10 mai 2011

Big K.R.I.T. - Return Of 4Eva (2011)

Voilà un disque que j’avais toutes les chances de ne jamais écouter, étant allergique au hip-hop sudiste, à quelques rares exceptions près. Je ne suis même pas loin de penser que c’est en partie à cause de ce mouvement "Dirty South" que le hip-hop s’est tant détérioré dans les années 2000, par un effet d’entraînement, avec ses instrumentaux saccadés minimalistes, ses pochettes vulgaires pleines de diamants et ses MCs aux rimes pauvres. Il y a sûrement un peu de vrai et beaucoup d’ignorance dans ce jugement, mais c’est comme ça. Si je me suis laissé tenté par cette mixtape, c’est essentiellement parce que sa pochette m’a tout de suite rappelé OutKast, pour qui j’ai toujours eu un gros faible. Grand bien m’en a pris puisque l’analogie avec le duo d’Atlanta ne s’arrête pas aux Cadillac de l'artwork. C’est même ce que j’ai entendu de plus proche d’Aquemini ou ATLiens depuis… Aquemini et ATLiens !

Il y a vraiment deux catégories de morceaux sur Return Of 4Eva. D’abord ceux sur lesquels Justin Scott AKA Big K.R.I.T., en pur produit du Mississipi, rend hommage à ses pairs et livre exactement le type d’instrus sudistes dont j’ai horreur : "My Sub", "Sookie Now", "Shake It", ou encore le remix de "Country Shit" avec Ludacris et la légende locale Bun B (UGK)… Il y a ensuite ceux, incomparablement plus intéressants (et heureusement majoritaires), qui penchent du côté d’OutKast, avec leur ambiance laid back, imprégnée de soul et de blues. Et là, on trouve matière à espérer pour l’avenir du rap, quelque chose qui sort un peu de la nouvelle norme de pop vocodée. Surtout que K.R.I.T. ne se contente pas de rapper, il réalise l’ensemble de ses beats !

Pour une mixtape proposée en téléchargement gratuit, la quantité de bijoux alignés est même assez étonnante. En enlevant quelques bouche-trous, il y avait de quoi faire un album solide. Des titres comme "Rise And Shine", "Dreamin" ou "American Rapstar", s’ils sont bien de leur époque, ont paradoxalement un petit grain old-school, une élégance inhabituelle dans la scène actuelle. Certes, la palette n’est pas aussi large que celle de Big Boi et Andre 3000, mais notre homme est encore bien jeune, et l’on trouve déjà une belle diversité de sons et d’atmosphères dans ses productions, entre l'aquatique (et fabuleux) "Lions And Lambs", la guitare sensuelle et le sample d’Erykah Badu sur "King’s Blues", et un "High & Lows" qui tire vers le R&B, reprenant un thème de Bootsy Collins. Le flow de K.R.I.T. (King Remembered In Time) n’est pas spécialement spectaculaire, mais il a du charisme et beaucoup de soul dans la voix.


La dernière partie du disque est la plus impressionnante, avec notamment l’enchaînement "Free My Soul" / "The Vent". Dans le premier, Big K.R.I.T. entonne, sur le ton de la confession, le couplet classique du type qui a réussi matériellement mais ressent un vide spirituel. Le beat est en retrait, le piano papillonne avec légèreté, c’est splendide. "The Vent" est un peu dans le même registre, avec en prime de jolis synthés mélancoliques. Mais le plus mémorable sur ce Return Of 4Ever, c’est indéniablement "Another Naive Individual Glorifying Greed and Encouraging Racism" (ou Another N.I.G.G.E.R.). Une bombe, toute en simplicité, portée par une trompette et un piano ultra-soulful, et dont les lyrics puissants sont introduits par un extrait de Bamboozled de Spike Lee (sorti en France sous le titre The Very Black Show) : « (…) I’m sick and tired of being a nigger ! ».

Neuvième mixtape de son auteur, Return Of 4Eva est un peu sa lettre d’adieu à l’underground, puisqu’il est désormais signé chez Def Jam, qui avait flairé le gros magot l’an dernier, à la sortie de K.R.I.T. Wuz here. Espérons juste que le tentaculaire label New Yorkais saura tirer le meilleur de cet artiste extrêmement prometteur pour son premier album officiel, qui ne devrait plus trop tarder.

En bref : du rap sudiste de haut standing, dans la lignée d’Outkast. Téléchargeable gratuitement, cette mixtape a tout d’un album et confirme Big K.R.I.T. dans son statut d’étoile montante, avant ses débuts officiels chez Def Jam.



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