18 juin 2010

Janelle Monáe - The ArchAndroid (2010)

Dépasser ses à-priori. C’est la leçon que je retire de la découverte de ce disque que je n’aurais normalement jamais du écouter. Mais il y a eu cette pochette, presque classique dans ce milieu r’n’b, mais avec un je ne sais quoi en plus d’intriguant. Un univers futuriste autour d’un concept album travaillé, enrobé d’une mythologie SF imaginaire pas kitsch pour sou. Et puis on creuse un peu et on commence à comprendre le pourquoi du comment, on prend conscience de la qualité du travail accompli, au vue de la constellation de pointures qui gravite autour. Janelle Robinson de son vrai nom n’est pas arrivée là par hasard. Ceux qui se souviennent avaient déjà pu entendre sa voix sur deux titres de Idlewild en 2005, et depuis Big Boi et P. Diddy ont tout misé sur elle. Avec un Ep sans faute mais discret en 2008, la jeune diva originaire de Kansas City amorçait déjà son édifice The ArchAndroid. Aujourd’hui le constat est sans appel, Beyoncé et consorts n’ont plus qu’à s’incliner devant les 70 minutes inespérées de cet immense fourre-tout soul, rock et r’n’b. Une grande artiste est bel et bien née et l’on tient là l’un des disques de l’année à mille lieux de toute autre production indé.

Composé à six mains avec l’aide de Nate Wonder et Chuck Lightning (tous deux coproducteurs réguliers d’OutKast) The ArchAndroid relance l’idée du disque complet, qui pompe autant dans le classique par ses interludes géniaux et réellement utiles ("Suite II Overture", "Suite III Overture") que dans les explorations free jazz avec les 8’48" de "BaBopByeYa" que l’on n’aurait jamais imaginé entendre en 2010. The Love Below d’André 3000 est ce qui s’en rapproche le plus. La production affiche un souci du détail permanent et semble inépuisable au fil des écoutes. Un disque ultra moderne qui évoque pourtant à chaque instant les meilleurs moments pop de la Motown version Diana Ross. Et puis évidemment il y a cette voix, insolente de maîtrise et de diversité, mais jamais au grand jamais placée devant les chansons. Que ce soit dans un registre Dionna Warwick ("Say you’ll go"), Mariah Carey ("Oh maker"), Erykah Badu ("Wondaland") ou Beyoncé ("Dance or die"), Janelle affiche un groove incroyable, capable de faire adorer le r’n’b à ses plus fervents réfractaires.


Et si la deuxième partie de l’album s’efforce sans peine d’explorer le genre par toutes les fenêtres possibles, la première elle est un véritable concentré de singles imparables où la créativité et les idées ne lâchent jamais le terrain à la facilité. C’est grâce à eux que ce disque connaîtra sans doute le succès commercial, mais Janelle n’a vraiment pas à en avoir honte. Au contraire, elle coiffe tout le monde au poteau, à chaque niveau. Premier sur le papier, "Dance or die" avec le poète hip-hop Saul Williams. Impeccable. On continue avec l’entraînant "Faster", doo wap improbable qui sait surprendre à nouveau en plein morceau. Suivent "Locked inside" single disco évident et "Cold war" morceau pétaradant à la Gnarls Barkley. Pour beaucoup ce serait déjà bien assez, mais Janelle ne s’arrête pas là et livre aussi "Tightrope" en featuring avec Big Boi, "Make the bus" avec Kevin Barnes d’Of Montréal (peut-être le titre qui a le moins sa place ici, encore que ce refrain…) ainsi que le délicat "57821" aux côtés de Deep Cotton.

Impossible aussi de ne pas souligner le funky et vocodé "Mushrooms & roses" qui m’évoquerait presque les Flaming Lips chantés par Prince, l’immense "Come alive (The war of the roses)" où Janelle se lâche complètement et part très loin dans les hurlements, montrant à nouveau une autre facette de sa personnalité. Le morceau non linéaire et mené par une guitare sèche est exemplaire dans le genre. Enfin mon préféré : "Oh, maker" qui part en petits arpèges délicats auxquels viennent se coller un beat ultra classe bien que déjà-vu, quelques overdubs, et surtout Janelle qui telle une grande dame ensorcelle le titre de tout son charisme.

En bref : surprenant de bout en bout, The ArchAndroid est la boîte de Pandore musicale de cette année. Qu’on aime ou qu’on déteste le r’n’b on ne peut que saluer ces 18 titres pleins de groove, de classe et d’idées. Une Reine est née.




Le site officiel et le Myspace

A lire aussi : OutKast - Speakerboxxx / The Love Below (2003)

"Tightrope" et "Oh, maker", deux aspects de la musique de Janelle :




6 Comments:

momo said...

Oh que oui, parfaitement d'accord avec la conclusion !

Ma chronique et de nombreux morceaux en écoute ici http://fun1959.canalblog.com/archives/2010/05/25/17957275.html

Paco said...

Quand DODB parle de soul, de funk ou de R'n'B, vous avez plutôt bon goût et comme je trouve le single vraiment très bon, je vais de ce pas approfondir l'écoute de l'album!
@+

Benoit said...

oui, album étonnant, dont je n'ai pas encore fini de faire le tour !!

Anonyme said...

Assez d'accord dans l'ensemble avec tout de même un bémol : ces horribles solos de guitares électriques disséminés ça et là, grrrh !

Vico said...

Cet album est du lourd!! Mention spéciale à des titres dansants mélodiques mais qui évitent les clichés du r'n'b style cold war ou même les duos avec WillIam et Big Boi.

Merci pour cette découverte. Cheers

Unknown said...

Oh oui, un grand disque, assurément ! A écouter absolument après l'EP "Metropolis : The Chase Suite" que l'album suit tel un deuxième chapitre.
Notre chronique !