22 avril 2020

The Mabuses- The Melbourne Method (1994)

Kim Fahy, citoyen britannique de son état parvient du fait de ses nombreuses allées et venues en France dès son plus jeune âge, à remarquablement manier la langue de Molière, en prime sans aucun accent.
Il est à l'indie pop ce qu'une Jodie Foster est au cinéma. Ceci explique entre autres les futures collaborations dans l'Hexagone et notamment celle durable et postérieure avec  l'excellent JP Nataf (ex-Innocents).

Mais il ne mérite pas de passer à la postérité que pour cela. L'oeuvre qu'il s'est créee au sein de ses différents projets (Assassins, Egomaniacs) et notamment sur les sillons des trois rares disques de son alias Mabuses méritent de faire figurer l'homme au Panthéon d'une pop tarabiscotée, baroque, ambitieuse et qui ne ressemble à rien de véritablement connu. Très influencé par le post-punk et la new-wave, l'univers totalement unique de Kim Fahy si on devait absolument le rapprocher d'un autre précieux compatriote qui lui est sans doute également cher, serait celui de Syd Barrett et de ses si surprenantes ritournelles dont les breaks harmoniques enchanteurs sont aussi la marque de fabrique.
Apparu à l'orée des années 90 et vite devenu le chouchou d'une certaine presse indé branchée dont Bernard Lenoir serait le Pygmalion radiophonique, The Mabuses n'a hélas jamais plus rencontré qu'un succès d'estime. Probablement à cause du caractère anti-star de Kim Fahy qui aux têtes de gondoles médiatiques préfère le feutré de l'underground. Une humilité et un refus du star system qui allait jusqu'à lui faire mixer sa voix qu'il n'aime pas, très en retrait de son légendaire et indispensable premier opus, The Mabuses de 1991. Cette voix à la fois chétive et tranchante, il décide fort heureusement de lui donner une seconde chance en l' "aérant" sur le deuxième LP des Mabuses. Amoureux de cinéma, ses musiques qui sont d'ailleurs très évocatrices d'images du 7ème art, s'amourachent d'une flopée de samples de classiques du film noir de la Warner comme autant d'interludes entre les morceaux. C'est d'ailleurs un impayable échange entre l'inquiétante paire Raymond Massey / Peter Lorre du grandiose Arsenic and Old Lace  de Capra qui donne son énigmatique titre à l'album et sert d'ouverture à "Oscar".

Dans des textes toujours aussi foisonnants et abscons, on note le formidable travail fourni sur les guitares, en rythmique et petits soli toujours bien sentis, acoustiques et électriques, qui sont tous du fait de Kim Fahy ; la pedal steel occasionnelle étant tenue par BJ Cole, musicien émérite des seventies. A cet égard, un morceau particulièrement emblématique est le morceau d'ouverture qui démarre avec les pleurs de Daniel Day-Lewis entendus dans In The Name Of The Father et qui recèle l'une des plus belles lignes qui soient : "It's not so unnatural to be blind as sight is killing every day".
Quelque saillie puisée chez Sacha Guitry, (la ternaire "Keeler joins the Joyce gang" réminiscente du répertoire des Assassins) et sample hitcchcockien  ("Whose party is this ?") plus loin, la répartie mélodique et caustique ("I don't want you to think that I'm a pervert", de cette autre scie "assassine" qu'est "She went wild"") reste toujours fascinante. Les morceaux à tiroir et à la production excitante ("Lynched", "Picnic in the red house") foisonnent ; il faudrait en fait tous les citer.
A noter le travail d'orfèvre réalisé par Nick Griffiths l'ami producteur (et clarinettiste sur "Rooms") entendu aussi chez Pink Floyd, malheureusement décédé en 2005.

Cette perte même "compensée" par le partenariat fructueux avec John Carruthers Valentine (ex-Siouxsie and the Banshees) et JP Nataf, conjugué aux divers problèmes de droits et aux coûts engendrés par les multiples samples de cinéma d'épouvante de The Melbourne Method auront sans doute leur part dans la longue mise en sommeil discographique des Mabuses, laquelle ne prendra fin qu'en 2007.
Mais l'univers de Kim Fahy que ce soit sur disque ou en session pour happy few, demeure une madeleine dont il est difficile de se passer une fois qu'on y a gouté.

En bref : le secret le mieux gardé de la pop indé anglaise des nineties. Emanation d'un musicien et compositeur à la grâce et au talent insolents qui méritent mieux qu'une simple reconnaissance de ses pairs.

2 Comments:

Unknown said...

Kim fahy est un génie ,ce matin je me suis refait the Melbourne Method en boucle,j'en avais les larmes aux yeux, les voix ,la musique ,tout m'envoûte !
je me suis même dit que je lui enverrais bien un petit mail (si seulement j'avais son adresse).je me souviens d'un concert à Nancy après la sortie du 1er album dans les années 90,il nous a parlé dans un français impeccable effectivementet sans accent.Nous étions scotchés!Dernier album 2008 ...Kim si un jour tu nous lis ,keep going!! Isa

Nickx said...

Je suis tout à fait d'accord avec ça.
Et je ne sais pas si tu fais de la musique à tes heures ; mais je peux t'affirmer que se frotter à ses parties de guitare (qui ne sont référencées ou tutorées nulle part malheureusement) est non seulement un challenge mais aussi un régal.
Kim Fahy, tu l'auras compris, est pour moi un musicien majeur tel qu'il y en a peu, que je place tout en haut dans mon Panthéon musical personnel.
L'Histoire reconnaîtra son talent.