26 avril 2010

Jeff Feuerzeig - The Devil And Daniel Johnston (2005)


The Devil And Daniel Johnston fait incontestablement office de référence dans la catégorie documentaire consacré au fou chantant américain. Auréolé de très nombreuses récompenses dont Sundance, c’est le deuxième long métrage de son réalisateur après Half Japanese : The Band That Would Be King. En deux heures de temps, il raconte le parcours extraordinaire du songwritter culte sans jamais le juger. La grande chance de Feuerzeig, c’est que Johnston ayant toujours été un obsessionnel de l’enregistrement, le réalisateur a pu mettre la main grâce à l’accord de la famille et de Daniel lui-même sur une quantité incroyable de cassettes audio, de films super-8, de photos et d’illustrations. Comme si toute sa vie avait été une œuvre d’art globale, destinée à rester.

Danny nait en 1961 à Sacramento dans une famille de fondamentalistes chrétiens intellectuels. Tout petit déjà il est marqué d’intérêt pour les films, et en tourne à foison avec son frère dans un style très Jacques Tati. Le dessin aussi, avec son obsession pour les globes oculaires qu’il représente à peu près partout. Mais plus fort que tout, c’est la musique qui l’interpelle. C’est décidé, Danny veut devenir John Lennon. S’il est parmi les élèves les plus forts de sa classe en primaire, les problèmes débutent au collège puis à l’université où Danny doit commencer à consulter pour des problèmes maniaco-dépressifs. Il fait alors l’école des beaux-arts et rencontre la fameuse Laurie Allen, inspiratrice de plus d’une centaine de chansons. Les plans d’époque sont incroyables de véracité, notamment ceux où Danny la filme en train de danser sur un air de "I had lost my mind". Mais la dépression tape à nouveau à la porte, et Danny est contraint d’aller habiter chez son frère, puis chez sa sœur. C’est aussi le moment où il se met vraiment au piano.


De là il fugue à Austin où il commence à se battre pour imposer sa musique, convaincu d’être le meilleur. En 1983 il parvient à faire passer son fameux Hi How Are You au Austin Chronicle qui adore instantanément. Il se met à la guitare (comme le font les vrais songwritters selon lui) mais n’en joue vraiment pas très bien. Son premier concert déboussole les gens qui ne savent quoi penser de ce guignol à la voix chevrotante. Mais il arrive tout de même à convaincre MTV (de passage à Austin) de le laisser jouer. Ce plan (ci-dessous) est incroyable d’authenticité. A partir de là il se met à gagner des prix et à prendre de la drogue (marijuana, acides…). Forcément, les crises de délire recommencent et à partir de là il devient vraiment fou, est hospitalisé et doit suivre un traitement lourd.

"I live my broken dreams" en live à Austin en 1985 :


Après l’étrange épisode new-yorkais en compagnie de Sonic Youth et Jad Fair, Danny continue sa spirale infernale, notamment en causant malgré lui la défenestration d’une dame âgée ou encore en provoquant un incroyable accident d’avion avec son père alors pilote, tout simplement en enlevant les clefs du tableau de bord et en les jetant par la fenêtre du cockpit. Tous deux ont survécu on ne sait comment. Pendant ce temps sa musique continue de faire tourner de nouvelles têtes. Kurt Cobain porte son célèbre T-Shirt, et Danny (encore à l’hôpital) fait l’objet d’une guerre de labels entre Elektra et Atlantic. Il signe finalement chez Atlantic parce que Metallica joue chez Elektra, et que Metallica c’est le groupe du diable. L’album Fun sort en 1994 mais fait un four commercial, rompant ainsi le contrat avec Atlantic.


A 49 ans, Daniel Johnston est une icône incontestée du mouvement folk lo-fi, ayant inspiré quantité d’artistes dont Yo La Tengo, Sparklehorse, Eels, Spiritualized ou encore Jeffrey Lewis (qui a la même passion que Danny pour les comics). Il vit à présent chez ses parents à Austin, vient de découvrir les Beach Boys (et d’ailleurs ses similitudes de comportement avec Brian Wilson) et connait un succès grandissant avec ses dessins. Inécoutable par le grand public, Danny a tout de même atteint un énorme succès public, même si selon lui rien ne s’est passé comme prévu. Et pourtant, "Some things last a long time".

En bref : un documentaire touchant sur une âme d’enfant dans un corps d’adulte, qui à son rythme construit une œuvre magistrale sur les thèmes de l’amour non réciproque, de la création et de la destruction. A voir pour le croire !





Son site officiel et son Myspace

A lire aussi : Daniel Johnston - Is And Always Was (2009)

Le teaser de The Devil And Daniel Johnston :

0 Comments: