kolour et Undertones

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