01 décembre 2017

Joy Division - Closer (1980)


Ce disque pue la mort, et pour cause : la tringle,  l'étendoir tout ça. Et dans le sordide,  l'on ne voit guère que la beauté funèbre du The End... de Nico pour lui disputer le titre de microsillon le plus cafardeux de tous les temps. Voila le disque le moins funky, le plus dénué de swing de l'histoire de la pop.



Déjà cette pochette... cette blancheur sépulcrale inspirée d'une toile funéraire. Et cette batterie martiale qui ne va varie pas d'un iota, annonçant une foire aux monstres façon Fritz Lang ("This is the way / Step inside"), ce ARP Omni 2 glaciaire très Suicide dans son minimalisme qui enlumine "Isolation".

"Passover" et ses riffs délavés et exsangues, "Colony" et sa basse pilonnante, "A means to an end" et son ralentissement de tempo qui annonce... un passage.

Vers l'une des faces B les plus fascinantes et les plus torturées de l'histoire. A faire passer le reste du répertoire blafard du groupe de Ian Curtis pour une aimable rigolade. Là, on ne mégote plus ; car tout au long des quatre morceaux à l'égale tristesse insondable, l'auditeur navigue dans la psyché tourmentée du chanteur supplicié, de son âme mise à nu. Là déjà, il n'est plus guère question de la tournée américaine à venir qui doit consacrer le groupe.

"Heart and soul" tout d'abord, est dépositaire de la lettre de futur suicidé du leader de Joy Division. (" Existence well what does it matter ? / I exist on the best terms I can  / The past is now part of my future / The present is well out of hand.") Brrrrr...

"Twenty-four hours", enchaîne tout aussi primesautière, emmenée par la basse de Peter Hook, au parti-pris toujours mélodique. Puis c'est l'abysse : "The eternal" et son final qui évoque le passage vers l'au-delà, ce long tunnel baigné de lumière qu'évoquent ceux qui "en" sont revenus, ces voix indistinctes que relient le point de non-retour de ce piano et de ses quelques notes égrenées. Voici en effet le sommet mortuaire de ce disque à la beauté diaphane.

"Decades" et ses nappes de cordes tremolo synthétiques, clôture le second et posthume disque de Joy Division. Dans un fade out presque synonyme d'apaisement où l'âme de Curtis l'a déjà abandonné. Joy Division ne s'en relèvera donc pas ; et il n'y aura guère que dans "Ceremony", chanson passerelle vers New Order qu'on retrouvera pareille noirceur.

En bref : le disque testament d'une époque. La cold wawe à son plus noir. Une beauté quasi liturgique émane de ce disque singulier qui trouble les sens. Un work in progress suicidaire qui ne laisse pas de révulser et de fasciner longtemps après sa découverte.
 
"The eternal"



On ne saura également que trop conseiller les deux films qui ont retracé le parcours de Joy Division : Control, excellent biopic d'Anton Corbijn, ainsi que Twenty Hour Party People de Michael Winterbottom, plus axé sur le personnage central de Tony Wilson et les années Factory  ; et qui lui est peut-être supérieur. 

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