01 février 2019

John Zorn - Masada Book 3 - The Book Beri'ah (2018)

Voilà le truc de l'année 2018 pour moi. Un drôle de truc puisqu'il s'agit en fait de onze albums tous composés par John Zorn dans le cadre de son projet Masada, au total 92 compositions jouées par onze groupes différents. C'est effectivement l'orgie, à la fois le bonheur total pour le fan zornomaniaque, mais aussi une porte d'entrée dans ce projet, ou dans la musique de Zorn tout court. Masada c'est au départ un quartette monté dans les années 90, dont Zorn fait partie, et qui serait comme le premier quartette sans piano d'Ornette Coleman... mais qui jouerait un répertoire klezmer. Il y aura même une déclinaison électrique avec Marc Ribot et Trevor Dunn : Electric Masada. Ce sont ensuite des compositions que Zorn confie à d'autres musiciens, très divers et très variés, regroupés dans la série Book of Angels. 2018 marque la fin de ce cycle, et nous livre le troisième et dernier opus.

Une grande partie du plaisir tient à la diversité des musiciens mobilisés. Le principe est le même sur les trois volumes. Zorn leur propose un matériau assez minimal :  une grille, jamais très compliquée, parfois deux accords, dans une approche harmonique souvent modale, une mélodie assez simple, très  souvent sur le mode Hijaz 1* (mode qu'on appelle aux states "la gamme juive", mais qui n'est pas  plus juive que ça puisqu'on la trouve un peu partout en Grèce, en Turquie, dans le monde arabe). Cette simplicité extrême dans la composition lui a permis probablement d'être aussi prolifique, mais aussi  de reporter l'intérêt de cette musique sur l'interprétation. En la matière, les règles sont liberté et éclectisme, et ce de manière assez radicale, c'est le moins qu'on puisse dire, puisque tous les styles sont convoqués, même les plus improbables. Un peu comme si Ravel s'amusait à donner ses compos tantôt à un trio jazz, tantôt à un big band latino, tantôt à un groupe de hardcore... Tout ça est bien à l'image de la musique de Zorn, imprévisible et libre, loin des chapelles et des réflexes sectaires.


Sur les onze albums, mon oreille s'est surtout arrêté sur un éblouissant duo de guitares composé de Julian Lage et Gyan Riley, sur l'orchestre mexicain Klezmerson avec son style caliente latino funky, sur les dentelles vocales, à la précision rythmique absolue, de Sofia Rei, immédiatement suivies du chaos organisé de Cleric, qui trempe les thèmes zorniens dans un hardcore ultra composé, aux sonorités clairement metal sludge. Et bien sûr, les meilleurs, Secrets Chiefs trio...

*si certains veulent s'amuser à jouer ce mode, je peux leur expliquer dans les commentaires, à la demande ; faut reconnaître que c'est assez trippant.

En bref : l'aboutissement en forme de feu d'artifice d'un projet né dans les années 90. Onze planètes qui tournent autour d'un même soleil, mais aucune ne se ressemble.







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