29 juin 2008

IGO - Synth love (2008)

La Chine est un pays merveilleux et Shanghai sans nul doute l'une de ses plus belles putains. Dans cette ville délirante et outrancière, définitivement tournée vers la consommation de masse, la culture n'est qu'un simple produit parmi tant d'autres. Le spectacle est total. A ce titre, la musique se décline sur le mode « entertainement » et devient spectrale, au final presque inexistante. Une succession de boys bands et de groupes pop taïwanais dans les enceintes et quasiment pas d'artistes étrangers dans les rayons des rares disquaires. Le son réduit à un bruit pour faire bouger les culs en boîte de night ou à un simple bourdonnement pour accompagner les clients dans les malls. Vous me direz : « Ici, un peu aussi !». Je vous répondrai qu'il s'agit peut-être juste d'une question de proportion mais qu'en Chine cela n'est pas négligeable. Là, tout est démesure et excès. Contrôle parfois. Dans les interstices de ce qui s'apparente à un désert d'indifférence, il existe pourtant des lieux et des acteurs à travers qui la musique reprend goût à la vie. Le club Shelter et sa gueule de hammam réconditionné, le minuscule Logo, et des gens comme Ben Huang, eheart, Phreaktion Jane, Mhpping, tous activistes-mélomanes depuis belles lurettes dans leur pays. Parmi eux, il y a également les jeunes IGO, duo synthé-pop tout récemment distribué par Universal Music Hong Kong. Un geste peut-être présage d'un vent de changement dans l'industrie du disque de l'Empire du milieu ? Certainement pas à mon avis, le travail est de longue haleine, mais en tout cas un bon premier disque, et un grand plaisir dans le marasme pop rn'b chinois ambiant.

Synth love est le premier album des deux amis J Jay (chant) et B6 (clavier et programmation), fruit d'une toute fraîche collaboration débutée en 2006 à Shanghai. J Jay est de ceux que l'on baptisent « tortues de mer » dans le pays, jeune étudiant parti à l'étranger et de retour en Chine. Pour lui, ce furent les Etats-Unis et un master en science à la clé. Et de nombreuses formations de groupes dans la veine post-punk. B6, de son côté, embrasse très tôt une carrière locale de DJ et producteur. Les deux jeunes hommes se rencontrent en 2004 et forment deux ans plus tard IGO, rencontre naturelle et indolore de la new wave et de la synthé pop électronique. Le petit label Modern Sky Records produit leur premier album avant qu'Universal ne prenne très vite la main pour la distribution.


Pour moi, ce disque porte trois marques indéniables. Primo, les références classiques de la new wave, genre Depeche Mode ou New Order. Deuxio, la forte inspiration Kratwerkienne et sa suite synthé-pop. Enfin, un mixage et une production très contemporains me rappelant parfois à des artistes Kitsuné tels que Fischerspooner. A ce propos, le groove de certains titres de Synth Love est très proche de ceux développés sur l'album des Américains, Odyssey, sorti en 2005. Je pense en particulier au revigorant « Holy mood » ou à la plage d'ouverture « It's not easy », portée par une ligne de basses à la fois dark et nasty. La voix de J Jay est déterminée et presque dédaigneuse parfaitement dans la vibe d'un Casey Spooner, sorte de mariage moderne entre langueur new wave et lustre électronique. Sans oublier d'appuyer de temps sur le bouton « complaintes lascives et blasées » à grands renforts de reverb et d'écho. Ou l'insert d'un organe féminin aérien. La recette est plutôt bonne et elle a souvent tendance à m'enchanter malgré la légère sensation de déjà entendu. Le charme prend une fois de plus avec IGO, l'exotisme jouant évidemment son effet à plein, tout comme les bons souvenirs. Au-delà de ça, il y a là un joli disque bien apprêté de synthé-pop. Je vous propose donc d'acheter ce disque ou de le récupérer, et rien que pour vous la raconter de le passer en soirée histoire de prononcer tout naturellement : « Tu connais pas ? C'est IGO, un groupe de synthé-pop de Shanghai ! ». Personne ne pipera mot et votre crédit musical n'en sera que plus renforcé !



En bref : Un album de synthé-pop au croisement de Kraftwerk, Depeche mode et Air. Pas une folie d'originalité mais une curiosité soignée from Shanghai.





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Les titres « It's not easy » et « Holly mood »

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