15 mars 2014

Lee Hazlewood - A House Safe For Tigers (1975)

Peu d'artistes peuvent se targuer d'avoir influencé autant de monde que le vénérable Lee. Touche-à-tout génial, tour à tour compositeur, parolier, interprète arrangeur, orchestrateur, pygmalion - on se souvient de certaines filles qu'il a prises sous son aile, de la fougueuse et mutine Ann-Margret (The Cowboy and The Lady - 1971) à la candide Nancy Sinatra pour qui il écrivit l'inaltérable "These Boots Are Made For Walking"- auquel peut faire écho de manière à peine plus édulcorée le "partenariat" Gall/Gainsbourg, c'est peu de dire que la palette de Lee Hazlewood était étendue, lui que certains ont cantonné aux rôles de producteur/arrangeur certes génial, façon Phil Spector.
Tant de gens lui ont emprunté son baryton célèbre qu'il serait vain de les citer ici : on pense bien sûr à Léonard Cohen, mais aussi à Iggy Pop pour ses albums de croonerie les plus bas de tessiture (Avenue B) et plus près de tout cet étonnant chanteur espagnol connu sous le sobriquet de Bigott Dont la rengaine "Reno Poem" offre de troublantes similitudes avec le timbre du défunt démiurge.

Et l'on sait par essence que des gens aussi respectables que Isaac Hayes, Stuart Staples (Tindersticks) ou Beck, ont en gens de goût férus d'orchestrations luxuriantes usé ses disques jusqu'à la trame. Et qu'un Nick Cave ne lui aura pas emprunté que sa seule moustache le temps de quelques disques.

Ce disque ? Il s'agit d'une des bandes-sons de film que Lee Hazlewood composa à une époque où exilé en Suède, il n'avait plus forcément le vent en poupe. Cet album au titre suédois Ma Vart Hus Forskonas Fran Tigrar (mais c'est écrit sur la pochette), pas le plus connu et aussi l'un des plus cultes et les plus rares, fait sans doute partie du panthéon de son auteur.

Comme tout OST qui se respecte, deux ou trois thèmes récurrents constituent le fil rouge de ce 17ème album du maître. Dans de superbes arrangements de cordes dignes d'un Burt Bacharach, la majestueuse "Souls Island" s'immisce dans le cortex, enchanteresse - on n'est pas loin de la Grande Musique. Le morceau-titre qui a le douloureux privilège de lui succéder est une manière de chanson country-western élégante qu'Hazlewood savait usiner mieux que personne. Passée l'amusante et tendre "Our Little Blue boy", sorte de nursery rhyme à l'anglaise, place à "Absent Friends", version instrumentale de "A House...", auquel succède l'un des morceaux de choix de Lee "Sand Hill Anna and The Russian Mouse", hilarante fable outlaw, saupoudrée des basses médium de rigueur. "Lars Gunnar and Me", emprunte les mêmes sonorités, à nouveau sous un mode country and western, avec toujours ce gimmick de montée chromatique au couplet.

La reprise de "Souls Island" anticipe hélas les bavardes et intempestives interventions parlées du metteur en scène que l'on entendrait des années plus tard sur le City Reading de Air, et qui fatalement tombent à plat au détour d'une mélodie sublime. Et au-delà d'une anecdotique version chorale de "A House Safe for Tigers", le LP se termine par deux nouveaux tours de force : la mixité raciale narrée dans le superbe "The Nights", et la totalement inattendue "Las Vegas", instrumental infectious, tout de wah-wah et de de cuivres straight qui n'auraient nullement déparé chez le meilleur d'un Lalo Schiffrin.

Où comment refléter encore la diversité dans le savoir-faire, l'éclectisme du génial Lee Hazlewood.                                                                       

En bref : un grand disque, une oeuvre méconnue et culte, qui fait se croiser, le symphonique, la country et le funky. Que comme nombre de ceux de son auteur, on se devra de posséder. Et qui légitime toutes les soirées moustache.





"Souls Island" :



  "Las Vegas" :

3 Comments:

Anonyme said...

c'est Harvest en mieux
Le batteur sur Las Vegas est un gros tueur!
et une cartouche groovy de plus
merci!

Nickx said...

Content d'avoir contribué à ta playlist !
Ca ne fait jamais de mal d'avoir matière à groover en soirée !

Ju said...

Marrant que tu parles de ce disque alors que je l'avais écouté deux fois la semaine d'avant ! Superbe disque, et ce n'est pas Dave qui dira le contraire, je crois qu'il l'aime beaucoup aussi !