26 février 2011

Tim Hecker - Ravedeath, 1972 (2011)

Tim Hecker fait partie de ces bâtisseurs sonores, ces dompteurs de bruit, dont chaque disque est une expérience auditive. À défaut d’être véritablement «accessible», sa musique est intense, profondément inspirée par des humeurs ou un état d’esprit passager. Comme si son auteur avait tenté de reproduire les vibrations qui résonnaient dans sa tête par des sons. En résulte un disque sombre, tantôt étouffant tantôt libérateur, à écouter d’une traite.

Le Canadien, ancien membre du groupe Jetone, n’a pas fini d’asseoir sa réputation de compositeur. Parmi ses nombreuses collaborations citons celles avec Aidan Baker (membre du groupe Nadja), Godspeed You Black Emperor sur scène, Fly Pan Am en studio. Il signe ici son sixième album solo (le troisième chez Kranky Records). À l’instar de Ben Frost et indéniablement inspiré par le père de l'ambient, Brian Eno, Tim Hecker a fait du bruit son instrument de prédilection pour façonner un genre hybride mêlant ambient, electro et shoegaze aux frontières de l’expérimental.

Le processus de composition éclaire en partie la densité du son de Ravedeath, 1972. C’est dans une église à Reykjavik que Tim Hecker, en compagnie de Ben Frost, a enregistré la trame sonore des morceaux sur un orgue à tuyau. L’acoustique du lieu et la raisonnance de l’orgue produisent ces nappes ondulantes omniprésentes sur le disque. Les autres instruments (synthés, piano, et guitare) ont ensuite été rajoutés en studio puis gonflés de distorsion et de réverb. Au milieu de ce nuage bruitiste apparaissent quelques éclats de beauté où l’harmonie semble s’instaurer : mais seulement pour un temps. Les instruments doivent lutter pour se frayer une place parmi le drone ondulant de l’orgue.

À l’écoute de cet opus on ne cesse de repenser au mini-album d’Eluvium, Static Nocturne – produit en seulement 200 copies, que les plus rapides auront pu se procurer – sorti l’an dernier sur son propre label (Watership Records), constitué d’une unique piste de 50 minutes. La durée de Ravedeath, 1972 est quasiment la même mais elle est fragmentée en plusieurs thèmes. On y retrouve cette même fascination pour le bruit, omniprésent, traité comme une texture oscillant entre ombre et lumière.

En bref : les mots manquent pour traduire l’atmosphère tortueuse de ce disque. L’écoute de Ravedeath, 1972 est une véritable expérience dont on ne ressort pas indemne.




Le Myspace le site et le site du label

"Studio suicide" :



"The piano drop" :


3 Comments:

charlu said...

Superbe chronique sur ce paysagiste sonore qui s'affirme au fil des albums.
Super site aussi, tu me donnes envie d'aller voir du côté Josh T Pearson. Je t'ajoute dans mes liens.
Charlu

www.leschroniquesdecharlu.blogspot.com

Anonyme said...

Quelle ambiance! L'album est d'un mystique... On croirait Tim Hecker aventurier des bruits perdus et des sons oubliés. :-)

Thomas S. said...

Merci Charlu ! Sympa ton blog aussi !
Pour l'ambiance du disque, c'est vrai que les sons sont peu communs et c'est ce qui le différencie des nombreux disques d'ambient souvent composés entièrement de sons artificiels.