02 mai 2018

Magma - Köntarkösz (1974)

Christan Vander, ce leader messianique que tout un chacun aime détester. Ce chef de clan un peu cintré, qui n'a pas seulement créé un groupe, mais un langage (le kobaïen), une esthétique, des références cabalistiques incantatoires, un uniforme évoquant tant l'imagerie nazie que les robes des Cigares du Pharaon. Bref l'allumé total, le mégalo fini etc...


Bon au commencement, était un fan de jazz, musicien autodidacte devenu rapidement batteur virtuose et imprégné des boeufs auxquels il eut la chance d'assister dans le Paris de ses 16 ans.
Très vite, un événement l'afflige, le met plus bas que terre ; et c'est en 1967 la disparition de John Coltrane. L'homme qui s'imagine sûrement comme le nouvel Elvin Jones pète littéralement les plombs et part en Italie noyer son chagrin. Lorsque enfin en 1969, l'appel de la raison est trop fort : il plaque tout, quitte petite amie et petits boulots, abandonne Turin pour revenir en France. Loin des essais yéyé de sa prime jeunesse, il va créer un groupe, un collectif qui à sa manière sera une offrande, une célébration de l'esprit de Coltrane.
Et accessoirement, à raison d'une centaine de musiciens qui graviteront autour de son satellite au cours de son existence, l'occasion à moult artistes chevronnés de rejoindre l'aventure, la secte Magma.

Un premier album éponyme particulièrement réussi sortira en 1970. Mais loin de demeurer une entité souterraine, cette espèce de jazz prog chanté totalement hermétique du fait de ses paroles cryptiques - en gros, quittez cette planète Terre déshumanisée et rejoignez la planète Kobaïa - va trouver son public. Magma est à l'instar de Ange, Gong, Zoo ou ce genre de formations communautaires, une référence qui compte pour babas hippies assoiffés de pop. Le groupe fait une apparition remarquée dans le manifeste anarchiste culte de Jean Yanne, Moi Y'en A Vouloir Des Sous, obtient même le prix de l'Académie Charles Cros, un an après les Doors pour 1001° Centigrades, son deuxième disque.
Après avoir la même année accompagné Eddy Mitchell sur quelques titres de son fantastique Zig-Zagobtenu la consécration avec Mekanïk Destruktïw  Kommandöh en 1973, les rangs de Magma se clairsèment quelque peu - comprendre, l'équipage n'est plus que de 6 musiciens pour aborder le 4ème album studio.

Jannick Top, bassiste de sessions émérite qui a notamment oeuvré pour Michel Colombier lors de la bande-son de L'Héritier, est de la partie ; c'est du reste son 3ème album avec Magma, que Claude Engel, impressionnant guitariste et acolyte de Top chez Colombier, a déserté.
A grands renforts de umlauts, Köntarkösz, naît de l'imagination fertile de Christian Vander, adepte de fantastique et tire son nom de Kontarkos, personnage de L'énigme De L'Atlantide de Blake And Mortimer.
4 plages obsédantes, dignes d'un soundtrack trépidant sont ainsi enregistrées. En dehors de "Ork Alarm" composée par Jannick Top qui offre une respiration courte au disque et à la belle élégie dédiée à... Coltane "Coltrane Sündïa", les 41 minutes de l'album reposent sur les deux parties du thème de "Köntarkösz" (part one) et (part two).
La première pourrait être la bande-son idéale d'un giallo, - ce genre de films d'épouvante qui firent florès dans l'Italie des 70's - et consiste en un crescendo savant entre instrumental habité et dérives chorales folles ; c'est un... magma sonore très flippant et à la fois très mélodique.
Le deuxième davantage psalmodié par Klaus Basquiz, le barde fou du Zeuhl Magma, est une féerie de contre-temps, de syncopes, emballés sous un tempo frénétique; avec des parties de piano de malade.
Magma qui se fera plus sporadique après cet album, puisque hors projets annexes, le groupe n'enregistrera guère qu'une petite dizaine de LP's, a traumatisé de façon durable tous ceux qui se sont retrouvés dans ses rituels chamaniques, la démesure du rock progressif, la rock attitude - car Magma ça rocke - l'occulte, la science-fiction, l'absorption de drogues etc...
Néanmoins on pourra également détester le prog-rock et aimer Magma ; ça n'est pas incompatible. Demander au jeune Julian Cope qui à l'orée des années 80 aimait tout cela à la fois, et qui ne s'en est jamais vraiment remis ! 

En bref : la bande-son définitive des fantasmes ou cauchemars hippies. Par un groupe certes décrié, mais dépositaire d'un son et d'un art à nul autre semblable. Jouons les Kobaïens.
 

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