06 décembre 2009

Patrick Wolf - The Bachelor (2009)

Décidément, le boss de Babylone en a toujours de bonnes sous le pied ! Il y a à peu près un an, me faisait-il découvrir avec des airs de ne pas y toucher, un album (le Bodies Of Water) qui faisait sérieusement chanceler mes certitudes quant au podium de fin d'année. Sans remettre en cause son lauréat certes ; mais le coup n'était pas passé loin !

Et là, ne voila-t-il pas que Ju remet ça par le truchement d'un colis piégé, y'a pas d'autre mot ! Ce coup-ci, la révélation tardive a les traits d'un anglais dégingandé et blafard - comme nombre d'anglais oeuvrant dans la pop, il est vrai ! - , qui a déjà plusieurs albums et EP sous le bras ; ainsi qu'un pédigrée euh... plutôt insolite !

Déjà, le garçon affiche une excentricité qui renverrait Klaus Nomi (l'un de ses héros) au rang de clone vestimentaire de Thierry Ardisson ou de n'importe quel geek versant dans la folk lo-fi ! L'homme a connu une évolution plutôt chaotique, ombrageuse (avec bastons, renvois de pensions en tout genre), et sa personnalité barrée et difficilement gérable, n'a ainsi pas échappé à Ju, qui au delà d'une signature au sein de Babylone Promotion, m'a ainsi refilé le bébé, ce dont je lui saurai éternellement gré !

A bien des égards, l'univers kitsch de ce grand échalas romantique et ténébreux renvoie à l'identité anglaise ultime : pour une fois, il nous sera donné d'écouter un album novateur made in Albion, n'ayant strictement aucune influence indé américaine. OK, l'electro métal coup de poing de "Battle" pourrait avoir été signé par Nine Inch Nails sans problème, mais ne compliquons pas les choses, voulez-vous ! Ce titre excepté, tout ici évoque l'excentricité britannique et qu'il s'agisse de la voix, des partis-pris mélodiques chatoyants, de ce côté glitter rutilant, ou le chant souvent ampoulé, on a l'impression d'entendre des gens aussi différents que Billy Idol, Marc Almond, Matt Johnson (de The The), ou bien sûr David Bowie, jammer ensemble !

Au delà du parcours erratique, Wolf présente cette double originalité de la jouer solo en s'assumant comme tel sans (pré)nom d'emprunt (il n'y en a pas tant en Grande-Bretagne, en cette époque où règne le pseudo idiot !), ainsi que de revendiquer le statut de violoniste et d'altiste. Or, depuis le génial John Cale -il y a bien eu Angelo Branduardi mais...- qui d'autre pour venir haranguer ainsi le public ?

Alors un conseil : ne pas se fier au gloubi-boulga indigeste que peut susciter sur le papier cet alliage de musique classique (mâtiné de chant traditionnels irlandais !), sur son tapis de batteries plus ou moins synthétiques ! Dit comme cela, on pense aussitôt à ces horreurs sans nom que sont les épouvantables Era, et cette odieuse manie AndréRieuesque de vulgariser classique et variétoche de bas étage !

Pas question non plus de trop s'attarder sur la pochette rétro-futuriste, aux faux airs de jaquette de jeu video pour mutant intergalactique - OK The Bachelor est une auberge epagnole, mais qu'est censée représenter la balalaïka sous ce fond d'éclairs ?

Ce serait gacher le plaisir de découverte de tous ces titres que sont "Hard Times", le divin "Damaris", "The Bachelor", qui tiennent tout à la fois des hymnes de stade, de par le redoutable charisme de leur interprète, que des chants traditionnels irlandais ; on pense là aux ancienne scies des Waterboys.

Ce serait ignorer ces curieuses chansons minimalistes ("Oblivion") à rythmiques piquées à Aphex Twin -que devient-il au fait ?!-, cette scie muzak irrésistible qu'est "Vulture" qui nous ramène aux riches heures de Soft Cell, ou Visage avec ses faux airs de "Fade to Grey" des années 00's !

Sans compter les paroles provocantes et sexy, jouant d'une sexualité bivalente sur les paroles de nombre des titres de l'album ("I'm just gonna freak you out by being so sexy, you'll just want to dump your wife and run off with a man" dudit "Vulture"), qui donnent à l'album ce parfum de soufre propre à toute réussite britannique - il faut cela aussi pour ressortir du lot !

Dans le title-track bien nommé et qui emprunte à un traditionnel, Patrick prétend ne jamais vouloir se marier dans une voix étranglée. On lui souhaite en tout cas du haut de son célibat revendiqué, de porter haut et fort des chansons aussi belles que "The Messenger", la lumineuse et déchirante "Who Will", et quasi tout ce qui a été cité, en fait !

Comme s'en est auparavant fait l'écho Babylone Promotion, la suite des aventures est déjà prévue : ce sera début 2010, avec un 5ème opus intitulé The Conqueror, qui devait à l'origine être publié en même temps que l'album qui nous occupe. On a hâte de regoûter à l'art sulfureux mais irradiant de ce jeune prodige à multi-facettes, et on envie déjà les festivaliers des Transmusicales qui seront à même de jouir d'une affiche qui tiendra la route - outre le Wolf, l'un des chouchous de Dodb, The Field !

En bref : un disque qui s'apparente à une odyssée : 50' de musique qui donnent l'impression d'avoir revisité moult aspects de la musique pop anglo-saxonne, jusqu'aux tréfonds des folklores traditionnels. Le tout assorti d'une voix, d'un charisme, d'un artiste déjà plus important que son oeuvre.




Le site officiel et le myspace

le clip de "Damaris" :

7 Comments:

Emmanuel said...

Waow, Nick! Je n'aurais jamais pensé que cette drama-queen de Patrick Wolf te plairait autant! Du coup, tu me refais écouter un album que j'avais un peu vite mis de côté. A sa sortie, je l'avais trouvé trop indigeste. Il faut dire que le single "Vulture" (qui m'a obsédé toute l'année) avait annoncé tout autre chose, et, même si je garde un très bon souvenir de "Wind in the wires" (2005), je dois avouer que j'attendais le revirement annoncé, soit un album de synth pop acérée et dangereuse. L'album a de beaux moments, il faut seulement être dans la bonne condition d'écoute : il faut d'emblée se dire que l'on va pénétrer un grand mélodrame épique.
Et je me permets de glisser une remarque dont je ne peux m'empêcher : Nick, les paroles de Patrick Wolf n'ont rien de sexuellement bivalent! Ou alors il ne tromperait personne!
Bref... Merci pour la chronique, en tout cas.

Nickx said...

C'est vrai que "Vulture", cette tuerie, on a envie de l'entendre et entendre encore, et qu'un album de ce calibre là, on aurait pris sans problème !

Après, le côté disparate, et loukoum c'est vrai -tu as raison de précisr qu'il faut être dans les conditions idoines pour l'écouter ! - font que justement cet album ne ressemble à aucun autre, et qu'on ne sait jamais quel titre est à venir - sauf quand on le connaît déjà par coeur !

Après, cette imagerie de folle tordue et déjantée est-elle la représentation exacte du personnage - tu sembles en savoir long sur le sujet !

Ou bien n'est-ce qu'un gimmick exploité à donf ?!

Ou bien un peu des deux à la fois !

En tout cas, et comme le coborrera mon classement 2009, la découvrte cet artiste a été pour moi, avec celle des excellents parisiens de Film Noir, la principale découverte de ce cru !

Ravi d'avoir tes commentaires ort avisés sur l'album, mon cher Emmanuel !

Ju said...

Moi non plus je n'aurais jamais pensé ça de Nickx. J'ai tellement hésité avant de lui envoyer le disque. En tous cas, pour m'être effectivement chargé de sa promo française, je peux dire que l'artiste a fait parler. Il y a ceux qui ne supportent pas les violons, la voix, les élans lyriques... et il y a ceux qui adorent, et qui sont finalement très nombreux.


Je suis en tous cas ravi de jouer le perturbateur de classement de fin d'année une fois encore. L'année prochaine j'essairai de te balancer ton numéro 1 une semaine avant la fin !

Et pour ma part, j'adore "Who will" ! J'espère que Patrick pourra sortir sa suite l'année prochaine car ça n'est pas encore sûr. Je vous dirai.

A+
Ju

Le chapelier fou said...

"Après, cette imagerie de folle tordue et déjantée est-elle la représentation exacte du personnage - tu sembles en savoir long sur le sujet !

Ou bien n'est-ce qu'un gimmick exploité à donf ?!"

j'ai l'impression que le côté folle tordue est vraiment au pur premier degré, comme à peu près tout ce que fait Patrick Wolf... ça m'a l'air d'être quelqu'un de très spontané (d'où quelques accrochages en concert qui ont bien fait parler de lui), très candide même, malgré la façon dont il théâtralise tout ce qu'il touche. c'est d'ailleurs je crois ce qui fait que ça fonctionne aussi bien... Quand je l'ai vu à Rock en Seine cet été, les 3/4 du public était formé d'une part de ceux qui n'aimaient pas Prodigy et qui sont venus tenter leur chance et d'autre part ceux qui sortaient des Klaxons et ont échoué là sans trop savoir pourquoi (moi-même j'y allais sans grande conviction bien que j'aime beaucoup les trois premiers albums - un peu moins peut être The bachelor). Pendant les trois premières chansons pas mal de monde se marrait avec plus ou moins de discrétion devant ses costumes improbables, ses mimiques de diva etc, mais au bout d'un certain temps on ne peut qu'être cueilli par la pure conviction qu'il met dans tout ça. Et pourtant Dieu sait que ça frise souvent le ridicule...
après bon, on peut avoir un côté folle tordue et avoir une sexualité ambivalente ; il me semble que si on fouille dans les interviews où Patrick Wolf parle de la question, il parle aussi bien de femmes que d'hommes... N'empêche que les paroles de The Magic Position et de beaucoup d'autres chansons ne laissent pas grande place à l'ambiguïté.

Nickx said...

Voila une mise au point qui méritait d'être faite !

Merci au chapelier !

@Ju, sans dévoiler un secret d'alcove, pour mon n°1, tout était consommé depuis le mois de janvier !

Anaïs said...

"Au delà du parcours erratique, Wolf présente cette double originalité de la jouer solo en s'assumant comme tel sans nom d'emprunt (il n'y en a pas tant en Grande-Bretagne, en cette époque où règne le pseudo idiot !)"

Et pourtant son vrai nom n'est-il pas Patrick Apps ?

Sinon il me semble que cet album parle plus de son passé (au niveau du célibat revendiqué), car en concert il parle ouvertement de la jalousie de son copain quand les fans lui envoient des peluches en forme de licorne :)

Nickx said...

Le fait qu'il s'appelle effectivement Patrick Apps dans le civil, n'enlève rien au fait qu'il assume outre son véritable prénom, une identité d'artiste solo.

Ce que ne font pas tant de Iron and Wine, Gravenhurst, Sparklehorse, Cat Power, Bat For Lashes, j'en passe et des plus cons ! Je parle des pseudos !

Car il y a effectivement beaucoup de bonne musique là-dedans !

Mais là au moins, on sait qu'il s'agit d'un artiste solo qui ne se réfugie pas derrière un prétendu nom de groupe ! Et je trouve cela gratifiant !