07 novembre 2009

The Auteurs - Now I'm A Cowboy (1994)

En 1994, alors que la pseudo guéguerre Oasis/Blur fait rage, et que l'étendard britpop fallacieusement mis en avant par le NME est à la mode,  une poignée de groupes méritant vraiment le statut d'indé, résiste à la hype de la pop brittonne suffisante.
Ces groupes ont pour nom The Mabuses, Baby Bird ou The Auteurs. Déjà, dès le nom, tout est dit : The Auteurs plutôt que The Authors. On sent poindre un certain classicisme et des références de bon goût, davantage portés vers la littérature française que vers le "renouveau" pop britannique bas du front, aux relents nationalistes douteux.
Donc, loin d'être préoccupé par la compétition stérile opposant aux groupes susnommés les Pulp, Elastica ou Suede, le dénommé Luke Haines qui ne souhaite pas se mélanger fabrique une pop qui n'a rien de révolutionnaire - bonnes grosses guitares électriques et acoustiques sont du casting - mais dont les thèmes les plus doucereux, les plus délicats sont soulignés du violoncelle de sa compagne, Alice Readman. Dès l'ironiquement nommé New Wawe (1993), la presse s'esbaudit avec raison, de ce son volontiers suranné, de cette pop baroque d'influence Kinksienne - une chanson ne s'intitule-t-elle d'ailleurs pas "Starstruck" ?"

Mais ce qu'il y a de nouveau, et de quasi unique à l'époque au Royaume-Uni c'est que nous avons bel et bien affaire à un songwriter de la trempe des glorieux anciens que sont Ray Davies, Steve Marriott ou Pete Townshend. Un songwriter, un vrai de la trempe des Morrissey ou Costello - on n'en voit guère d'autres parmi ses contemporains - si l'on juge non pas la médiocrité, mais la simple absence d'intérêt des textes de 90% de la musique pop qu'il est alors donné d'écouter.
Quotidien des petites gens, des anonymes dans leur banlieue sordide, chroniques de classes, il y a un peu de tout ça chez Haines. Acuité, tendresse, un certain cynisme aussi, mais point d'accents belliqueux. On évitera donc les raccourcis hâtifs avec le patronyme de l'Auteur en chef. Qu'il s'agisse de cette histoire d'inceste en demi-teinte ("A Sister Like You") et de son violoncelle toujours caressant, ou bien de cet engoncement de valeurs mis en lumière dans la chanson qui cite le titre de l'album ("Life Classes/Life Model").
Le single "Chinese Bakery", a cette ambiance très cinématographique et romantique ("She's going dowtown, but she comes from uptown / where the brokers and the dealers socialise/ She's going downtown 'cause she's a poet / and the Chinese bakery's open all night") ; il y a aussi les désolantes amours impossibles de "Underground Movies", la quête de la renommée illusoire de "New French Girlfriend".

Tout ici est stylé, affaire de goût, et les mélodies, les arrangements sont là qui, sans faire de surenchère, savent aller à l'essentiel ("Lenny Valentino", irrésistible brûlot d'ouverture de 2'19"). Jusqu'à la monumentale "The Upper Classes" et ses envolées de guitares rythmiques en boucle, qui avec ses 6'44" déroge à la règle de la concision, mais dépeint avec une précision, un feeling rares la vacuité d'une haute lignée ("There's nothing wrong with inherited wealth/ If you melt the silver - yourself").

Puis les parenthèses Baader Meinhof et Black Box Recorder seraient les dernières à porter leur auteur au pinacle. L'artiste continue cependant dans un relatif anonymat et sous son nom, à porter la bonne parole. Qu'importe : c'est sous la bannière de son 1er groupe et de ses quatre déclinaisons - il y eut aussi After Murder Park (1996) et How I Learnt to Love The Bootboys (1999) - et plus particulièrement de cet opus imparable, que nous continuerons de nous abreuver.

En bref : un disque oublié de la triomphante Albion des 90's. Mais qui, contrairement aux dinosaures de l'époque dont on s'est lassé, résiste au temps. Une écriture, une patine qui font souvent défaut dans la production ambiante.






Le clip de "Lenny Valentino" :


3 Comments:

M.Ceccaldi said...

une découverte
merci

Anonyme said...

Les Auteurs avaient enregistré une black session avec pas mal de morceaux de cet album et du suivant. Un grand moment. Ca doit encore circuler au marché (le)noir.

Ju said...

Je ne connaissais pas du tout The Auteurs, je les ai écoutés durant la gestation de ta chronique, et bien entendu j'ai adoré.

Et au passage tu cites Pulp qui sera prochainement mis à l'honneur sur Dodb...

A+
Ju