28 février 2019

The Cure - The Top (1984)

Un vrai bestiaire cette affaire. Même si du chien au poisson, en passant par l'oiseau, la chenille et le cochon, il n'est ici jamais question de taupe. Juste de "top" dont la polysémie - le sens de toupie est donc de rigueur - sied parfaitement à ce 5ème album des corbeaux de The Cure.

C'est l'album charnière, celui à partir duquel tout part en sucette selon les fans purs et durs, ou bien (affaire de point de vue) le dernier Lp intéressant de bout en bout du groupe de Robert Smith. Quoi qu'il en soit, c'est par The Top que le succès universel arrive, avant qu'il ne devienne par trop démesuré ensuite.
En 1982, Robert Smith est à la croisée des chemins. Lâché par son ami de bassiste avec qui il s'est foutu sur la gueule dans un bar au cours de la tournée très tendue qui accompagna Pornography, l'ébouriffé doit tout reconstruire avec Lol Tohurst, seul autre membre originel de son groupe, passé de la batterie aux claviers.
Après une moisson de singles pop synthétique assez crétins mais diablement jouissifs, notre homme toujours dans l'optique d'expier un trop plein de solennité goth, engage son ingé son Phil Thornalley pour remplacer Simon Gallup, ainsi qu'un drôle de batteur, sorte de session man bipolaire mais extraordinaire Andy Anderson. Avec eux, ce sera "The lovecats", réjouissante parenthèse scat, pop bariolée et échevelée avec "Speak my language."
A l'époque, Smith vit une période un peu trouble ; il ne sait que faire de son jouet musical et navigue d'un groupe à l'autre. On le voit apparaître sur pas moins de 7 (!) albums en deux ans, 4 albums ou mi-albums studio avec The Cure, Siouxsie And The Banshees et un drôle de projet sous acide partagé avec Steven Severin, The Glove. Pas mal d'entre eux sont des réussites dont les deux live ("Concert" avec les Cure", Nocturne" avec les Banshees), et deux albums, Hyaena (Banshees) et The Top qui nous occupe.
Problème, Smith déteste ce disque, en fait un quasi album solo dans lequel il joue de tous les instruments. Pourtant en 1986 il déclarera dans une interview que la terrifiante "Shake dog shake" et "The top" le morceau-titre comptent parmi ses dix chansons préférées du groupe : un bon ratio si l'on considère qu'à l'époque, le groupe ne compte que sept longs formats.
Le rôle de Laurence Tolhurst est désormais dévolu à une partie congrue. Thornalley ne sert que pour la partie live. Seul Port Thompson, excellent guitariste et beau-frère de Robert, qui a déjà joué avec le groupe lors de ses balbutiements, gicle des stridences de saxophone sur le fracassé "Give me it". Sur lequel, l'autre vrai participant du disque, le batteur Andy Anderson fait merveille.

L'humeur est acide mais aussi aux acides. Qu'il s'agisse de la rêveuse "Birdmad girl" et ses sonorités dreamy, du magma furieux de "Shake dog shake" et "Give me it", de l'élégiaque "The caterpillar" avec son violon dissonant ou bien de ce drôle de Mur des Lamentations synthétique qu'est "The wailing wall", tout est prétexte à de délicates mélodies et des textes cauchemardesques tout droit sortis de Lautréamont. 
Ce disque, le plus psychédélique que la bande de Croydon ait jamais commis, compte dans la discographie de The Cure. Comme un rapport amour-haine que son créateur entretient envers lui, une relation ambiguë, qui n'empêche pas des décennies plus tard, de faire de l'enchaînement de "Shake dog shake"/"Piggy in the mirror" l'une des rampes de lancement des concerts de Robert et sa bande.
Formation éphémère hélas pour ce qui fut des restitutions live ; mais à coup sûr la meilleure sur le papier.

En bref : l'album que les fans de The Cure détestent aimer ou adorent détester. Mais qui ne ressemble à aucun autre et ne galvaude pas  le genre psychédélique.

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