02 juillet 2013

Dunkelziffer - Retrospection Obi Set (2013)

Projet parallèle de plusieurs membres de Can, du futur Phantom Band et d'autres formations de Cologne, Dunkelziffer méritait bien une rétrospective. D'abord parce que la plupart de leurs disques sont aujourd'hui difficiles à se procurer. Ensuite parce que le super-groupe a commis, de 1982 à 1989, certains des plus beaux grooves de l'histoire du krautrock, en le tintant de dub, de jazz, de new wave ou de funk.  C'est Emotional Rescue, un jeune label britannique, habituellement versé dans le disco déviant, qui a eu la bonne idée de regrouper ses meilleurs titres en 3 EP formant une luxueuse compilation.

Parmi les stars de cette formation aux contours changeants, on retrouve donc deux échappés de Can, le chanteur-perfomeur Damo Suzuki et le batteur métronomique Jaki Libezeit, mais aussi Dominik Von Senger, auteur d'albums solo remarquables et de délicieux EP sur Golf Channel, et une tripotée d'excellents musiciens issus de groupes plus obscurs, comme The Unknown Cases, qui ont signé quelques maxis chez Rough Trade dans les années 80. Il n'y avait pas de leader chez Dunkelziffer, tout y fonctionnait de manière démocratique, chacun ayant un droit égal à la composition. Ce qui explique la variété des styles et des approches des 11 perles sélectionnées.

Le titre inaugural, "This Is How You Came" est à lui seul un monument. Des sons de jungle équatoriale et des voix d'enfants s'y mêlent à un midtempo ravageur soutenu par une énorme ligne de basse. Une guitare épique aux relents floydiens, des synthés funky et des tas de percus complètent le tableau. En écoutant ce morceau, on imagine bien les jams interminables qui aboutirent à son enregistrement. "Q" enchaîne avec une basse non moins énorme à laquelle viennent s'ajouter des cuivres et la voix bancale et inimitable de Damo Suzuki.

La diversité des sons est réellement impressionnante, puisqu'on a droit à un dub bien fumant (le trop court "Kleine Python"), puis à du jazz-funk légèrement proggy ("Network"), à du quasi-disco ("Trailer II"), à du post-punk façon Stinky Toys ("Bleib Nicht So Lang Im Schatten Stehn"), ou encore à des détours par l'exotica et les musiques du Moyen-Orient ("Dark Number", le fabuleux "Oriental Café"). La plupart du temps, les titres sont longs et bien planants, à l'image de "Retrospection", l'un des plats de résistance de la compile qui, avec ses faux-airs de Tuxedo Moon, affiche plus de 13 minutes au compteur.

Certains seront rebutés par le côté jazz-fusion du disque et par sa tendance au délayage. Les fans de Can, les curieux et les amateurs de bizarreries devraient en revanche largement s'y retrouver. Ce ne sont sans doute pas des enregistrements décisifs d'un point de vue historique comme peuvent l'être Tago Mago ou Ege Bamyasi, mais il y a là quelques morceaux de bravoure qui valent leur poids de currywurst. 

En bref : composé de certains des plus éminents musiciens allemands des 70s, Dunkelziffer tente, au milieu des années 80, de construire sur les cendres du kraut en expérimentant tous azimuts. Dub, post-punk, prog ou funk, tout passe à la moulinette psychédélique de ce super-groupe injustement méconnu, que cette rétrospective vient luxueusement réhabiliter.



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