12 septembre 2018

Rachid Taha - Made In Medina (2000)

En cette très morne rentrée 2000, l'on ne pouvait retenir d'un sampler d'automne que quelques notes de guitares, des accords répétitifs et obsédants, ceux de "Barra Barra", hymne qui alliait quasiment le punk à la musique berbère. Admirablement produit par le véritable metteur en son et collaborateur de longue date, Steve Hillage.

Sans forcément être un aficionado, tout le monde connaissait bien sûr l'affaire Carte de Séjour, beaucoup moins consensuel qu'il n'y avait paru à l'époque. Mais même si la discographie solo de Rachid Taha n'en était plus à ses balbutiements, il était permis de ne pas se montrer ému par ses  reprises de Clash en arabe.
Ce disque redistribuait les cartes de la world music telle que pratiqué dans les albums précédents de l'artiste. Album urbain, Made In Medina  a été enregistré dans des endroits aussi divers que Londres, Marrakech, Paris ou La Nouvelle-Orléans. Taha voyait dans le choix multiple de lieux où enregistrer et de ces villes en particulier, un univers gigogne permettant de remonter à ses racines Première à être imbriquée, la capitale de la Louisiane et ses inspirations vaudou. De cette dernière destination découle la trame hypnotique, les morceaux plutôt étirés, agissant tels des mantras. Ainsi au-delà de l'oud, des tablas et autres instruments orientaux, affleure cette touche dansante aux lisières de la techno qui est l'apanage du ticket Taha/Hillage. Des morceaux de la trempe de ce "Barra Barra" irrésistible, il y en a à la pelle : "Foqt Foqt", ""Ala Jalkoum", superbe duo avec Femi Kuti (fils de Fela) en forme de complainte sur le déracinement, "Aïe Aïe Aïe" aux confins de la trance. Sur certains overdubs vocaux ("Medina", "En retard") on n'est pas loin de l'univers d'Underworld.
Medina ou la ville nouvelle, ce terme permet à Taha d'encapsuler avec réussite son esprit nomade voire apatride, en tout cas citoyen de la terre. La langue arabe quasi omniprésente, sert avant toute chose de véritable identité à l'artiste hélas rompu à la discrimination et au racisme de ses années adolescentes. Même si le français utilisé tendrement sur "Ho chérie chérie" renvoie au creuset artistique et aux influences des pionniers de la chanson d'ici.
Le 5ème album du musicien est le crossover idéal pour découvrir l'univers du raï et ravirait jusqu'aux auditeurs rétifs au genre. Teinté d'une modernité urbaine (ces guitares !), d'un beat, d'un souffle qui reflète l'alliance insoupçonnée d'un auteur et de son arrangeur. La très belle pochette réalisée de la main des studios Ich&Kar illustre comme à chaque fois la psychologie et l'humeur de Rachid dans ses créations : envies d'ailleurs et de se fondre dans une foule grouillante jusqu'à disparaître tout à fait.

Made In Medina ou le fleuron de Rachid Taha, situé à mi-chemin d'une discographie exemplaire. 5 nouveaux disques allaient suivre. Jusqu'à cette fichue et fatale crise cardiaque de 2018.

En bref : très beau disque tour à tour émouvant, trippant et finalement foisonnant dans sa diversité de sons, que ne remet pas du tout en cause l'unité mélodique des chansons. et qui ravira jusqu'aux allergiques du raï.






"Barra Barra" en live :



4 Comments:

Ju said...

Tu m'avais fait découvrir ce Made in Medina l'été dernier, et m'avais réconcilié avec le Raï par la même occasion. Excellent disque!
A+
Ju

M.Ceccaldi said...

je suis allergique à la world music qui a tendance a aseptiser ce qui fait la beauté des musiques trad'; mais là promis je vais écouter !
J

Nickx said...

Jé , je vomis la world music et suis même relativement rétif aux folklores en général ; à part celui irlandais.
Mais là c'est beau : du raï avec de grosses guitares et des boucles techno derrière.
J'adorais ce mec ; il avait un réel feeling.

Nickx said...

Au fait mon poulet, tu n'es pas sur Facebook, mais le site y figure en bonne place ; et régulièrement j'actualise et poste les nouvelles chroniques.
Ton excellente review du disque perdu (et retrouvé) de Coltrane y figure en bonne place. :)