20 avril 2022

Swell - s/t (1990)

En 1990, la rumeur enflait : un groupe indé allait en remontrer aux charts du monde entier et...

Non, foin de fantasmes. Il n'était pas de groupe plus discret, plus confidentiel, plus best kept treasure que Swell. Et tous les efforts de Bernard Lenoir animateur zélé de nos soirées sur France Inter n'y feraient rien.

Loin des fastes du flower power, Frisco allait enfanter l'un des orchestres les plus jansénistes qui soient.

C'était d'abord ce son de batterie caverneux. Cette grosse caisse toute Velvetienne tenue par Sean Kirkpatrick qui donnait à Swell cette patine immédiatement identifiable. La basse fondue dans le mix de Monte Vallier. Et bien-sûr ces brisures de guitare réverbérée qui devaient beaucoup à Neil Young et ce chant désabusé et nihiliste de David Freel. Ce serait le line-up roi tout au long des huit albums et moult EP et singles d'une discographie inégale mais exemplaire.

La postérité en retient généralement trois bien qu'il ne soit pas interdit de considérer Too Many Days Without Thinking, (2007) ou Whenever You're ready (2002) comme d'autres oeuvres majeures du trio. Swell, avant ...Well ?  (92) et 41 (94) allaient enfoncer le clou d'une pop neurasthénique et brumeuse, enregistrés tous trois dans des conditions forcément lo-fi dans un ersatz de studio situé à l'étage d'un bar. Le manque de moyens ne dédaignant pas à l'occasion tel trait sarcastique ("Wooden hippie nice").

Dès l'intro Big Ben de "Get high" dont il existe une version revisitée sur l'EP de97 (intitulée "Get higher"), on est plongé dans l'univers caractéristique de Swell : rythmiques étouffées, thèmes de défonce - les mots "high", "stoned" récurrents, intitulés façon Velvet - même si exceptionnellement la chanson sonne presque enjouée.

"A town" et son harmonica menaçant et sa grosse caisse tribale poussent l'auditeur dans les cordes. Tout comme l'instrumental "Sick half of a church" avec ses scansions et sa basse inhabituellement percutante. "Love you all", l'une des grandes réussites du groupe avec des paroles bien cafardeuses dont Freel a le secret lui emboîte le pas pour clôturer la face A. "Stop" et "Dan, a son of God" qui reprend peu ou prou le gimmick de guitare de "A town" voient percer sous leur apparente légèreté les prémices de la mélancolie avec suite d'accords acoustiques mineurs / majeurs caractéristiques de l'art du groupe. Impression confirmée par "Ready ?" et ses faux airs de "My Sharona" et surtout la très mélancolique et superbe "Think about those days".

C'est peu dire que l'humeur parfois sinistre des paroles et de ce son muffled tranchait avec l'image plutôt accorte des grimaçants bambins de la pochette de ce premier effort. Swell comme tout groupe auto-produit qui se respecte, avait fait les choses bien avec ces 433 pochettes sérigraphiées du premier tirage.
Tirage que David Freel lui-même aimait à proposer à qui s'était inscrit à la mail list du groupe. Comme un certain nombre d'artefacts de Swell.

Pour les fans ou les curieux, ce premier tirage est intéressant à plus d'un titre car le tracklisting bien qu'identique, donne à écouter des mix ou des versions de chansons totalement transfigurées. Ainsi "Love you all" voit un chant bien différent de Freel et un outro bien plus long. "Stop" et "Ready ?" sont clairement des prises alternatives. Les titres sont plus étirés et la slide omniprésente de "Ready ?" qui sera l'une des signatures sonores de Swell, a disparu au profit de motifs de sax (!).

Enfin, et au delà de fade outs qui ne figurent pas sur la mouture finale, l'impayable "Wooden hippie nice" voit un David Freel fringuant et presque rigolard s'essayer à des paroles différentes.

Ses démons ont-ils fini par le rattraper ? On n'était jamais tout à fait sûrs de la pérennité du groupe ou du split définitif de Swell. Depuis cette date funeste du 12 avril 2022, le doute n'est hélas plus permis.

En bref : le premier disque éponyme du trio le plus jovialement dépressif de San Francisco des soixante dernières années. Une pierre angulaire d'inspiration velvetienne, reconnaissable entre toutes.                                       

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