25 juillet 2025

Comet Gain - Letters To Ordinary Outsiders (2025)

On est presque étonné voir déçu que le couple qui orne la pochette de ce très beau 10ème album de David "Feck" Christian (hors projets annexe et solo) ne soit pas celui mythique à la scène comme à la ville de Carole King et Gerry Goffin. L'une des plus mythiques paires de songwriters du Brill Building. D'abord parce que ce choix eût été raccord avec le reste de la discographie lettrée et référencée du sextet de David Christian. Ensuite parce que le visuel reproduit jusqu'à la maquette et les teintes d'une compilation  de la dame.
Enfin, parce qu'avec Comet Gain à travers les indices semés par son démiurge, tout est toujours à l'avenant du bon goût des gloires passées.


Lorsque commence l'aventure en 90 avec l'excellent Casino Classics (1995), probablement l'une des pierres angulaires d'une ample discographie - citons aussi City Fallen Leaves (2005) - le groupe à géométrie variable de David Christian devient très vite l'un des secrets les mieux gardés du Royaume-Uni. On devine sans peine que John Peel en est gaga. Tout ce qui est paria, derelict, artiste culte plus ou moins installé dans le coeur du public se voit cité, choyé par le groupe lui-même chouchou d'une cohorte de fidèles qui même dans la confidentialité ne lui fera jamais défaut. C'est Dan Treacy le leader abîmé des Television  Personalities (excusez du peu) qui rédige les notes de pochette de ce premier disque. Par la suite et comme s'il s'interdisait de devenir populaire ou plus sûrement assumait son intégrité artistique d'outsider, Christian n'aura de cesse de crier son amour à d'autres héros tels que Roky Erickson ou plus près de nous Robyn Hitchcock ou Julian Cope.
En guise de bilan, l'artiste qui vit désormais à Bordeaux avec sa compagne Anne Laure Guillain qui officie aux claviers, délivre à ses fans tout au long de 2024 des chansons comme autant de chroniques nostalgiques sur les rêves évanouis. L'auto-dérision est évidemment de mise. La plupart figurent sur Letters To Ordinary People  et sont enrichies d'autres témoignages  ; et cela donne ce magnifique album. Témoignage, le mot est adéquat puisque quasi chaque titre se voit entrecoupé d'un interlude de présentation où David s'adresse à un interlocuteur de ses connaissances. Ce sont deux notes entêtantes de piano qui ouvrent et reviennent tout au long de la très mélancolique "The ballad of the lives we led" où l'amour fait office d'épiphanie. Les chansons naviguent entre une pop indé délicieuse rehaussée à l'occasion de "trompettes indés" ("If they can't find the way then there's no way out". Beau comme du Michael Head  ; un autre héros. Forcément. 
"Beat of the veins" est l'incartade pop endiablée avec choeurs à l'unisson : pas forcément le titre le plus représentatif de l'album mais destiné néanmoins à faire une carrière honorable en single. La chanson "odd" de l'album avec "Ashtray cult", ode aux freaks des cimetières qui sonne comme un inédit de Jon Spencer.

Dans "We were paintermen" David Christian rend hommage à d'anciens acolytes musicaux et non il ne s'agit donc pas d'une citation mod envers The Creation, l'une de ses marottes. Officiellement... "Threads!" est un hilarant name-dropping vestimentaire aux illusions dandy perdues, son "Dedicated follower of fashion" à lui. Sur cette chanson, Christian évoque vocalement et pas qu'un peu Conor Oberst (Bright Eyes) quand artistiquement le morceau évolue en territoire The Fall. De même lorsque le chanteur est suppléé, c'est Rachel Evans l'une des plus anciennes membres du groupe qui s'y colle. Notamment sur les superbes "Yeah, it's a wonderful life, but there's always further you can fall" (ces titres !) ou les deux sentiments-clés de l'album, espoir et esprit désabusé sont conviés. Il y a aussi "Buildings", l'un des fleurons de Letters....Sur ces deux titres, on ferme les yeux et c'est la veine tendre et surannée de Ray Davies qui nous étreint une nouvelle fois par le truchement d'un organe offrant une troublante similitude de timbre avec Eleanor Friedberger des Fiery Furnaces. "Danbury road" emprunte le même chemin Kinksien.

Qu'un groupe fût-il l'oeuvre d'un seul homme trace ainsi son chemin sur plusieurs décennies force le respect. Intégrité et songwriting affirmé - car David Christian est un conteur, de la race des grands - sont  sans doute la clé des oeuvres marquantes. L'Histoire saura rendre justice à ces héros ordinaires.


En bref : deux décennies célébrées par l'un des secrets les mieux gardés du rock indé britanniques. Et l'un de ses magnifiques fleurons songwriters David Christian. S'il y avait un groupe que personne ne connaît à sauver...

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