05 juin 2009

The Jesus Lizard - Concert à Paris (27 mai 2009)


Ce fut un trés grand concert, à la hauteur de la réputation live d'un groupe nineties qui ne s'était pas produit à Paris depuis onze ans, et qui avait annoncé récemment sa reformation. Ce fut une expérience, et je suis content d'avoir vu ça une fois dans ma vie. La Grande Halle de la Villette est pleine à craquer, ce soir du 27 mai 2009, pour voir l'un des groupes les plus talentueux du hardcore américain, et surtout David Yow, son chanteur, à la démesure légendaire. Mais histoire de faire durer un peu le suspens, et de rigoler, parlons un peu des deux bouses antécédentes que les programmateurs du festival Villette Sonique ont cru bon de devoir nous infliger.

Passons trés vite sur le premier groupe, car du néant on ne peut parler. Man without Pants. Si quelqu'un peut m'expliquer l'intérêt de ce qu'ils font, je suis preneur.

Deuxième groupe : Sunn O))). Attention, tout est dans le O))), vous allez comprendre pourquoi. Après un quart d'heure de marmonnements lugubres vaguement grégoriens, puis un autre quart d'heure d'orgue d'église, deux types déguisés en pénitents entrent sur scène avec chacun une guitare, et, derrière eux, un mur énorme d'amplis. «Fais gaffe, c'est pas comme pour Motörhead, ils sont tous allumés », me dit mon voisin. J'ai juste le temps de sortir mes bouchons d'oreilles, que je prend en pleine poire une onde sismique gigantesque, genre O))): j'ai mal aux cheveux, aux dents, partout. Aucune rythmique, juste deux guitares qui égrainent très lentement quelques notes bourdonnantes, en boucle, sur de longues minutes, à un volume sonore hallucinant. «Un expérience physique extrême et radicale». En effet, encore faut-il préciser «de torture». J'ai tenu un quart d'heure. La moitié de la salle se barre.

On les aura mérité les Jesus Lizard ! La tension est palpable dans la fosse, qui s'est progressivement re-remplie. Un mélange d'excitation, d'attente très forte, pour un groupe que beaucoup n'ont jamais vu sur scène, mais dont tout le monde connaît la réputation. La colère, enfin, de s'être fait chier dessus par Sunn O))), alors qu'on avait rien fait. «Ben, maintenant, tu vas te faire pisser dessus, par David Yow, mais là c'est du bonheur ».

Nos quatre lascards entrent en scène. Yow trés sobre, chemise noire boutonnée, pantalon noir. Il balance un baratin trés poli dans un américain chamallow à souhait, mais il y a ce rictus, et quelque chose de diabolique dans le regard. À la première note de «Puss», il se laisse tomber dans la fosse. Il ne nous montrera pas sa bite, et ne nous pissera pas dessus, parce qu'il n'est pas un produit prévisible. Il ne se jette pas dans la fosse, il se laisse tomber, comme dans une rupture d'espace-temps. C'est sa capacité à s'abandonner, à exposer sa voix, son corps, qui frappe avant tout. Une voix souvent hurlée, même en fin de respiration, plutôt «en dedans», comme sur les premiers albums : ce qu'il perd en nuance, il le gagne en intensité. Sur scène, il est à fond, puis tout à coup se relâche, titube, manque de s'évanouir.

On a l'impression qu'on va exploser avec lui sur le refrain de «Thumbscrew», et les breaks ont quelque chose d'hallucinatoire, entre deux moments de furie pure. Le slam fonctionne comme une soupape : quand la pression est trop forte, il tombe. La savante alchimie rythmique du trio apparaît au grand jour sur scène ; basse et batterie sont souvent décalées ou à contretemps, la guitare de Denison, tantôt sur un mode mélodique, tantôt rythmique, est à la fois subtile et minimale ; c'est la quintessence du hardcore américain: sobriété, concision, refus du solo marathonien chiant, à l'anglaise. Le son est lourd, parfois lent, saccadé, les Melvins ne sont pas loin, mais pas l'ombre d'une sonorité métal. On est quand même loin du grunge, contemporain des années d'activité du groupe. La transubstantiation christique a lieu : Yow ouvre sa chemise, puis finit torse nu, suant, crachant, lessivé, nous avec. Les pitreries du petit moustachu des Black lips le lendemain nous paraîtront bien dérisoires.

À lire aussi : The Jesus Lizard - Shot (1996).

«Thumbscrews», comme si vous y étiez :




Morceau d'ouverture, «Puss» :



3 Comments:

KMS said...

Ah j'y étais aussi (parlé du sunn o))) ici) et le concert des Jesus Lizard était incroyable.

Nickx said...

Je suis jaloux, quoi !

La seule fois où j'aurais pu les voir, c'était il y aune 15aine d'années à Londres, mais j'arrivais à peine, le sac à dos sur les épaules et.....;

Sinon, 2 remarques : excellent compte rendu qui donne envie d'en être, mais ils n'étaient que 3, les Jesus Lizard ?!

Pour ce qui est de Man Without Pants, qui n'est pas un véritable groupe, mais le projet du batteur de Jon Spencer j'avais pas trouvé mal du tout leur album, et n'ai pas été loin d'en faire une chronique !

Bises

M.Ceccaldi said...

non ils étaient quatre (line up d'origine). quand je parle de trio j'aurais dû préciser le trio instrumental basse, guitare, batterie.
bises
J