13 juin 2025

The Beach Boys - Sunflower (1970)

Avant que l'affaire ne tourne au sale avec les inévitables fâcheries fratricides, une inspiration en berne et l'irruption dans la saga Wilson du redoutable Dr Landy, voici l'un des derniers grands actes de bravoure des Beach Boys. Après cela il restera le sommet Surf's Up (71), Holland (73) et ce sera à peu près tout. Tous les membres du groupe sont photographiés dans un bel et rare unisson ; ce qui est rare. Al Jardine manquait à l'appel sur les premiers albums surf et était remplacé par David Marks. Entre temps revenu de ses années d'étude, le même Jardine manquait à nouveau la photo d'illustration sur le voilier pour Summer Days (and Summer Nights!!) de 1965 pour cause de dysenterie.
Brian absent des tournées du groupe dès 1965, n'étant pas davantage préoccupé par les visuels, se révélait absent de ceux de 20/20 en 69, l'une des nombreuses réussites des apprentis surfers postérieures au trauma Smile.

Et cette atmosphère idyllique et d'harmonie familiale retrouvée est présente dès le recto : les 6 membres d'alors dans un mood hippie de circonstance se font tirer le portrait avec les enfants de chacun. Tout le monde participe à l'écriture. Brian Wilson même en retrait depuis quelques années, parvient toujours à caser son brelan de merveilles. Ici celles-ci s'appellent "This whole world"; mini symphonie de poche d'à peine 2 minutes avec carillons, rupture harmonique étonnante et magnifiée par Carl devenu depuis "God only knows" puis l'album Wild Honey (67) l'emblématique chanteur lead. Puis c'est "All I wanna do" composée à l'ancienne avec Mike Love, ballade douce-amère où le timbre flûté et métallique du cousin fait à nouveau le métier. Puis "Cool, cool water" en ces années de conversion baba écolo clôt le 16ème opus de façon légère
Dennis qui non content de battre, chante et compose divinement depuis peu, signe et interprète l'inhabituellement enjoué "Slip on through" introductif. Mais tout le monde se souviendra de la déchirante "Forever" annonciatrice des  "4th of July" et "(Wouldn't it be nice (to live again)" à venir et de son Pacific Ocean Blues (77). Impossible de passer sous silence non plus "It's about time" également amenée par le plus SWAG des frères Wilson. Et que tous ceux qui sont toujours restés dubitatifs devant la puissance de rockeurs des Garçons de la Plage écoutent prioritairement ce titre dont il existe plusieurs versions live incendiaires sur Youtube. Et une nouvelle fois la puissance vocale de Carl emmène le titre très haut.
Album préféré de Bruce Johnston et il y a probablement lien de cause à effet; ce dernier se voit confier 2 titres. "Deirdre" est une ballade délicate co-chantée avec Brian et préfigure la tendre "Disney girls (1957)" d"un an plus tard. "Tears in the morning" inaugure les-chansons-des-Beach-Boys-qui-ne-sonnent-pas-comme-des-chansons-des-Beach-Boys telles qu'on on en retrouvera notamment dans Holland.  Mélancolique, douce-amère et soulignée d'accordéon, c'est peu dire que ce titre détonne. Il est arrangé par notre Michel Colombier national, tout comme le rageur "Got to know the woman" de Dennis et "Our sweet love" titre mineur d'Alan Jardine.

Album disparate et beaucoup plus hétéroclite que ne le sera son grand frère Surf's Up, un petit peu foutraque aussi, Sunflower est néanmoins un album terriblement attachant et qui encapsule très bien la diversité et le talent hors du commun en ce qui concerne le songwriting de ce groupe à nul autre pareil qu'était harmoniquement et vocalement les Beach Boys.
Et révèle définitivement un groupe sachant rocker; bien loin des sages chemises à rayures des années surf.

En bref : album sonnant comme une véritable compilation mais n'en étant pas une. Tout le talent d'écriture des Beach Boys et de ses divers membres se révèle ici avant de réapparaître de manière encore plus éclatante avec Surf's Up l'année suivante. Hippie Hippie hourrah.

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07 juin 2025

The Jesus Lizard - Epicerie Moderne (Feyzin) - 04/06/25

(de gauche à droite ; David Wm. Sims, Mac Mac Neilly, David Yow et Duane Denison)
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Dans la foulée de l'excellent Rack leur album de reformation célébré en 2024, les mythiques Chicagoans de The Jesus Lizard s'offrent une belle tournée européenne. La France n'est pas ignorée : c'est ainsi qu'après une date à l'Elysée Montmartre, c'est au tour de la Capitale des Gaules et plus exactement sa banlieue d'être visitée.
Et l'on constate très vite que bien que sexagénaires bon teint; ces dépositaires hard core aux sonorités jazz uniques n'ont rien perdu de leur superbe. Puisque dès le 3ème titre ("Mouth breather"), les premiers rangs sont déjà imbibés de bière et que l'ineffable et très alcoolisé David Yow fait le show. Bien qu'abîmé comparé à ses trois comparses qui portent beau,  et assagi (il ne pisse plus sur le public), Yow a très vite un nombre déraisonnable de slams à son actif. Vociférant et à grand renfort de glaviots, il ouvre le set avec "Puss" un vieux classique qui a fait la gloire du groupe lors d'un split single avec Nirvana.
Les "Fuck Trump" abondent forcément, le son est nickel ; en particulier les riffs incendiaires que cisaille Duane Denison qui demeure l'un des plus brillants bretteurs de la scène punk US, le JJ Burnel de la six-cordes pour le port même si moins exubérant. Avec 7 titres, Rack est forcément à l'honneur avec une mention spéciale pour "Grind" et "Alexis feels sick". Tous les albums sont passés en revue à l'exception notable et justifiée de Blue (1998); sans doute l'album le moins réussi du quartette. Et surtout le seul orphelin de Mac Mc Neilly, le très racé batteur parti à l'époque sous d'autres cieux. Avec David Wm. Sims il forme une section rythmique démoniaque.
Les trois musiciens ne laissent que peu de répit à David Yow pour s'adonner à ses frasques car tel un Panzer, la machinerie des ex-acolytes de Steve Albini ne faiblit pas et enchaîne. L'incroyable limpidité du jeu de Denison fait d'harmoniques, d'écarts de phalanges et de glissandos au bottleneck particulièrement sur 'Blue shot", "Thumper" et "Thumbscrews" de ce qui demeure leur sommet - l'album Shot de 96 - fait merveille.
Et de ressortir rincé d'un show de 23 titres long de deux heures et ponctué de deux rappels placés sous ls signe du stupre et de la sueur. A aucun moment on ne leur en voudra de ne pas avoir joué "Dancing naked ladies".
Quel groupe.


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02 mai 2025

Hugh Cornwell - Cargo de Nuit (Arles) - 01/05/25

 Rendez-vous avec la légende des Hommes en Noir pour ce jour de travail chômé. En formation très resserrée - une basse, une batterie et c'est tout - l'autre homme fort des légendaires Stranglers des 15 premières années, armé de sa Telecaster revisite pendant près de deux heures son riche répertoire.

Le line-up très dépouillé détonne par rapport à la palette sonore à laquelle nous avait habitué les Etrangleurs : cela fait certes un drôle d'effet d'ignorer ainsi les parties de claviers de frère Greenfield sur la bagatelle de 8 titres (!) extraits de l'oeuvre du groupe mythique. Mais étonnamment, c'est pratiquement "Strange little girl" et sa revigorante partie de basse qui s'en sort le mieux. Et sans doute un "Nuclear device" envoyé du feu de Dieu sur lequel Hugh n'oublie pas son fantastique monologue sur l'Australie.

C'est peu dire qu'en comparaison des morceaux-que-tout-le-monde-attend, le répertoire récent de l'Homme en Noir ferait presque un peu chiche. Comment en effet lutter face à de tels monuments que "Tank", "Nice 'N' sleazy", les morceaux précédemment cités ou l'infernal "Duchess", peut-être la plus belle composition de Cornwell à ce jour. Alors, il y a bien ici ou là quelques couacs - ce solo de guitare irrémédiablement raté sur "Golden brown" ; malgré ce la magie opère encore chez ce monsieur à l'âge vénérable dont le timbre, le grain de voix et l'humour tongue-in-cheek demeurent inusables.

En rappel, notre homme enfonce le clou avec "White room", formidable reprise extraite de son premier effort solo Nosferatu dont l'album va faire prochainement l'objet d'une réinterprétation intégrale lors d'une tournée britannique. Et comme "Goodbye Arles" n'existe pas au répertoire (op cit Etienne Déconing), le set se conclut donc par une revigorante "Goodbye Toulouse".
No More Heroes, qu'il disait ?


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07 mars 2025

The 13th Floor Elevators - The Psychedelic Sounds Of The 13th Floor Elevators (1966)

L'album qui encapsule les années psychédéliques du garage US ne contient pas l'ombre d'un effet psychédélique. Bon il y a bien une cruche électrifiée à l'arrière-plan mais pourquoi pinailler !
Roky Erickson et ses deux assesseurs que sont le guitariste Stacy Sutherland et Tommy Hall l'homme à la cruche créent leur quintette en 1966 en compagnie de deux sbires et d'emblée le groupe obtient un succès local et texan ultime avec l'un des plus grands hymnes qui soient : ce "You"re gonna miss me" échappé des Spades et composé par Roky est l'hymne repris par à peu près tout le monde et pas uniquement par des groupes punk  à chien. On note notamment la cover marquante synth pop de Jad Wio au milieu des années 80.


Roky Erikson né Roger comme un autre célèbre frappadingue contemporain, a déjà fait sien avec ses copains l'adage de la fumette et des drogues psychotropes. C'est l'époque où de grands gourous et essayistes tels Thimothy Leary valident l'ouverture des portes de la perception. L'éphémère carrière du groupe ne sera d'ailleurs que suites de descentes de police et de mains basses sur de la marijuana quand ce ne seront pas les sacro-saints buvards qui vaudront à leurs détenteurs de sérieux démêlés avec les forces de l'ordre.
"You're gonna miss me" trône en bonne place sous sa chatoyante pochette au centre de laquelle se trouve l'Oeil de l'élévation humaine secondé au verso par le signe cabalistique de la pyramide ascensionnelle. Tout un programme.
La musique dans tout ça ? Elle est irrésistible et ce que l'on entend derrière la cruche quasi omniprésente qui imite le roucoulement du pigeon dans "Roller coaster", ce sont des chansons remarquablement écrites et qui pour une fois ne donnent pas dans les seuls slogans hédonistes amoureux du type "I need you so bad baby". Peu de résonances blues ou rhythm and blues dans la musique du groupe texan contrairement à nombre de leurs confrères de la même époque si ce n'est sur la lancinante intro de "Kingdom of heaven" qui n'aurait pas déparé une bande-son de David Lynch. Tout sonne...différent même si le groupe s'est nourri de ces mêmes influences à travers des reprises de Bo Diddley.
 Et gimmick remarquable, pas une once de distorsion sur les guitares, aucun effet de flanger, feedback ou wah wah tellement empreints de leur époque. Autre élément à mettre au crédit des Elevators assurément. Dans ce disque sans temps mort, on note ces autres hymnes parmi les plus représentatifs du groupe que sont "Fire engine" lui aussi abondamment repris ainsi que "Tried to hide" réhaussé tout comme "....miss me" de l'harmonica de Roky.
Quand il ne jouait pas au possédé nasillard poussant des cris de hyène, le leader du groupe culte, savait être aussi ce chanteur formidablement touchant. Ainsi enfin débarrassé de la cruche, l'homme assène dans le magnifique "Splash 1 (Now I'm home)" ces douloureux et déchirants "I've seen your face before / I've known you all my life / And though it's new / Your image cuts me like a knife" prouvant s'il en était besoin que loin d'être cruche, le légendaire groupe Texan tel que décrit par le musicien rock critic Gilles Riberolles, disposait en plus d'un leader cinglé d'un son épuré qu'aucun autre groupe garage ne pouvait lui envier.

Deux autres albums incontournables même si forcément moins réussis du fait de la démise progressive de Roky en proie à des tourments psychiatriques et carcéraux allaient suivre. Dont notamment Easter Everywhere (1967). Mais aucun ne réunirait autant de folie et de sauvagerie que ces Sonorités Psychédéliques, premières de cet intitulé dans l'histoire de la pop.

En bref  : avec une première occurrence du mot "psychédélique" et sans l'ombre (ou presque) d'un artifice sonore, le coup d'essai des Thirteen Floor Elevators du grand fêlé Roky Erickson demeure l'une des pierres angulaires du garage US.

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