12 mars 2008

Interview - Ashkenaton

Ashkenaton a au moins un trait en commun avec le légendaire juif errant. Il n'a pas encore perdu sa mort mais il erre à travers le monde et se donne à voir de temps en temps. Sa dernière apparition se situe dans la nuit du 7 mars au Molodoï, à Strasbourg. Ce grand escogriffe au dos courbé, le nez et les ongles crochus, coiffé d'une ineffable kippa (voir la photo), est arrivé aussi vite qu'il est reparti. Juste le temps d'un concert de hip-hop (de feuj), histoire d'engloutir des bières et de tirer sur quelques joints. Le soir de sa venue, je n'ai pas eu moyen de m'entretenir avec lui, il rôdait déjà sur les chemins. Pour l'instant, il n'existe qu'un MySpace avec six morceaux, un seul concert à son actif et pas encore d'album. Alors, Ashkenaton a bien voulu nous éclairer par mail sur son personnage plutôt énigmatique. Une interview exclusive, pleine de malice sous la kippa.

C'est quoi du hip-hop de feuj ?

Le rap pour moi, c'est juste un beat, un rappeur, des paroles... Ensuite tu en fais ce que tu veux, il y a toujours eu des juifs qui rappaient, les Beastie Boys, MC Serch, Necro, Paul Barman, Booba, il y avait meme Remedy sur la compil' du Wu-Tang aujourd'hui il y a toute une vague plus alternative avec Socalled, Gonzales, Y-Love, Matisyahu... comme il y a toujours eu des blancs, des latinos, des antillais, des africains, des arabes... Le rap, ou le hip-hop, c'est toi qui exprimes un truc qu'il y a en toi, c'est personnel, tout ça pour dire qu'il y a pas "du hip-hop de feuj", il y a des feujs qui rappent parmi lesquels, moi... Je pense pas du tout avoir la même attitude qu'un SoCalled par exemple, même si je suis très très admiratif de ce qu'il fait.

Ashkenaton, c'est du gangsta rap, mais juif. Comme Ice Cube qui prend les clichés anti-noirs et qui les pousse à l'excès pour les dénoncer, et montrer ce que valent ces préjugés, où ils mènent. Si tu as des idées sur les Juifs, tu crois qu'on est porté sur les thunes, qu'on a du pouvoir, qu'on est distant avec les non-juifs... Et bien avec Ashkenaton tu vas t'en prendre plein la gueule, c'est pire que ça, c'est le Juif au nez crochu qui te vole tes sous, et ta meuf, qui graisse la patte aux politiques, et qui après ça se fout de toi, le Juif que tu détestes, quoi.

Ensuite il y a mon crew qu'on a pas encore beaucoup entendu, c'est les Sages de Sion. On est une sorte d'Etat major du complot du rap juif. C'est un truc de malade d'autant plus que beaucoup de membres peuvent pas montrer leur visage parce que, dans la vraie vie, certains travaillent vraiment dans la finance et dans des grands cabinets d'avocats, ils sont haut placés...

Comment t'es venu l'idée de faire du hip-hop ?

C'est une musique que je kiffe, j'écoute ça depuis que je suis ado, c'est générationnel. Après il y a un gros contraste entre l'image à la 50 cent du rappeur posé, bodybuildé, et celle du juif malingre du ghetto qui déblatère, j'essaie aussi d'en jouer.

Quelles sont tes sources d'inspiration ?

L'Holocauste, la Shoah, l'ultraviolence généralisée, la bêtise du monde, la haine qu'il y a en moi, celle qu'il y a autour de moi, Philip Roth, la mort, les pogroms, le Wu-tang, Black Moon, les discours extrémistes, le fait que la vie soit dure pour tout le monde.
Il y a un bouquin français que j'ai découvert récemment, ça s'appelle Zimmer, de Louis Bloch. C'est un type qui a édité ça à compte d'auteur, c'est complètement cynique, et drôle, son expression va très loin dans la violence, je me reconnais complètement dans son délire

Tu travailles comment ? Seul sur ton PC ?

Il y a mon "homegoy" NYP qui m'assiste énormément, il a notamment fait le beat de "Riche comme crésus". Dédicace à lui et à Don $hoah des Sages de Sion qui partagent la scène avec moi. Peut-être que dans les temps futurs j'essaierai d'enregistrer plus proprement, en studio, on verra.

Comment s'est passé ton premier concert ? Tu n'as pas eu peur de te faire frapper ?

Peur de me faire frapper ? Non, tu penses qu'il faudrait me frapper ? Pourquoi ? Il y a eu des bonnes réactions de la part du public, c'était plutôt positif, apparemment beaucoup de gens étaient dubitatifs aussi, si ça les fait réfléchir ou réagir, ça me va aussi.

Aujourd'hui une scène, demain un album ?

Je sais pas, j'ai pas de plan de carrière, je fais ça parce que ça me plaît et que ça me fait rire.

Ça fait quoi de flirter avec la célébrité, les putes et le cash facile ?

Rien de neuf pour moi, en tant que feuj, il m'est aisé de me procurer champagne, caviar et bain à bulles. Le succès c'est pas ce qui t'oriente, comme l'a dit Devin The Dude, il s'agit juste de cracher tes problèmes avec le monde dans le micro et les gens seront à tes cotés.
Je me sens proche de la démarche d'un Slim Thug, car j'ai déjà mes bizness, ma vie, mes revenus. Le rap, c'est un nouveau truc que je rajoute par dessus, si ça marche tant mieux, sinon j'ai d'autres cordes à mon arc.

Est-ce que tu sors uniquement avec des juives ?

Non, je suis névrosé à la Philip Roth, je kiffe que sur les shiksés (ndlr : femmes non-juives). Les juives, ashkénazes, elles me font penser à ma mère.

Et les séfarades, t'en penses quoi ?

Elles sont souvent bonnes, plus sexys que les ashkénazes.

Propos recueillis par Antoine

Son MySpace

Remerciements à Pauline ainsi qu'à toute l'équipe du Goat 'n roll Show

0 Comments: