31 mars 2015

Eddy Mitchell - Zig-Zag (1972)

Cette pochette déjà, impossible de la manquer ! Donc bien avant la loi Evin, Eddy Mitchell osait cet incroyable look de moujik goguenard, qui rendait hommage à du papier cigarette. Alors en plein creux de la vague, et ironiquement à quelques encablures de là toucher à nouveau avec ses succès boogie et country, monsieur Eddy jouait son va-tout, ou plus exactement n'en faisait qu'à sa tête.

1972,  année faste pour le rock et la pop hexagonale : Dutronc sortait "Le Petit Jardin", c'était l'année de Polnareff's, Françoise Hardy pondait pas moins de deux chefs-d'oeuvre, l'un en français, l'un en anglais, toutes ces choses là devaient inconsciemment un tribut aux disques de Vannier, Gainsbourg, Ferrer, Sheller, Petitgirard, Demarsan, Goraguer tous ces grands orchestrateurs, arrangeurs et compositeurs que le monde entier ne nous enviait... pas encore, mais dont il allait se réclamer plus tard.

Véritable OMNI, à rapprocher de L'? de Dick Rivers ou de Rêve et Amour de Johnny, Zig-Zag, collaboration voulue par Eddy avec les musiciens de Zoo et de Magma, marquait probablement le point d'orgue de la discographie de l'artiste qui comptait déjà quelques perles R&B et freakbeat. Pourtant - et assez caractéristiquement - ce devait être un four retentissant, ce qui selon la loi de l'offre et de la demande en font une pièce assez recherchée aujourd'hui.

Depuis, déjà quelques saisons Eddy Mitchell et ses talents de parolier ne se contentent pas seulement de transposer des standards existant - notion en  rien rédhibitoire au vu des capacités vocales de notre homme, et notamment des deux "reprises" incluses ici. Il égrène ses mots et est généralement secondé pour la composition par son binôme Pierre Papadiamiandis ou autre Jean-Pierre Bourtayre. Et notamment sur un  titre faisant  le lien avec Zig-Zag ("L'accident" sorti en single  et précédant Rock'n'Roll de 71)
 
Le disque et sa grosse demi-heure de rigueur resserre le propos autour de 11 chansons aussi dissemblables que groovy dans leur approche rythmique, la dynamique hénaurme que lui confèrent essentiellement les basses, percussions et cuivres kobaïens.

Un morceau qui détonne dans tout ce que l'artiste a pu faire auparavant ouvre l'album ; ce "En Revenant Vers Toi" qu'une oreille discrète, aura tôt fait de prendre pour un refrain cheesy à la Adamo ("...Petite Fille de mes Rêves..."), quand on louvoiera dans ce que la Variété a de plus noble, au sens Bacharachien du terme, en particulier lorsque rehaussé de percussions étincelantes. S'ensuit "La Nuit des Maudits" tout en retenue où la thématique sombre, occulte de l'album évolue entre croonerie classieuse et cabaret jazzy. Plus conventionnel et après cette entame feutrée "Le Vaudou" envoie du bois avec guitares acérées et cuivres façon revue soul. "Personne", toujours admirablement interprétée se veut lyrique, et poursuit sur une veine désabusée voire mélancolique. "Stop" à la rythmique caribéenne irrésistible se veut enfin plus hédoniste, et un autre tour de force vocal.

La face B convoque deux adaptations, génialement dynamisées, l'une des Moody Blues ("Le Jeu"), est une nouvelle réussite, une leçon de chanteur interprète. Que dire de "Cash", initialement "Patches" et popularisé par Clarence Carter, dans laquelle et d'une façon non dénuée d'amertume, Mitchell évoque sa lose persistante en ce début de décennie, empruntant le phrasé revanchard en mode Johnny frondeur : c'est assurément l'un des moments forts du disque, un grand moment soul saupoudré des notes brillantes d'un Hammond. Territoire à la Otis qu'emprunte aussi le swing très souple de "Je Quitte La Ville", où le chanteur se régale dans des changements d'harmonie façon cabaret. Tout comme "Résurrection", qui donne son ton résolument noir (dans tous les sens du terme) au 12ème disque d'Eddy Mitchell.
 
"Tout est dit", d'apparence plus primesautière, cède le pas à l'un des singles : Ironiquement seule chanson véritablement connue de l'album qui allait préfigurer les jours heureux, la funky "C'est Facile" est parsemée d'éclats de wah-wah et de giclées d'orgue étincelant. Eddy a tout compris.

En bref : une réussite incontestable, une pierre posée dans le patrimoine  pop d'ici. Un album unique en son genre d'un artiste important de nos contrées, et admirablement secondé par certains des meilleurs musiciens de l'Hexagone des seventies. Sexy et groovy. A redécouvrir.




 "Le Jeu" :

 

7 Comments:

Ju said...

Ah, demain je verrai si je trouve cette pépite Aux 33 Tours ( ;

Ju said...

Et sinon je trouve que Zappa est plus fort qu'Eddy Mitchell.. désolé

Nickx said...

Ca se discute....à la guitare peut- être...oui !


Est-ce là une façon élégante de dire que tu as moyennement accroché....ou alors tu t'es fait spamé (y'a plein de spams en ce moment en attente de modération, t'as dû voir !) par un membre éminent du site ? :))

Au fait, ach_te l'édition canadienne quand même ; elle est rare !
Sinon, une chanson de ce disque est à elle seule plus riche que la carrière entière qu'on peut subodorer à Mac Demarco :)!

Ju said...

C'était effectivement un clin d'oeil à ce membre, vu que je n'ai pas encore eu la chance d'écouter ce disque.
Par contre, à défaut de pressage francais ou canadien (effectivement rares, apparus 2 fois en 8 ans ici), on détient au shop un repress de 2009 que je vais peut-être acquérir.
Bises

M.Ceccaldi said...

perso je trouve que stravinsky est plus fort qu'eddy mitchell :-)

M.Ceccaldi said...

Je suis le choc, je ne savais que Eddy avait chanté avec les musiciens de Magma... Tu vas bientôt nous apprendre que Sheila a joué avec Elvin Jones :-)

Nickx said...

Ou, mais en revanche ni l'un ni l'autre n'ont jamais joué ni avdc Stravinsky ni avec Zappa !

Concernant l'irréductible moustachu (vite, une chronique !), tu me concèderas que les brillantissimes musiciens de Magma, présents sur 4 titres de cet album -les autres, ceux de Zoo ne sont pas dégueulasses non plus- peuvent ne remontrer à plus d'un Mother of Invention !

Je n'ai pas le nom des zycos de In It For The Money sous la langue, mais je crois oser les péremptoires : Christian Vander a un percussionniste de Zappa à chaque doigt, et les Claude Engel et autres Jannick Top (pour ne parler que d'eux), peuvent rivaliser à l'aise avec n'importe lequel des musiciens de Francky !