24 août 2019

Suzanne Vega - 99.9F° (1992)

Elle a bien changé la jeune femme aux courbes efflanquées de l'impérial premier album, sommet folk des eighties (Suzanne Vega - 1985). D'une adolescence ballotée où elle devait faire le poing pour se faire respecter dans le quartier hispanique de Harlem, de ce père absent qui lui inspirerait pourtant les mots si matures de son premier essai épatant, on la retrouvait quelque 10 années plus tard épanouie et donnant un second souffle à sa carrière discographique.

Entre temps, deux albums l'auront consacrée parfois au-delà du raisonnable - la scie "Luka" et surtout "Tom's diner" qui serait aux tests MP3 ce que Pink Floyd jadis était aux chaînes hi-hi. Mais le succès a ceci de bon qu'il rend libre et indépendant. Or là où tant d'artistes une fois glané le trop plein de royalties s'adonnent à la facilité, Suzanne Vega au contraire, va se réinventer. Et quitter une pop folk devenue au fil des années un peu lisse.
Pour cela c'est peu dire que la rencontre avec Mitchell Froom, producteur émérite et excentrique (Costello, Richard Thompson, Del Fuegos et tant d'autres) se révèlera cruciale. Au contact de cet homme marié et aux manières anti-conformistes, une tendre complicité naît. D'abord exclusivement artistique, celle-ci lui permet de faire respirer ses chansons, de les éclater telles des bulles pop vers des sons distordus, electro que lui enjoint Froom. Vega d'abord intriguée se laisse séduire et fait éclore ses vignettes mélancoliques qui n'auraient pas déparé son mythique premier manifeste.

L'on sent ainsi dès "Rock in this pocket (Song of David)" que quelque chose a changé. Les arrangements expérimentaux, des rythmiques tarabiscotées et synthés glaciaires emmènent les chansons nouvellement sexy de Vega très haut -  "Blood makes noise" histoire de corps caverneux ? -
et jusqu'au morceau-titre, véritable exercice de double-entendre envers celui qui deviendra bientôt son mari. D'autres morceaux curieux offrent un shuffle enjoué sur le couplet ("Fat man and dancing girl), du talk-over inhabituel - ("If you were) in my movie").
Mais Suzanne n'oublie pas qu'elle vient de la folk du Village new-yorkais, sa ville d'adoption. Et offre donc un brelan de chansons désossées : "Blood sings" qui renoue avec le minimalisme des débuts, "Bad wisdom" et son entêtante et adorable mélodie à l'harmonium.
Et puis bien sûr la merveilleuse "In Liverpool" et son texte abscons de beffroi et de Quasimodo défenestré, qui serait inspirée d'un amoureux... liverpuldien des années insouciantes. De ces incontournables qui ponctuent chaque concert de la dame.

Puis ce serait les coquines comptines trip-hop des courtes années bonheur avec Mitchell Froom sur Nine Objects Of Desire, son dernier grand disque. Le mariage, le ventre rond, le lâcher-prise. Mais tout ça est une autre histoire.

En bref : Suzanne Vega rompt avec le ronron confortable et le mainstream où sa carrière l'a menée. Et ouvre sa musique à une nouvelle voie expérimentale et électronique tout en ne délaissant pas ce qu'elle maîtrise à la perfection, les ballades folk. Délicieux et sexy.

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