31 août 2015

Omar Souleyman - La Machine du Moulin Rouge (Paris) - 14/08/2015



C’est dans un quartier aux reliefs scabreux que le nouvel ovni de la scène électronique avait décidé de poser bagages pour la release party de son dernier disque. Nouvelle signature du label berlinois Monkey Town Records, dont la maison abrite également les fondamentaux allemands de Mouse OnMars, Omar Souleyman est un drôle d’oiseau dont le nid est partie en fumée sous les assauts répétés d'un obscurantisme arriéré. Retour sur cette prestation folklorique estampillée World Music, pour que le l'humanité vive et ne se meurt davantage.

De prime abord, on ne saurait que trop penser de ce personnage au look de cheik, si ce n'est qu'il est adoubé depuis deux albums par le londonien Kieran Hebden alias Four Tet, un gage de qualité en somme. Son arrivée sur scène se fait à l'appel d'un synthétiseur recrachant des vocables arabisantes à l'écho diffus. Dans la pénombre, une frêle silhouette se profile alors, le numéro commence. Entrée en scène d'une simplicité minimale, Omar Souleyman est un automate aux commandes d'un show régulé de la première à la dernière seconde. Pas de place ici pour l'improvisation, le syrien ne donne guère l'impression d'apprécier les surprises. Quelle sera la sienne plus tard dans la soirée... En amont de cet instant, le patriarche enchaine les vas et viens sur scène avec la même régularité qu'un battement d'essuie-glace, claquements de mains de rigueur à chaque accélération de tempo. Une chorégraphie inlassable et répétitive dont le principal effet fut de chauffer un public enclin à entrer dans une danse infernale et lascive.


Hypnotique et électrique, la formule envoûta de nombreux corps, suspendus aux instruments d'un autre monde, malheureusement émergés des entrailles du synthé Korg de Rizan Saïd, cantonné à tort à ce triste rôle et non au déploiement de lignes stridentes et cassées comme le dernier album Bahdeni Nami en avait laissé échappé. On criera donc au foutage de gueule bien que le binôme ait amplement rempli sa mission, faire bouger les popotins. Mais d'une autre étendue aurait été l'écho imprimé par cette musique aux cadences diaboliques si de plusieurs chairs avait été faite sa matière. L'expression anthropologique du show fut donc bernée par de chimères représentations digitalisées mais passons car la suite se révèlera singulière.


En effet, une prestation d'Omar Souleyman, même de demie-mesure, parvient toujours à soulever les cœurs. D'une essence dionysiaque, elle transpose son auteur dans une figure d'iconoclaste, appelant à joindre les cultures et les ethnies dans une région du monde qui part en lambeaux. La musique comme adoucissant, c'est d'ailleurs le choix qu'a fait Omar, préférant désirer une réalité placée sous le sceau de l'amour que celui de la guerre. Une posture intelligente et sincère qui de surcroît sait éviter les pièges d'une globalisation qui tend à l'effacement de toute altérité. Épris par la frénésie ambiante, certains se lâchèrent alors plus que d'autres et dépassèrent le carcan des frontières, prenant au mot la musique du syrien et son flot de paroles concupiscentes.


Ainsi, c'est dans la fulgurance d'un instant qu'un corps étranger pris position sur la scène, balançant ses courbes sur des mouvements sonores aux ondulations non moins accrocheuses. Un ange blond venu d'une fosse en ébullition qui ne sembla guère faire sourciller le syrien, regard impénétrable derrière les carreaux noirs de ses Balorama. Et au serpent de se mordre la queue face à cette silhouette réduisant la voilure d'un Omar, pour le coup pris à son propre jeu. On ne saura jamais trop ce qui lui est passé par la tête à ce moment, si ce n'est l'idée que son dernier disque a bien rempli sa mission, adoucir les mœurs et pousser les corps à une dévergonde spontanée. Le show ne sera pas plus poussé à l'extrême, s'arrêtant au bout d'une heure dans une humeur suave à laquelle se corrélèrent de derniers youyous, échos de joie et réminiscences de festivités dans lesquelles s'est construite la carrière de cet artiste dithyrambique. Salam quand même donc !

Clip "Bahdeni Nami"

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