26 juillet 2011

The Outsiders - CQ (1968)

CQ, régulièrement cité comme l'une des merveilles oubliées des 60's, mérite à ce titre d'être classé à proximité de Sell Out ou de S.F Sorrow pour ce qui est de son excellence. Et d'ailleurs, les analogies entre les divins Pretty Things et les Outsiders ne manquent pas : sens imparable de la mélodie, brutalité et méchanceté du son qui renverraient les séminaux Yardbirds au rang d'aimables plaisantins - alors que quand on connaît la réputation de ces derniers live -, les cheveux les plus longs et les plus sales de l'époque etc...
Quid de ces Outsiders, à ne surtout pas confondre avec d'autres combos homonymes de l'époque, dont on dénombre au moins deux déclinaisons ?

Ils étaient néerlandais, patrie dont on oublie parfois qu'elle a engendré des groupes formidables qui de Q65 aux Nits, en passant par les Shocking Blue, Golden Earring ; et constituaient la scène Beat hollandaise de la décennie ultime (Q65, Motions, Ekseption).
Rarement panégyriques à la gloire du plus grand groupe que personne ne connaît (enfin, pour les connaisseurs de la période, ils sont incontournables) n'auront été aussi justifiés. CQ est un disque important, emmené par un chanteur immense, le regretté Wally Tax dont le timbre clair et métallique évoque parfois Peter Murphy, sur "Daddy Died On Saturday" particulièrement. Ses inflexions très larges, comptent pour beaucoup dans la réussite du quintette. Ceci ajouté à la qualité des chansons n'usurpe donc en rien son titre officieux de plus-grand-groupe-des-60's-non-anglais-américain-ou-australien.

Testament du groupe, il n'est que le deuxième long format après un premier effort éponyme mi-live mi-studio qui les voit prisonniers d'une nacelle, disque inclassable s'il en est car oscillant entre le garage le plus vindicatif ("Misfit", "Doctor", "The Man On The Dune"), et le psychédélisme le plus échevelé, le plus hébété ("Zsarrahh", "CQ"), CQ est donc une oeuvre hors des sentiers battus, car reposant sur des styles, des rythmes très différents.
"Misfit" tribal, rue dans les brancards à la manière des plus belles déflagrations Beat-aux groupes précités, l'on pourrait ajouter les Shamrocks, les Easybeats... "CQ" apparaît comme la grande tournerie psychédélique et chaotique dans laquelle Wally n'a de cesse de s'enquérir qui est à l'autre bout du fil, pas de véritable mélodie, juste un ressac lancinant de larsens à devenir dingue - d'ailleurs et suivant la durée de prononciation de la voyelle, l'auditeur pourra interpréter à sa guise le titre énigmatique. Sick You ? Seek You ?
"Daddy Died On Saturday' est la terrifiante histoire de meurtre perpétré par un homme jaloux et sur une descente d'accords irrésistible, où la voix grave et métallique de Wally fait mouche. Alternant intelligemment morceaux courts ("It Seems Like Nothing's Gonna Come My Way Today", "Wish You Were Here With Me Today", "The Bear", évoquant les ruades speedées des Electric Prunes) comme Big Star savait si bien le faire, et les tourneries infernales, qu'elles soient d'obédience psychotrope ("Szarrahh", CQ") redoutablement R&B ("Happyville" et son tuant riff d'harmonica), ou encore mélodies à tiroir ("Prison Song" ou l'épiphanie d'un condamné racontée en un peu moins de 6') les chansons, toutes des créations originales reposent sur un dénominateur commun : la qualité de leur interprétation.

Car les Outsiders, et ça n'était pas forcément écrit, étaient d'excellents musiciens - voir les lignes de basses tournantes et obsédantes, les très discrètes pédales d'effets et couches d'orgue (quasi inaudible) qui savent se fondre sous les coups de boutoir d'une rythmique harassante. Les mids-tempos abondent et se marient admirablement avec la sauvagerie des thèmes les plus garage -"I Love You N°2" et ses accords flirtant avec le jazz, "You're Everything On Earth" et ses délicats entrelacs de guitare. Magnifique.

Une fois dissous le groupe, Wally Tax a poursuivi une carrière solo qui n'est pas restée dans les mémoires, mais son groupe et lui-même demeurent les héros absolus de nombre d'aficionados de la décennie flamboyante ; l'on dit d'ailleurs que Kurt Cobain (qui avait beaucoup d'idoles en même temps), ne jurait que par eux.
Terminons en disant que ce disque, initialement écoulé à quelque 500 exemplaires par Polydor, est devenu un absolu collector dans son pressage original dont la valeur conduit automatiquement à un nombre forcément élevé, et à trois chiffres. Heureusement, abondamment réédité et réhaussé de force inédits -notamment sous le label Pseudonym-, cette oeuvre majeure est ainsi disponible au plus grand nombre, et se doit de figurer dans les meilleures discothèques.

En bref : l'un des 10 meilleurs albums des 60's, à hisser tout là-haut auprès des SF Sorrow ou autres Sell Out. C'est dit. A (re)découvrir d'urgence ; les mods et pas seulement, en ont pleuré leur mère.





biographie et discographie nécessaires

"Daddy Died on Saturday" :



"Misfit":



"You're Everything on Earth" :

5 Comments:

alextwist said...

il y aurait beaucoup à dire sur la scène 60s néerlandaise

tu cites je pense les meilleurs groupes (Outsiders, Q65 et Motions) mais il y en a pas mal d'autres qui ont fait des choses intéressantes
(Het, Bodewjin De Groot, Golden Ear-Rings, Les Baroques, Zen, Group 1850, Jay-Jays, Shoes, Rob Hoeke, Cuby and the Blizzards, Ro-d-Ys, the Hunters...)

en tout cas cool de lire une critique sur CQ! les Outsiders étaient vraiment un groupe fantastique et assez unique pour l'époque!

M.Ceccaldi said...

le chanteur est impressionant!
merci pour ce super article
j

Nickx said...

Merci Jé, et merci aussi rétrospectivement à alextwist pour ses précisions.

Je suis d'autant plus content que ce disque fasse réagir, que loin d'être une marotte ou un buzz comme il y a en a parfois sur les prétendus chefs-d'oeuvre oubliés,

on a vraiment affaire là à un disque d'une rare cohérence, excellemment joué et interprété ; vraiment un classique quoi !

Tout, de la pochette au titre, en passant par la diversité des titres, est de bon goût !

Et cette ballade (You're Everything on Earth) me fait juste fondre....

M.Ceccaldi said...

500 exemplaires pressés, c'est vraiment le tirage super confidentiel ! ils étaient totalement obscurs à l'époque, écrabouillés par les grosses pointures sixties ? ungemuth parle d'âneries psychés pour CQ, tout en reconnaissant la grandeur du disque. toi qui est si sensible aux facilités psyché-n'importe quoi, tu es d'accord avec cette critique ?
J (psycho-exigeant)

Nickx said...

Je trouve qu'une fois de plus (mais j'adore le lire) Ungemuth est très sévère et se fourvoie sur les titres qui ne relèvent pas de la pop pure ; dès que ça n'est pas du British Beat pur jus, ça semble le gêner !

Donc, et en ce qui me concerne, "Zsarrahh" et "CQ" et ses échos déments, sont d'excellents titres, et valent largement certaines des niaiseries du Pink Floyd première manière !

Car oui, même sur le premier Pink Floyd, il y a des niaiseries !

En résumé, il n'y a pas un seul titre faible sur CQ, même si tout un chacun y puisera ses préférés !