06 mai 2008

Art Bleek - Euphorized EP (2008)

C'est l'éternelle querelle des anciens et des modernes, et pour certains une conviction profonde, la virtuosité musicale serait à chercher du côté des instruments traditionnels, resteraient à la musique électronique l'astuce et le bon goût, tout au plus. Pour nous tous une évidence, l'électro est affaire de virtuosité. Et le jeune Parisien Art Bleek, pianiste et saxophoniste de formation, de son vrai nom Arthur Pochon, en offre une brillante démonstration, en compositeur appliqué et, oserais-je dire, précoce. Un frenchy bluffant, qui fait mériter à son label, Connaisseur recordings, son prétentieux patronyme.


Le parcours d'Arthur Pochon est digne d'un véritable érudit de la musique. Diplômé du Conservatoire de Paris et du département de musicologie du Boston College, le garçon balade son saxophone dans de nombreuses formations de la capitale française, jazz, nu-jazz, bossa nova, et travaille dans une major avant de publier ses premières compositions en 2001. Il signe chez le label Lounging Records (inconnu au bataillon) et sort un premier album confidentiel avant d'enquiller quelques titres pour les Hollandais de Rush Hour puis pour Connaisseur recordings.

Art Bleek livre ici un maxi loin de ses territoires jazz de prédilection mais terriblement magnifique. Trois titres classieux entre deep-house et minimale, démonstration d'un sens aigu de la mélodie et de l'écriture. Vraiment impressionnant. Sur la troisième piste du EP, Arthur Pochon en vient à tutoyer effrontément Carl Craig et se pare d'un son « Detroitish ». La garçon ne se dégonfle pas et soutient la comparaison.

« Euphorized », qui occupe la première face du disque de ses huit savoureuses minutes, est une pure pièce de deep-house rutillante et entraînante. Dire de ce titre qu'il porte bien son nom relève de la plus pure tautologie lorsqu 'émerge du laptop du Français un thème imparable aux sonorités pressées, toutes aussi furtives que délicieusement arrondies. Le rythme est frénétique et insaisissable. La première réaction est physiologique, le corps comprend et succombe. Dans un second temps, c'est la virtuosité de l'homme qui interpelle. L'éclat de sa composition nous aveugle, la pièce est parfaitement maîtrisée. Et sans répit, Art Bleek nous hisse dans ses profondeurs digitales, à la fois immatérielles et caressantes. C'est deep et la frappe est chirurgicale. L'aiguille pénètre sans forcer, le fluide se répand. La chaleur monte doucement.

Passé ce fabuleux moment de débauche abyssale, la face B du maxi ne provoque ensuite pas tout à fait la même transe, mais elle donne humblement la preuve de l'habileté de son géniteur. « Night Station » est plus aride et sèche qu' « Euphorized ». Son beat obsessionnel martèle sans répit le crâne, à en devenir lascinant. Lorsque les clochettes de « Snow Landscape » lui succèdent, nous devenons légers, illuminés, radieux. Hilares. Nous sommes au Pays des merveilles, pioupioutements d'oiseaux, atmosphère bienveillante, tout est là. Sur ce paysage sonore onirique, Art Bleek invite alors un beat jazzy que ne renieraient pas les pères de la techno de Detroit. Les deux parties communient. L'enchantement prend. La démonstration du Français est sans bavure.


En bref : Un Parisien classe, sous influence jazz, compose une pièce deep-house de choix. Un met raffiné et éclatant en bouche. Immanquable.




Le myspace d'Art Bleek (maxi en écoute)


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1 Comment:

VadeZ said...

C'est du lourd. Les 3 premières secondes de Euphorized m'ont flanqué la chaire de poule, la suite n'en est que plus euphorisante! Merci Fabi et bon voyage!