11 mai 2007

Interview d'Antoine Moreau - "Avec Internet, l'économie de la musique a explosé"

Antoine Moreau est l'initiateur de la licence « Art libre », une licence d'auteur qui donne l'autorisation de copier, diffuser et transformer librement des oeuvres, sans pour autant se les approprier. C'est le « copyleft » (logo ci-contre), en lieu et place du « copyright ». Un modèle calqué sur celui des logiciels libres et qui doit favoriser la (re-)création artistique.

Dans le sillage de cette idée, de nombreux sites d'Art libre ont été créés comme le reconnu Jamendo, qui propose aujourd'hui plus de 3000 albums copyleft. Entre amateurisme et art militant. Antoine Moreau nous parle (brièvement) de l'impact d'Internet sur l'industrie et la production musicale.


Dans quelle mesure Internet a bouleversé l'économie de la musique ?

Antoine Moreau : Tout d'abord, il faut dire que l'économie ce n'est pas seulement la valeur marchande d'un produit. C'est aussi le transport. Avec Internet, le transport de la musique a été révolutionné. L'économie purement marchande de la musique a ainsi explosé. Tout le « business model » de l'industrie musicale a été remis en cause. Dans le même temps, le matériau CD a perdu, me semble-t-il définitivement, sa capacité à générer de l'argent. Aujourd'hui, dans la musique on gagne de l'argent grâce aux concerts, plus grâce aux ventes d'albums. Même si on a toujours fréquemment un Arctic Monkeys pour vendre des millions de disques. Pour le moment, on peut constater que l'industrie musicale n'a pas réussi à s'adapter aux dernières évolutions du net, le peer-to-peer en tête. Une acclimatation sera nécessaire, une adaptation à l'économie du numérique, qui est bien différente.

Internet contribue-t-il, selon vous, à la création musicale ?

On peut penser que le mythe du grand artiste, à la carrière sans fin, n'est plus d'actualité. Aujourd'hui, la création artistique est le fait d'artistes mineurs, par opposition justement à ce mythe du grand artiste, de l'artiste majeur. C'est une multitude d'artistes mineurs qui fait la création vivante, en mouvement. Une création qu'Internet véhicule et rend possible. Internet peut être considéré à bien des égards comme une oeuvre d'art en soi, une méta-oeuvre d'art. Aujourd'hui, c'est le moment de la musique « pour tous, par tous ». Internet a bien évidemment un effet positif sur la création, un effet presque explosif. On est encore dans le chaos créatif, et c'est justement là qu'entre en scène l'idée de la licence « Art libre » qui pose une éthique claire. On peut participer à la création mais on ne s'approprie pas ce qu'ont fait les autres.

Comment résumer l'apport d'Internet à la création ?

Internet c'est un tryptique : l'autocréation, l'autoproduction et l'autoproclamation. On crée, produit et se proclame artiste de son propre chef. L'oeuvre se diffuse ensuite comme du bouche à oreille, de postes en postes.

Dans ce schéma, il n'y a plus de place pour les labels ou les maisons de production ?

L'économie de la musique a été bouleversée par Internet. Les labels et majors vont devoir s'adapter aux nouvelles technologies de l'information et de la communication pour survivre. Leur travail va certainement évoluer et leur démarche s'orienter vers des contrats de distributions et de licence. La place de la production, au sens de production technique et musicale professionnelle, va nécessairement se réduire. Cela va de pair avec la fin du mythe de l'artiste majeur. Les maisons de disque se verront peut-être limitées à des activités de communication et distribution pour des produits sans cesse renouvelés.

Propos recueillis, au bout du fil, par fab.

1 Comment:

Laurent KRATZ said...

Merci pour cette interview d'antoine moreau.

Attention tout de même à l'expression libre de droits ! C'est plutôt libre de certains droits, ou libre diffusion. La paternité est un droit qui n'est pas abandonné dans le contenu sous licence art libre.