15 juin 2008

Scarlett Johansson - Anywhere I lay my head (2008)

Il fallait presque s'y coller... ne serait-ce que pour ramener son verbe et laisser se déverser le flot amer de la critique. Comme bon nombre de ses confrères et consoeurs du septième art, la nouvelle égérie [poumonnée] du cinéma américain Scarlett Johansson se veut une artiste complète. Elle s'offre pour se faire un premier disque à l'enchanteresse pochette, Anywhere I lay my head, où la belle gosse reprend quelques titres de l'excellent et inénarrable Tom Waits. A mon grand regret, je ne pourrai être ni sévère ni vraiment médisant... quoique que...

Quitte à ne faire un disque que de reprises, un seul titre a été composé par Scarlett Johansson, le choix du répertoire du crooner maudit californien relève déjà du bon goût. C'est appréciable. Encore faut-il ne pas le vandaliser ou se la branler, en bon bobo pompeux ou en actrice hollywoodienne gâtée. L'ambition se doit d'être en présence car évidemment, réinterpréter les chansons racées de Tom Waits ne saurait être exercice aisé et peut facilement passer pour de la plus pure prétention. Pour éviter cet écueil, Scarlett Johansson s'est attaché les services du doué David Andrew Sitek, membre du groupe new-yorkais TV on the radio et multi-instrumentaliste agité du bocal. N'en déplaise à Jean-Daniel Beauvallet l'éminence grise musicale des Inrockuptibles, et au risque de passer à ses yeux pour un « sot/sourd se contentant d'une écoute bâclée et des oeillères de [ses] a priori » (cf. son article paru le 25 mai 2008), je ne me répandrai pas sur le merveilleux « entrelacs de textures et atmosphères au service de la voix spectrale » de la demoiselle... Cliché. Je ne ferai pas non plus de cet album une des pépites de l'année 2008. Désolé, pas de jeune fille à la perle pour moi.


Certes, production il y a, et production plutôt ouvragée de surcroît, j'en conviens. Dès les premiers accords de synthétiseurs de « Fawn », l'ambiance est en place, richement accompagnée par une orgie « free » de cuivres et clochettes. Effectivement, les territoires de Scarlett et David sont brumeux et troublants. Ils perturbent. « Town with no cheer », qui succède à cette introduction instrumentale, offre déjà la preuve qu'il n'y a pas péril en la demeure et pas de saccage en perspective. La voix de l'actrice surprend, basse placée et noble, en retrait derrière les nappes riches et foisonnantes de la musique concoctée par Dave Sitek. La version de « Falling down », titre de l'album Big Time (1988), est bien maîtrisée et parvient par moment à faire oublier son créateur. Mais à réécouter l'original, on se dit que cette débauche d'efforts et d'effets est vaine et illusoire.


En réalité, le vrai problème pour moi est que cette album soit quasi-exclusivement composé de reprises et qu'il relève plus du talent d'arrangeur et de producteur de Sitek que du don de la nouvelle muse « woody allen-ienne ». Scarlett Johansson est juste, ne minaude pas et ne fait pas injure à Tom Waits, c'est un bon point (je crois que vous aurez compris mon inclinaison pour Waits, auteur qui a entre autres collaboré avec William S. Burroughs...). Pour autant, cela ne fait pas de Anywhere I lay my head une oeuvre personnelle et touchante. Manque la création. En dépit de ce que peuvent penser certains, la musique n'est pas seulement re-création. Cependant, pas de crime de lèse-majesté ici, un disque bien agencé et qui dévoile une voix mature et profonde. Autant de raisons de ne pas tourner le dos à Scarlett et d'attendre avec attention un deuxième essai plus intime de la miss.


En bref : Un disque de reprises de Tom Waits respectable, finement et peut-être trop produit. Un premier jet brumeux et féérique pour Scarlett Johansson, honorable mais pas le chef d'oeuvre annoncé.




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Le clip de « Falling down » :


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