12 février 2015

Jessica Pratt - On Your Own Love Again (2015)


Deuxième parution au long cours pour l’énigmatique Jessica Pratt, déjà auteur d’un album éponyme en 2012 et dont l’aura n’avait que peu touché l’Hexagone. Pour les plus avertis, ils avaient pu la localiser lors d’un concert à Saint-Ouen au MoFo 2014, pour ce qui reste à ce jour son seul passage en France. Il est donc temps de lever le voile sur une artiste pour qui la lumière n'a jamais été une source d'inspiration, et pourtant...

Munie d’une simple guitare acoustique, la belle se révélait alors à la face de la scène folk américaine, comme au Pickathon Festival, par ses compositions ensorcelantes, desquelles découlait l’empreinte d’une musicienne tout en continuité avec un genre dont le classicisme tend à l’érosion artistique. Une rencontre avec Tim Presley du projet White Fence, qui a notamment collaboré avec Ty Segall, servira de rampe de lancement à Jessica Pratt. Ce dernier, énamouré des compositions de l’américaine, lui proposera de distribuer sa musique via le label créé à cet effet, Birth Record. Voilà pour la genèse, place maintenant à cette belle histoire en devenir, et à l’objet en question On Your Own Love Again. 

Comme indiqué plus haut, le premier disque de Jessica Pratt passa quasiment inaperçu en France au contraire de l’Outre-Manche où ce dernier trustait les têtes de gondoles des rayons de disquaires tel que Rough Trade, une différence de culture certainement. Artiste folk devant l’éternel, la blondinette s’inscrit dans un genre que l’on peut qualifier de pattern culturel aux racines de l'espace mental musical américain au même titre que l’est le rockabilly. A contrecourant des tendances sonores actuelles, la californienne assume donc ses affinités avec ce style rompu à l’exercice du temps, en sachant préserver pour mieux dépasser, l’essence d’un folklore à la base même de son abréviation linguistique. Entre tradition et modernisme, la musicienne opte allègrement pour le premier et refuse qu'on la case dans la dynamique contemporaine dite de la Freak Folk, préférant se référer au sillon creusé par des artistes telles que Sibylle Baier ou Johan Baez, et dans une extension plus lointaine celle d'Ariel Pink.



Un côté hybride semble cependant toucher la musique de Jessica Pratt, une sensation ressentie dès les premières vocalises de l'américaine. Possédant une voix à plusieurs étages et aux émotions singulières selon les intonations développées, on ne peut s'empêcher de penser que plusieurs âmes naviguent dans ce corps. Une capacité naturelle avec laquelle ce petit bout de femme s'amuse, en témoignent les superpositions vocales produites via un procédé technique bien particulier comme sur la piste sorcellaire I've Got A Feeling. Une onde surnaturelle enveloppe ainsi la musique de Jessica Pratt, comme si cette dernière était habitée par un esprit, qu'elle invoque au gré d'arpèges chargés en éther. Il n'est d'ailleurs pas rare de retrouver le mot "magic" dans les commentaires des auditeurs anglo-saxons sur le web....Pas un hasard.

Envoûtante avant d'être retentissante, il n'est pas certain que toutes les oreilles s'accrochent aux boucles solaires de Jessica. A cela, un timbre de voix parfois trempé dans l'hélium, des onomatopées multiples, et un travail de production qui ne peut rendre aussi bien qu'une simple session acoustique, ce grain inhérent au bois d'une guitare, voir celle enregistrée pour Folkadelphia en 2012. Mais cela n'empêche pas la jeune femme de livrer un disque ivre de sensibilité, dont la solitude inhérente aux grands espaces américains est à la source. Un affect qui n'a pas échappé à Kevin Morby, avec qui elle entame en ce début d'année une tournée nord américaine, avant de croiser le fer avec la vieille Europe. A eux deux la folk a encore de beaux jours devant elle.

En Bref : On Your Own Love Again réanime dans un monde électrique, une folk à l'onde ancestrale, presque ritualiste. Redire ce mythe avec tant de justesse confère aisément au geste archétypal et fait perdurer la mémoire d'une esthétique musicale suspendue au dessus de l'oubli. Et si le temps s'arrêtait, simplement...





En osmose avec le vent sur "Strange Melody"

Accompagnée sur "Moon Dude"

2 Comments:

Ju said...

Il faut que je me penche la-dessus, ca donne envie en tous ca.
Bises
Ju

Bouddhanight said...

Elle passe par Vancouver le 21 février... sinon en juillet à Chicago au Pitchfork festival... et Paris et Nantes en mars pour la France !!!