19 janvier 2010

Jay Reatard - Watch Me Fall (2009)

Cette chronique a traîné longtemps sur mon bureau, et puis forcément elle a pris un tour différent ces jours-ci. Comme vous le savez Jay a été retrouvé mort dans son lit le 13 janvier dernier au jeune âge de 29 ans pour des raisons encore inexpliquées si ce n’est quelques symptômes grippaux quelques jours auparavant. Pour beaucoup cela a été un choc. Parce que ceux qui le connaissaient voyaient en lui un énorme potentiel qui était loin d’avoir tout dit. Avec déjà presque quinze ans de carrière (!), plus d’une soixantaine de disques (!!) avec neuf formations différentes (!!!), Jimmy Lee Lindsay Jr était pour le moins prolifique. Qualifié de "machine à chansons" par certains, c’était surtout effarant de constater à quel point son adage "1 tube par titre" fonctionnait, dans un registre particulier, le garage rock. Voir à quel point il arrivait à sortir une mélodie reconnaissable d’une bouillie d’électricité a toujours été une expérience particulière. Un gars qui aimait la musique et qui sur scène se transformait en bête féroce et indomptable, sur des titres excédant rarement les trois minutes chrono. Je l’ai vu au printemps dernier à Barcelone et n’ai pas été déçu.

En ce qui concerne cet album, sorti l’an passé, le recul lui donne évidemment d’autres significations, à tous les étages. Le titre déjà : Watch me fall. Le titre du précédent album : Blood Visions. La pochette ensuite : un hommage évident au Nicholson de Shining, de bon goût ou non, mais déjà sur Blood Visions Jay créait la controverse en apparaissant largement ensanglanté. Et enfin, les titres des chansons : "It ain’t gonna save me", "Before I was caught", "Can’t do it anymore", "There is no sun". Un raccourci facile tendrait du coup vers la thèse du suicide, mais à priori il n’en est rien vu comme les gens qui disent l’avoir rencontré le trouvaient plein de vie. Et l’on ne peut alors y voir que des signes prophétiques malheureux. Toujours est-il que ce deuxième album solo (seulement) était le premier chez Matador si l’on excepte les indispensables sessions Matador Singles 07 et 08. Bien que salué par la critique, il a vu lui aussi naître une polémique entre ceux qui lui reprochaient son virage bien trop pop, et ceux qui pouvaient ainsi le découvrir, sous bien moins de couches de magma sonore que d’habitude. En découle un disque accessible, aux belles mélodies arrangées. Sensible quoi.


12 titres, 32 minutes, la recette n’a pourtant pas changé. Mais d’entrée dans ce "It ain’t gonna save me" d’anthologie, on sent que ça pourrait presque passer en radio (dans un monde parfait). Un hymne, tout simplement, qui file à 100 à l’heure et que rien ne peut arrêter. L’amour du punk et de la mélodie en 2’22". On pense aux Pixies, aux Lemonheads, à Supergrass ou à Guided By Voices. Pareil pour "Before I was caught". Encore une fois le rythme ne s’arrête pas et le talent de songwritter de Jimmy s’exprime à plein régime, dans un format pourtant ric-rac, presque grunge. "Can’t do it anymore" est du même acabit. Tous en avant, c’est le point d’orgue. Mon chouchou, va savoir pourquoi, est "Nothing now". Un titre peu cité par nos confrères, mais qui développe en moi quelque chose de particulier. Cette montée, cette tension, les guitares à l’affût, la voix tantôt crépusculaire, tantôt en falsetto. Tout comme sur "Wounded" qui démontre la diversité stylistique du garçon (pourtant souvent critiquée) qui pioche carrément dans la pop Néo-Zélandaise. Enfin, "There is no sun", placé en bout et peut-être son sommet personnel de frustration, comme un ultime au revoir à ses idoles, les Kinks.

En bref : pas le plus grand disque du siècle, juste 12 mélodies derrière 12 morceaux rock, mais une joie de composer la musique bien palpable, pour un enfant parti trop tôt, qui aurait pu faire tant.





Le Myspace avec l’album intégral en écoute

A lire aussi : Jay Reatard - Matador Singles'08 (2008)

Le clip de "I ain’t gonna save me" un peu long à démarrer et "Night of broken glass", pas sur cet album mais que j’écoute en boucle en ce moment :






6 Comments:

Nickx said...

Je viens de me rendre compte que la photo de pochette était rien moins qu'un décalque de la scène finale de Shining !

Dave said...

T'as mis le temps...

Ju said...

Surtout que je le dis dans la chronique !

Dave said...

Papy Nickx avait oublié ses lunettes!

Nickx said...

Mince, est-ce à dire que je ne lis pas systématiquement l'intégralité de toutes les chroniques ?

Damned, je suis fait !

alex twist said...

j'ai beaucoup aimé ce disque, et beaucoup de gens (ce n'est pas le cas ici) le talent de mélodiste de Jay Reatard qui définitivement le met dans le haut du panier du lo-fi actuel
c'est vraiment con de mourir si jeune

ps: le singles 06-07 est sorti sur In the Red et non Matador :)