21 septembre 2010

The Rolling Stones - Aftermath (1966)

Lorsque paraît ce disque au visuel saisissant en 1966 (trouvez-moi une autre pochette avec portrait de groupe dans les tons roses, à part celle des Prisoners.), les Rolling Stones sont au faîte de leur gloire, à leur firmament. 
C'est tout simplement une époque où pas un mois ne s'écoule sans un single génial, un album du même tonneau, et nos vaillants cailloux se tirent avec leurs prestigieux amis/concurrents britanniques que sont Beatles et autres Who ou Kinks, pour ne citer que les plus connus, une bourre acharnée.
Point de guéguerre stupide alors, façon Blur/Oasis des années plus tard -on a l'époque qu'on mérite- à grand renfort de déclarations idiotes et entretenues par une presse complaisante, seuls ici (hic et nunc) semblent prévaloir l'inspiration, l'innovation ainsi qu'une émulation entraînant des disques légendaires !

D'autant que Jagger et Richard(s) se sont décidés à assumer leur talent d'auteur-compositeur qui n'est pas négligeable, et de laisser derrière eux les artifices que sont les relectures énervées de blues du Delta ou des classiques de soul. De même, plus besoin de se réfugier derrière le pseudo de Nanker Pheldge pour signer d'estimables chansons, de celles qui garnissent leur précédent Out Of Our Heads (1965) qui contenait le très apprécié "(I Can't Get No) Satisfaction".
Aftermath, 4ème LP du groupe, est ainsi le premier album stonien à ne contenir que du matériel original. Comme en plus, Brian Jones, le fondateur du groupe est dans une forme éblouissante -malgré l'aspect bougon et fuyant de son regard sur la pochette- et qu'il se révèle ici, un instrumentiste doublé d'un arrangeur stupéfiant, tout est réuni pour assister à une grande cuvée.

Could You Walk On The Water ? - à l'origine album mort-né, au visuel rejeté et "remplacé" par Aftermath, débute par une profession de foi ("What a drag it is to get old ! /Ca fait ch**** de vieillir !") sur l'incontournable "Mother's Little Helper", et sa ligne de basse vrombissante. Jagger, en pleine forme, rugit, feule, croone, secondé par la voix de crapaud céleste de son acolyte, le Keith - mais combien de grands guitaristes compositeurs chantent comme des ectoplasmes ? Brian Jones enlumine tout cela : d'orgue, le vachard et garage "Stupid Girl", de marimbas les géniaux et définitifs "Out Of Time" et "Under My Thumb" qui en remontrerait aux ligues féministes -en gros, "elle m'obéit au doigt et à l'oeil, elle est à ma botte !"- de dulcimer, le délicat et adorable "Lady Jane", qui fait remonter des effluves élizabéthaines, héritage culturel oblige, ou bien celui de "I am waiting"... Tout ici est de bon goût, et donne un sens noble et contemporain à l'album, naguère dévolu à une collection de singles.

Ce qui est remarquable dans ce disque, c'est son équilibre, car au moins un tiers des titres renouent avec les obsessions blues passées, et sont donc autant de récréations au milieu de gemmes imparables - aux titres cités, l'on ajoutera le furieux "Think" et "Take It Or Leave It" composée bien avant l'émergence de Sarkozy - l'une des plus remarquables étant bien entendu la longue jam de "Goin' Home" et ses 11'
Les Stones ne vont pas s'arrêter là, et remettront d'une certaine façon le couvert, avec le superbe et baroque Between The Buttons (1967), avant le court intermède psychédélique (Their Satanic Majesties Request également en 1967), et le virage quasi définitif vers le country-blues et le gros rock qui tache/.
Comme tout album de cette époque, les versions GB et US différaient sensiblement, que ce soit au niveau de la pochette, mais aussi pour ce qui était du contenu - les exemples les plus redoutables étant les LP's des Beatles, irrémédiablement différents et amputés outre-atlantique.
 Alors, s'il est vrai que la redoutable scie "Paint It Black" (avec Jones au sitar), à l'origine un single, ne figure que sur le pressage américain, c'est bien sûr le pressage anglais qu'il faut posséder .Car serait-il raisonnable de se priver à la fois de "Mother's Little Helper", "Take It Or Leave It", "What To Do" ainsi que de (gasp !), "Out Of Time" ?

En bref : le terme de classique n'a jamais été aussi peu galvaudé pour un album des Stones que sur ce magnifique LP, long de 53' étincelantes d'éclectisme, de maîtrise d'exécution et de compositions hors pair.




"Think" :



"Under My Thumb" :

5 Comments:

M.Ceccaldi said...

C'est vrai que l'édition américaine est quelque peu amputée, mais la pochette est mille fois plus belle que ce rose dégueu de la pochette anglaise ; et le pressage américain (qu'on peut acquérir à prix trés raisonnable) propose une gravure de grande qualité.
J'adore moi aussi under my thumb, ces aigus cristallins, cette légéreté insouciante, tout çà pour dire...des horreurs ; l'attitude stonienne est bien representée dans cette chanson ! une esthétisation dandy de la provoc.
je ne suis pas trop d'accord avec toi quand tu parles des reprises R'nb du début en termes d'"artifices" ; d'abord parce que cette fascination pour le blues (que je partage avec eux!), elle fait partie de l'identité des Stones, et a donné les plus beaux morceaux de Beggars banquet. On ne peut pas bien comprendre et apprécier les Stones si on écoute pas ces reprises.
Aftermath est un album majeur, où éclate le talent des Stones.

Nickx said...

Comme toutes les pochettes d'alors, et sans tomber dans le passéisme, il y avait une grande qualité photogénique !

Déjà, les groupes apparaissaient sur les pochettes !
Et même si l'on ne peut nier l'apport créatif des pochettes illustratives et "arty " du début des 70's jusqu'à nos jours, je trouve que cela manque !

En fait, de nos jours, si un groupe fait l'effort de se faire photographier de manière à être visible, j'entends sans ombres ou miroirs déformants, à coup sûr, il s'agit d'un groupe pop garage, et encore pas tous !

Tu te ranges donc à l'avis de Brian Jones qui paraît-il n'aimait pas trop la pochette, moi y'a rien à faire, je la trouve sublime !
Et pour ce qui est du contenu, tu reconnais que seul le pressage anglais rend justice à la substantifique moelle des Stones et à leur chef d'oeuvre !

Pour ce qui est des blues, et bien que je sois bien moins friand que toi de ce genre musical, j'insiste dans la chronique, sur le fait que le génie d'Aftermath réside dans la juxtaposition des musiques traditionnelles et de ces refrains pop qui me sont tant chers !

Ravi en tout cas que cette chronique t'ait fait réagir ! Et je peux te faire une confidence, j'ai pensé à toi en l'écrivant pour certaine raison, et savais que tu réagirais en preums !

Bises

M.Ceccaldi said...

Je ne veux pas faire mon maître Capello du Blues, mais je crois savoir que le Blues qui inspire les Stones n'est pas vraiment le Blues du Delta, mais le Blues de Chicago, Muddy Waters et Howlin' Wolf, qui ont chacun joué, d'ailleurs, avec les Stones. Voyons Nickxs! un peu de rigueur!
La prochaine fois que tu viens chez moi je te ferais écouter un vieux blues qui te mettra le cul par terre.
J

Nickx said...

Et que fais-tu de John Lee Hooker, Mississipi Fred Mc Dowell ou autres Robert Johnson pour ne citer que les plus connus ?

Tous repris par les Stones, dans des albums certes postérieurs pour la plupart ("Love in Vain" sur Let It Bleed", "You Gotta Move" sur "Sticky Fingers")!


Certes, et tu as raison, les figures tutélaires du blues qui a inspiré les Stones sont Howlin' Wolf et Muddy Waters, mais difficile quand même d'ignorer l'héritage du Delta qui est au commencement de tout !

Enfin, tu noteras que si tu es le Maître Capello du blues, je ne peux en être que son Maurice Favières !

Kylounette said...

"Trouvez-moi une autre pochette avec portrait de groupe dans les tons roses, à part celle des Prisoners !"

http://4.bp.blogspot.com/_tRg73iZIquM/RtbBZ2uMcZI/AAAAAAAAO6o/lwkZelAqZfI/s320/psychedelic+furs+debut.jpg

;)